Critique - Mediterranea Inferno : dépression et sable chaud

Mediterranea Inferno : dépression et sable chaud

2020 semble si loin et tellement proche à la fois. Une année étrange pour le monde entier, presque entre parenthèses tant on semble être passé de 2019 à 2023 d’un claquement de doigt par moment. Le COVID a fait bien des ravages, mais on ne prend conscience que maintenant des effets des confinements à répétition. Dans ce contexte d’anxiété, de stress et de solitude, l’Organisation mondiale de la santé, conjointement avec de grandes entreprises de jeux vidéo, a lancé une nouvelle initiative – arborant le hashtag #PlayApartTogether – dans l’optique d’encourager les individus à adhérer aux recommandations sur la distanciation sociale, visant à freiner la propagation du virus. L’objectif était simple : inciter les gens à suivre les consignes de distanciation sociale pour limiter la propagation du virus, en restant chez eux et en s’adonnant aux jeux vidéo en ligne, en solitaire ou avec des amis. L’OMS a prodigué des conseils pour préserver la santé psychophysique des adolescents, soulignant l’usage des jeux vidéo comme une activité ludique bénéfique, stimulant les mouvements corporels et favorisant la socialisation.

L’impact des restrictions, cruciales pour les interactions sociales pendant la période de l’adolescence, s’est trouvé profondément affecté par la pandémie virale que nous avons vécue. Ces contraintes ont drastiquement remodelé nos comportements, nos dynamiques familiales, nos liens sociaux et notre façon de travailler. La crainte de la contagion et l’isolement qui en a découlé ont engendré de nouvelles formes de stress et de traumatismes, des séquelles que nous essayons toujours de cerner.

I Ragazzi del sole, nos trois héros
I Ragazzi del sole, nos trois héros

Mediterranea Inferno, le dernier jeu de Lorenzo Redaelli, le créateur derrière Milky Way Prince, plonge les joueurs dans cet après-confinement tourmenté. Le jeu offre, d’une manière exagérée et empreinte d’humour noir, une vision saisissante du malaise générationnel qui paralyse face à un présent incertain, un avenir en déclin et la fragilisation des protections pour les minorités vulnérables. L’anxiété se superpose au traumatisme, se déclinant à travers les trois protagonistes de Mediterranea Inferno : un trio de jeunes milanais, beaux, à la pointe de la mode et populaires, surnommés les Sun Guys, ou I ragazzi del sole. Ils incarnent ensemble une sorte de triade sacrée de l’identité, de la sociabilité et du pouvoir et vont devoir affronter leurs propres démons lorsqu’ils vont se retrouver. 

La Dolce Vita 

Mediterranea Inferno est en quelque sorte une étude de caractère pour ses trois personnages centraux. Il y a tout d’abord Mida, qui a trouvé la célébrité et le statut d’icône parmi les masses, mais aspire à l’amour d’une seule personne qui se refuse à lui donner. Claudio est, quant à lui, un personnage affirmé et confiant qui n’a pas réussi à définir sa propre identité. Pour finir, Andrea est un mondain populaire qui se nourrit de l’amitié et du bonheur des autres, est condamné à souffrir d’un éternel sentiment de solitude après le confinement.

Après avoir introduit notre trio, le récit s’immobilise en août 2022 lorsque, suite à deux années de séparation imposées par les restrictions persistantes du COVID en Italie, ces amis jadis inséparables se retrouvent dans la chaleur accablante d’un été dans le sud de l’Italie. Claudio, autrefois le leader charismatique et sûr de lui du groupe, se bat pour redéfinir son identité dans un vide culturel et générationnel ; Andrea, qui était autrefois le cœur de la fête, ressent un vide sans connexions humaines authentiques, tandis que seul Mida, autrefois distant et incertain, semble avoir progressé, ayant décroché un poste influent de mannequin pendant la période de confinement. Alors que les garçons renouent rapidement avec leurs vieilles habitudes, un courant sous-jacent de tension, de dysfonctionnement et peut-être même de ressentiment émerge, révélant des insécurités anciennes et nouvelles qui menacent de faire imploser leurs vacances de trois jours dans les Pouilles.

Le jeu dissimule ses véritables intentions pendant le premier tiers, et on a l’impression de vivre une virée entre amis qui veulent enfin se retrouver après plus de 2 ans de silence. On a un peu du mal à s’attacher à eux au début tant ils sont antipathiques et presque clichés. Bien que l’on ait un aperçu de l’historique des trois garçons et de leurs aspects les plus sombres, on est plus sur des allusions et des piques entre amis que de véritables arcs narratifs. 

Le début de l'aventure est plutôt, se situant dans un cadre méditerranéen
Le début de l’aventure est plutôt, se situant dans un cadre méditerranéen

Dès la première nuit, le voile se lève sur les vies en apparence flamboyantes de Claudio, Mida et Andrea, dévoilant un tableau bien plus sombre. Ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, des jeunes hommes brisés par les confinements, tordus par leurs démons intérieurs. La quête désespérée d’approbation les pousse vers des chemins tragiques, chacun cherchant vainement cette validation. Leur force réside dans leur union, pourtant, ils demeurent désunis, des âmes désenchantées, malgré leur trio apparemment solide au premier abord. En plongeant dans leurs histoires passées via les chapitres précédant  leur rencontre, une trame attachante et profondément humaine se dessine. Claudio, Mida et Andrea se révèlent avec des imperfections tout à fait ordinaires, mais qui prennent de l’ampleur à mesure que le jeu progresse, ajoutant une dimension captivante à cette narration immersive et accrocheuse, retenant l’attention même dans ses aspects les plus singuliers.

Parler de Mediterranea Inferno implique d’explorer ses thèmes sensibles et son audace dans leur traitement. Les trois protagonistes, fiers de leur homosexualité et de leur excentricité, sont mis en lumière par Lorenzo Redaelli à travers des images souvent empreintes de sexualité. Le jeu aborde de front des sujets tels que le changement climatique, les enjeux LGBT, la quête identitaire et l’acceptation familiale, évitant tout contournement. Cependant, par moments, les personnages semblent presque se transformer en vecteurs de ces thèmes, surtout vers la fin, laissant au joueur le soin d’en saisir les nuances.

Rêve Lucide

Ici, l’été italien est, dès le départ du récit, dépeint comme un enfer à lui seul. Une immersion dans une vague étouffante de rouge vicieux qui jaillit et suinte à travers chaque image ; les figues de Barbarie sauvages palpitent de manière suggestive, menaçante, comme si quelque chose allait éclater de l’intérieur, tandis que les soirées monotones dans la villa des garçons sont représentées comme un retour au calme après chaque journée éclatante. Au cœur de tout cela apparaît un étranger, porteur du fruit des mirages, dont chaque bouchée promet une évasion temporaire de la douleur des années passées, peut-être même un véritable « été sans fin » de plaisirs pour ceux prêts à s’y abandonner totalement. 

« Je sais que vous cherchez des mirages« , déclare l’énigmatique Madama aux garçons. « Je vends des désirs, des espoirs. J’ai la clé pour résoudre tous vos problèmes. Je peux guérir votre douleur. Je peux vous donner ce que le monde ne peut pas vous offrir« .

Pour un modique paiement de 350 summer coins, récoltées à des moments spécifiques de la journée, un des garçons – choisi par le joueur – peut expérimenter son propre Mirage. Suite à cela, la réalité déjà exacerbée de Mediterranea Inferno commence à se détacher complètement, l’été italien parfait se déformant à l’image de la psyché fragile de chacun des protagonistes. Pendant ces séquences hallucinatoires, le jeu lâche un peu les rênes de sa narration, permettant d’explorer plus librement ses environnements saisissants et de sonder plus en profondeur les fantasmes des garçons.

Les mirages sont le véritables coeur du jeu
Les mirages sont le véritables coeur du jeu

Le premier mirage d’Andrea est un mélange excitant d’hilarité et de débordement, un rêve sensuel à mi-chemin entre l’érotisme léger et les insinuations non dissimulées, avec des plages, des hommes séduisants, et des sous-entendus à peine voilés. Les sucettes sont léchées avec passion, les ballons sont gonflés frénétiquement jusqu’à l’explosion, et les fruits sont consommés de manière étonnamment suggestive. C’est une séquence aussi magnifique que frivole qu’Andrea lui-même, un tourbillon de soleil, de peau et de sueur, mais des éclats sombres y affleurent également et il devient vite évident que ces visions paradisiaques sont des auto-illusions, des tentatives opiniâtres pour enterrer les angoisses les plus profondes et les traumatismes persistants de chaque garçon, plutôt que de les affronter. Ce premier moment surréaliste n’est pas trop exigeant et nous montre les fantasmes primaires des garçons. 

Les mirages de Claudio sont d’une grandeur baroque, évoquant des mondes captivants et des mensonges nostalgiques de gloire passée, loin du présent qu’il évite soigneusement ; Mida, malgré sa renommée, incarne l’isolement volontaire, son premier mirage est une abstraction froide, clinique et distante, se déroulant entièrement au fond d’une piscine immense, reléguant le monde réel à quelques brasses au-dessus de la surface.

Grandeur et décadence dans les mirages de Claudio
Grandeur et décadence dans les mirages de Claudio

La bravoure stylistique de Mediterranea Inferno, en particulier dans ses séquences de mirage est captivante à maintes reprises. Mais sa véritable prouesse réside dans sa capacité à saisir avec justesse des moments d’émotions authentiques et bruts. Ces garçons, tout en débutant comme des représentations caricaturales de la futilité, exposés au départ à travers les murmures impressionnés des clients de clubs, semblent évoluer lentement vers une douleur et des traumatismes qui sonnent profondément authentiques et réels. Ce sont des personnages complexes et riches (même s’ils ne sont pas nécessairement sympathiques), éloignés du monde qui les entoure après des années difficiles, et piégés dans un cycle sans fin de tromperie, envers eux-mêmes, leurs admirateurs, et leurs amis. Leur immobilisme finira par les perdre, et Mediterranea Inferno, de plus en plus implacable, ne leur épargne aucune punition pour leur inaction lamentable (Madama se moque d’eux en les qualifiant de « martyrs » tout au long du jeu), mais leurs troubles émotionnels sont joués avec sérieux, et traités avec tendresse et empathie.

La fin de l’innocence 

Les jeunes personnages de Mediterranea Inferno n’expérimentent pas seulement une tristesse personnelle ; ils sont le reflet d’une génération qui se sent spoliée d’un futur qui n’a jamais brillé par sa promesse. Auront-ils l’opportunité de tracer leur propre voie ou leurs aînés ont-ils déjà tout tenté ? Comment se fait-il que les générations précédentes, si engagées pour la justice sociale, rejettent aujourd’hui toute la responsabilité sur les jeunes ? Peuvent-ils espérer vivre des expériences dénuées de la nostalgie imposée par d’autres ?

Redaelli n’offre guère de réponses simples. Il suscite des interrogations chez lui-même et chez son public, et peut-être est-ce là le plus grand défi de Mediterranea Inferno. L’écriture semble s’efforcer d’expliciter ses métaphores, de garantir que rien ne se perd dans la « traduction », pour ainsi dire. Compte tenu du sujet spécifique et de sa distance potentielle pour ceux qui n’ont pas grandi en Italie, cela peut sembler compréhensible. La version anglaise clarifie les choses pour un public non italien, mais cela laisse peu de place à une interprétation personnelle de l’histoire et des motivations des personnages.

La maîtrise remarquable de Mediterranea Inferno réside dans sa capacité à jongler avec les nuances tonales. Malgré les moments déchirants qui explorent des émotions douloureuses telles que la dépression, la solitude, ou le traumatisme, le jeu réserve aussi des instants de légèreté, même si vus à travers un prisme sombre. Les discours moralisateurs de Madama, par exemple, sont délivrés avec une ironie subtile : une fin optionnelle révèle l’aspect allégorique de l’histoire, avant de déconstruire joyeusement sa pompe et son hypocrisie pour offrir une conclusion empreinte d’espoir pour nos protagonistes.

Identité prismatique

Mais au-delà de ces éléments, Mediterranea Inferno est avant tout une excellente histoire. C’est un jeu moral, construit comme un mystère, dévoilant habilement ses multiples strates. Il aborde des thèmes ambitieux – l’importance de la communauté, la fragilité des lieux de refuge, les tourments existentiels d’une génération prisonnière d’un passé égoïste et d’un avenir incertain. Parfois, il semble s’égarer au milieu de ses réflexions accablantes, mais sa sincérité émotionnelle reste constante. Le résultat est une réflexion dense, provocante, ludique, horrifiante, poétique, parfois même profonde, sur la quête paralysante d’une place dans l’ombre désenchantée de la vie moderne.

Le poids des vies passées

Mediterranea Inferno agit comme un miroir reflétant la charge émotionnelle du passé familial sur le présent et l’avenir. À travers ses interactions et ses subtilités narratives, le jeu explore de manière remarquable la façon dont les héritages familiaux façonnent nos vies. Chaque personnage est une toile où l’on voit apparaître les traces de son histoire familiale, influençant profondément ses choix et ses perspectives.

Les Enfants du Paradis de Marcel Carné transporte les spectateurs dans un univers où les entrelacements complexes du passé, qu’ils soient affectifs ou conflictuels, sculptent les relations humaines. Ce film explore la manière dont les liens historiques et les relations familiales définissent les destinées individuelles. Les personnages principaux naviguent dans un monde où les histoires familiales façonnent leurs perceptions de l’amour et de la loyauté, tout en influençant leurs décisions dans le Paris du XIXème siècle. L’œuvre dévoile la tension entre les héritages familiaux et les aspirations personnelles, soulignant comment le passé agit tel un spectre qui hante les choix et les émotions du présent. D’autre part, Amours Chiennes d’Alejandro González Iñárritu explore les ramifications profondes des secrets et des tragédies familiales sur le tissu même de la vie quotidienne. Cet intense film mexicain offre un aperçu des conséquences des traumatismes familiaux sur les parcours individuels. À travers une narration polyphonique, il met en lumière comment les destins des personnages sont entrelacés par des liens familiaux complexes, confrontant chacun à la dure réalité de leur passé commun. Les histoires des personnages révèlent comment les événements et les secrets transmis génèrent des répercussions émotionnelles et pratiques, érodant souvent les possibilités de choix individuels.

Let's hear it for the Sun Guys

Mediterranea Inferno s’inscrit dans cette lignée artistique en dévoilant comment les fardeaux du passé familial imprègnent les personnalités et les décisions des protagonistes. Les mirages des personnages, leurs rêves éphémères de bonheur et leurs moments d’obscurité sont le reflet direct des cicatrices laissées par l’histoire familiale. Les tourments intérieurs, les peurs profondément enracinées et les aspirations teintées de nostalgie émanent de cet héritage transmis. Par le biais de l’expression artistique, le jeu nous invite à méditer sur notre propre héritage familial. Il offre une introspection émotionnelle, nous amenant à considérer comment les expériences et les choix de nos ancêtres continuent de résonner en nous, influençant nos perspectives et nos décisions. Ceci n’est pas sans rappeler le jeu du studio Giant Sparrow. 

What Remains of Edith Finch plonge les joueurs dans un récit intimement lié à l’héritage familial, explorant de manière saisissante l’impact des générations précédentes sur la vie actuelle. Chaque récit enchâssé dans ce jeu relate une histoire de la famille Finch, dévoilant les liens intriqués entre le passé et le présent. Chaque expérience nous transporte dans le monde intérieur d’un membre de cette famille, offrant des instantanés émotionnels de leur vie et des événements qui les ont façonnés. Ce jeu explore la façon dont les histoires familiales, transmises de génération en génération, imprègnent le quotidien des descendants. Chaque segment met en lumière un aspect particulier de la famille, dévoilant la richesse des souvenirs, des regrets, des espoirs et des tragédies qui ont laissé leur empreinte. En naviguant à travers ces récits, les joueurs sont confrontés à la puissance des liens familiaux, éclairant comment cet héritage peut façonner l’identité individuelle et collective.

Le poids du passé imprègne de nombreux mirages
Le poids du passé imprègne de nombreux mirages

La façon dont What Remains of Edith Finch aborde ce sujet résonne avec la réflexion profonde et l’exploration des connexions familiales trouvées dans Mediterranea Inferno. Ces deux œuvres se rejoignent dans leur capacité à illustrer la complexité des héritages familiaux et à mettre en lumière la manière dont le passé se manifeste dans le présent, façonnant ainsi la perception de soi et l’évolution des relations humaines.

L’impact des confinements sur la santé mentale

L’impact des confinements liés à la pandémie de COVID-19 s’est particulièrement ressenti chez les jeunes adultes, un aspect illustré de façon poignante dans Mediterranea Inferno. Via ces trois personnages centraux, le jeu explore de manière émouvante les effets dévastateurs du confinement sur la santé mentale des jeunes, reflétant les défis psychologiques auxquels cette génération est confrontée. Les protagonistes de ce jeu représentent des archétypes des luttes émotionnelles qui ont caractérisé cette période compliquée.

Les troubles vécus par Claudio, Andrea et Mida, tels que la perte d’identité, la solitude, la perte de connexion humaine et l’incertitude quant à l’avenir, sont des miroirs des luttes réelles des jeunes adultes pendant les périodes de confinement. Claudio, autrefois confiant et leader, lutte pour se définir dans un monde culturel en mutation. Andrea, connu pour sa vie sociale active, se retrouve vidé d’une véritable connexion humaine. Mida, malgré sa popularité, est un symbole d’isolement volontaire, représentant la mise à l’écart ressenti par de nombreux jeunes durant cette période.

Des nuits pas si solitaire
Des nuits pas si solitaire

Ces personnages, bien qu’exagérés et fictifs, incarnent des expériences authentiques de jeunes confrontés à des bouleversements émotionnels et identitaires. Mediterranea Inferno illustre de façon viscérale les défis auxquels sont confrontées ces personnes, dévoilant les turbulences internes qui ont émergé pendant les périodes de confinement.

L’étude The impact of the initial COVID-19 outbreak on young adults’ mental health: a longitudinal study of risk and resilience factors, menée par Anna Wiedemann, analyse des données longitudinales d’une cohorte représentative suivie depuis 2012-2013 jusqu’à l’éruption initiale de la pandémie. Les résultats mettent en évidence une augmentation considérable de la détresse psychologique et une diminution du bien-être mental sur une période d’environ sept ans. Cette détérioration s’est manifestée lors de la première vague, où près de trois jeunes adultes sur dix ont rapporté des niveaux de dépression ou d’anxiété qui les rendaient éligibles pour une thérapie psychologique. De plus, environ deux jeunes adultes sur dix dépassaient les seuils cliniques pour ces deux troubles. La prévalence des maladies mentales graves a augmenté, passant de 7,4 % avant la pandémie à 9,0 % au début de celle-ci, touchant ainsi près d’un jeune adulte sur dix, avec des conséquences sérieuses sur leur vie quotidienne.

Ce phénomène d’angoisse psychologique s’est étendu à l’ensemble de la cohorte, touchant non seulement ceux présentant des facteurs de risque conventionnels mais également ceux avec des antécédents de santé. Bien que certains facteurs de résilience pré-pandémiques aient été modérément protecteurs, ils ont eu peu d’effet face à la misère psychologique induite par le confinement pandémie. Ces résultats ont rompu avec les tendances précédentes en matière de santé mentale, montrant une angoisse généralisée et une baisse du bien-être. Les événements défavorables liés à la pandémie, tels que la perte d’emploi ou de revenu, ont exacerbé la détresse, mais cela était souvent associé à des vulnérabilités préexistantes.

La pandémie a ainsi amplifié les inégalités existantes en matière de santé mentale. En résumé, cette étude souligne une détérioration significative de la santé mentale des jeunes adultes par rapport aux tendances antérieures, indépendamment des facteurs de résilience préexistants, et révèle l’impact préjudiciable de la pandémie sur cette population. C’est exactement ce sujet qui est présent tout au long de Mediterranea Inferno et sur lequel nous devons être de plus en plus conscient : ces périodes de confinement ont eu un impact sur de nombreuses personnes. Bien que le jeu mette cela en œuvre de façon surréaliste via ses mirages, il n’en demeure pas moins que les faits sont là. Après tout, ne connaissons-nous pas tous des Andrea, Claudio ou Mida dans notre entourage ? Malgré son ton un peu dur, sans jamais être moralisateur, je pense que Mediterranea Inferno doit agir comme un rappel à l’ordre, pour prendre soin de nous, pour dire ce que l’on a au fond de nous avant d’être complètement rongé par les regrets.

Mediterranea Inferno plonge dans une décadence langoureuse, puisant son essence créative dans les œuvres légendaires de Federico Fellini et Paolo Sorrentino, transformant habilement le respect du passé en un obstacle étouffant pour l’avenir. Dans cette exploration courageuse, la nostalgie devient une arme à double tranchant, à la fois un refuge réconfortant et un carcan qui limite les aspirations d’une génération entière.

Ce jeu navigue avec une maestria saisissante entre les pôles du bonheur et du désespoir, de l’érotisme enflammé au regret latent du lendemain incertain. Il dépeint avec une acuité poignante la beauté exquise des jeunes corps et l’effroi suscité par l’insécurité inhérente à l’exposition aux autres, que ce soit des amis proches ou des étrangers intrusifs.

Au cœur de ce tableau, Lorenzo Redaelli déploie sa voix artistique et sa vision singulière avec éloquence. Santa Ragione, par le biais de Mediterranea Inferno, s’impose comme l’un des studios indépendants les plus audacieux, offrant une plateforme captivante à la créativité novatrice de Redaelli. Bien que ce jeu puisse être étiqueté comme un titre de niche, tant par son sujet que par son genre, il émerge comme une expérience vidéoludique prodigieuse et inoubliable, une œuvre qui repousse les limites et suscite la réflexion, s’érigeant sans conteste parmi les joyaux marquants de l’année.

Sources

https://www.psychiatria-danubina.com/UserDocsImages/pdf/dnb_vol33_noSuppl%209/dnb_vol33_noSuppl%209_152.pdf

https://videogameseurope.eu/wp-content/uploads/2020/09/IpsosMori-Gaming-during-Lockdown-Q1-Q2-2020-report.pdf

https://www.nature.com/articles/s41598-022-21053-2#citeas

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Pietro Righi Riva : directeur du studio Santa Ragionerépondre
février 20, 2024 at 11:16 am

[…] jeux qui m’ont grandement marqué : Mediterranea Inferno (vous pouvez retrouver ma critique ici) et Saturnalia. Peu de temps après, je découvrais la bande-annonce de HORSES, jeu d’horreur […]

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