The Art Of Darkest Dungeon

Une plongée dans l’obscurité

Au moment de plonger dans l’univers oppressant de Darkest Dungeon, on est immédiatement frappé par son atmosphère unique. Ce jeu, développé par Red Hook Studios, est devenu une référence incontournable dans le monde des jeux vidéo, non seulement pour son gameplay exigeant (pour ne pas dire punitif), sa narration, mais surtout pour sa direction artistique distinctive qui marque les esprits. C’est dans les couloirs sombres de ces donjons que le joueur découvre la véritable essence du jeu, profondément enracinée dans une esthétique léchée.

La direction artistique du jeu n’est pas un simple décor pour nos aventures ici, elle est le cœur battant du jeu. En observant les illustrations, les choix de couleurs et les designs des personnages et des monstres, on perçoit immédiatement l’importance capitale de l’art dans la conception du jeu. Les créateurs ont puisé dans une variété d’influences artistiques et littéraires pour créer un monde qui respire la désolation, la terreur et la beauté macabre. Dès les premières minutes de jeu, le joueur est plongé dans un univers où chaque ombre, chaque contour et chaque éclat de lumière sont pensés pour susciter une réaction émotionnelle. Les donjons, avec leurs murs suintants et leurs corridors interminables, deviennent des toiles vivantes où la lutte pour la survie se mêle à une exploration psychologique intense. 

The art of darkest Dungeon

L’importance de cette direction artistique ne peut être sous-estimée. Elle définit non seulement l’apparence du jeu, mais aussi son ambiance, ses thématiques et même son gameplay. Chaque élément visuel est conçu pour renforcer le sentiment de stress et de désespoir qui caractérise l’expérience de Darkest Dungeon. En fusionnant les influences de divers courants artistiques, des gravures de Gustave Doré aux œuvres de Mike Mignola, en passant par l’horreur gothique et l’expressionnisme allemand, Red Hook Studios a créé une œuvre visuelle à part (en témoigne le nombre important de fan art que l’on trouve en ligne).

Un univers chromatique de désolation

Dès les premières images, Darkest Dungeon impose un style visuel qui captive et inquiète simultanément. Le jeu se distingue par une esthétique sombre et tourmentée, qui joue un rôle crucial dans l’atmosphère. Le style visuel du jeu est une alchimie complexe de couleurs, de formes et de textures, chacune choisie pour renforcer le sentiment de désespoir et d’oppression qui imprègne l’expérience de jeu. La palette de couleurs est dominée par des tons sombres et terreux. Les teintes de gris, de brun, de rouge sombre et de noir sont omniprésentes, créant cette atmosphère lourde et pesante. Par exemple, les donjons sont éclairés par la lumière vacillante des torches, qui sont aussi la source de notre santé mentale, ajoutant des ombres profondes et des contrastes intenses qui accentuent le sentiment de claustrophobie et de danger imminent. Ces choix chromatiques ne sont pas anodins ; ils servent à immerger le joueur dans un monde où l’espoir est constamment menacé par les ténèbres environnantes.

The art of darkest Dungeon
Case study de Chris Bourassa
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Le design des personnages est un autre élément clé de son esthétique distinctive. Chaque héros est conçu pour refléter les dures réalités du combat incessant et des épreuves mentales auxquelles ils sont confrontés. Les visages sont souvent marqués par la fatigue, la douleur et la folie, avec des traits anguleux et des expressions de détresse. Par exemple, le Croisé, avec son armure lourde et son casque, incarne la lutte héroïque contre des forces surnaturelles, tandis que le Médecin de Peste, avec son masque effrayant et ses fioles mystérieuses, évoque la quête désespérée de solutions dans un monde ravagé par la maladie et la corruption. Les créatures que les joueurs affrontent sont également conçues avec une attention particulière aux détails grotesques et terrifiants. Les monstres sont souvent des amalgames de chair déformée et d’éléments surnaturels, rappelant les créations cauchemardesques inspirées par les écrits de H.P. Lovecraft. Par exemple, le Collecteur, une abomination qui ramasse les têtes des morts, est une vision d’horreur qui incarne parfaitement le mariage de la terreur psychologique et de la monstruosité physique (et n’est pas sans rappeler Micolash, Hôte du Cauchemar dans Bloodborne).

Les environnements de Darkest Dungeon sont tout aussi significatifs dans la construction de son univers oppressant. Les donjons, les ruines, les marécages et autres lieux explorés par les joueurs sont rendus avec une richesse de détails qui souligne leur délabrement et leur menace latente. Chaque décor semble suinter de malveillance, avec des murs fissurés, des sols jonchés de débris et des éclairages spectraux. Les couloirs des ruines sont parsemés de reliques oubliées et de cadavres en décomposition, chaque coin sombre pouvant dissimuler un piège mortel ou une créature hideuse. La direction artistique enveloppe le joueur dans un monde où chaque élément visuel est imprégné de signification, créant une expérience profondément immersive et émotionnellement intense. La palette de couleurs, le design des personnages et des environnements se combinent pour créer un univers où la beauté macabre et la terreur cohabitent.

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Dans Darkest Dungeon 2, la direction artistique évolue pour explorer de nouveaux horizons. On sort ici des environnements claustrophobiques et des donjons fermés, la suite élargit la portée du joueur en introduisant des paysages extérieurs variés. Nous sommes désormais confrontés à des marais brumeux, des forêts oppressantes, et des villages plongés dans des guerres sanglantes que l’on parcourt à bord d’une carriole. Ces nouveaux environnements, bien que plus ouverts, n’en demeurent pas moins imprégnés d’une atmosphère de désespoir et de danger omniprésent. Ces paysages extérieurs offrent une respiration visuelle par rapport aux donjons confinés du premier opus et parviennent à maintenir une tension constante grâce à l’utilisation des ombres. Les forêts denses, où la lumière du jour peine à percer, et les marais où chaque brume semble dissimuler une nouvelle horreur, amplifient le sentiment d’isolement et de vulnérabilité du joueur. 

Mike Mignola, un maître du clair-obscur

Mike Mignola, né le 16 septembre 1960 à Berkeley, en Californie, est un artiste de bande dessinée et écrivain américain reconnu pour son style visuel distinctif et son utilisation magistrale du clair-obscur. Dès son plus jeune âge, Mignola a été fasciné par les histoires de monstres et les légendes gothiques, des influences qui ont façonné sa carrière artistique. Après avoir travaillé pour Marvel et DC Comics, il a créé son œuvre la plus célèbre, Hellboy, en 1993. Hellboy raconte les aventures d’un démon invoqué par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, devenu un enquêteur du paranormal pour le Bureau de recherche et de défense sur le paranormal (B.P.R.D.). Mignola est également connu pour son travail sur d’autres projets significatifs tels que The Amazing Screw-On Head et ses contributions à des adaptations littéraires comme Dracula de Bram Stoker. Son style est caractérisé par des lignes nettes, une utilisation audacieuse des ombres et un penchant pour le grotesque et le surnaturel. Ses œuvres plongent souvent dans des mythologies diverses, explorant des thèmes de l’occulte, du mystère et de l’horreur.

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Hellboy, la création phare de Mike Mignola

Le clair-obscur, technique artistique mettant en contraste des zones de lumière et d’obscurité pour créer du volume et de la profondeur, est une signature de Mike Mignola. Dans ses bandes dessinées, le clair-obscur est utilisé non seulement pour définir les formes, mais aussi pour instaurer une atmosphère lourde et oppressante. Par exemple, dans Hellboy, Mignola sculpte des personnages et des scènes avec des ombres intenses, chaque ligne noire ajoutant du poids à l’image et créant un sentiment de mystère. Dans Darkest Dungeon, l’influence de Mignola est palpable. Les développeurs ont adopté cette technique pour immerger les joueurs dans un monde où la lumière est rare et les ombres omniprésentes. 

Le design des personnages de Mike Mignola se distingue par des traits anguleux, des expressions sévères et une utilisation stratégique des ombres pour accentuer le drame et la tension. Les héros de Mignola, tout comme ceux de Darkest Dungeon, portent les marques de leurs combats incessants. Les traits anguleux et les ombres profondes sur leur visage illustrent parfaitement la dureté de leur existence. L’utilisation des ombres et des lignes nettes dans le design des personnages et des créatures de Darkest Dungeon ne se contente pas d’imiter le style de Mignola ; elle en sublime les éléments horrifiques et fantastiques. La technique de Mignola repose sur une maîtrise impressionnante du contraste entre lumière et obscurité, une approche qui transcende la simple illustration pour devenir un outil narratif puissant. Les jeux d’ombre ne servent pas uniquement à créer du volume ou à définir les contours ; ils deviennent des éléments narratifs en soi, véhiculant des émotions et des états d’esprit. Dans Darkest Dungeon, cette technique est utilisée pour renforcer la psychologie des personnages et l’ambiance oppressante du jeu. 

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The art of darkest Dungeon

Mike Mignola s’inspire également de H.P. Lovecraft, un auteur phare de l’horreur, dont les thèmes de l’inconnu et du surnaturel se retrouvent profondément ancrés dans ses œuvres. Cette influence lovecraftienne est également perceptible dans Darkest Dungeon, où l’horreur cosmique et l’indicible jouent un rôle central dans la narration et le design des créatures. 

Une horreur venue d’ailleurs 

H.P. Lovecraft est un auteur américain de fiction surnaturelle dont l’œuvre a laissé une empreinte indélébile sur le genre de l’horreur. Ses écrits, principalement publiés dans des magazines pulp, ont gagné en notoriété après sa mort, élevant Lovecraft au rang de figure emblématique de l’horreur. L’univers lovecraftien se caractérise par une peur omniprésente de l’inconnu et l’indifférence impitoyable de l’univers face à l’humanité. Les thèmes principaux dans les œuvres de Lovecraft incluent l’horreur cosmique, la folie et l’inconnu. L’horreur cosmique, en particulier, se manifeste par des entités anciennes et incompréhensibles, telles que Cthulhu, qui dépassent les limites de l’entendement humain. La folie est une conséquence récurrente de la rencontre avec ces entités, les personnages de Lovecraft étant souvent plongés dans des abîmes de désespoir et de démence. L’inconnu, quant à lui, est une force terrifiante, incarnée par des mystères non résolus et des réalités au-delà de la perception humaine.

Il est essentiel de mentionner que les récits de Lovecraft sont profondément marqués par son racisme. Pour lui, l’inconnu suscite une peur purement négative et irrémédiablement tétanisante. Le romancier américain perçoit la science, démarche de découverte et de compréhension de l’inconnu, comme une ennemie. Toute tentative de compréhension ou d’échange avec des entités non-humaines se solde par l’horreur. Dans L’appel de Cthulhu, il relègue les populations noires, amérindiennes, métisses et autres à une dimension physique et animale, les qualifiant de termes dégradants. Les créatures de son panthéon, hideuses et indicibles, reflètent directement ces populations méprisées. Le genre horrifique de Lovecraft est un théâtre des émotions viscérales et des terreurs archaïques, engendrant un malaise. Son œuvre, loin de se réduire à un style inimitable, réside peut-être dans son essence subversive et choquante. Dans la littérature d’horreur, l’œuvre lovecraftienne s’impose précisément à cause de son racisme, une réalité aussi vraie que dérangeante.

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Darkest Dungeon puise profondément dans l’imaginaire lovecraftien pour concevoir ses créatures et ses environnements. Les monstres du jeu, tels que les Eldritch, sont directement inspirés par les entités cosmiques de Lovecraft. Par exemple, les Shambler et les Cultist Priests rappellent les créatures informes et tentaculaires des mythes lovecraftiens, incarnant l’horreur de l’inconnu et l’incompréhensible. Les environnements du jeu, comme les Ruines et les Warrens, reflètent également les thèmes de décomposition et de mal ancien chers à Lovecraft. Les Ruines sont parsemées de symboles occultes et de statues effrayantes, évoquant des cultes oubliés et des rituels interdits. Les Warrens, avec leurs tunnels sombres et leurs odeurs de pourriture, incarnent la dégénérescence physique et morale. Chaque coin sombre et chaque structure délabrée renforcent l’idée d’un mal ancien et omniprésent, prêts à dévorer l’esprit et le corps des intrépides aventuriers.

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Darkest Dungeon intègre les thèmes de la folie et du désespoir de Lovecraft de manière réussie dans son gameplay. La mécanique de la barre de stress, qui augmente avec chaque horreur rencontrée et chaque épreuve subie, est une représentation directe de la descente progressive dans la folie, un thème central chez Lovecraft. Par exemple, un héros atteint de 100% de stress peut devenir affligé, développant des comportements autodestructeurs ou paranoïaques, rappelant les nombreux personnages lovecraftiens qui succombent à la folie après avoir affronté des vérités trop terribles pour l’esprit humain. Les mécaniques de jeu, telles que la nécessité de gérer les afflictions mentales des héros et de les soigner au sanatorium ou à l’église, illustrent également la lutte contre la dégradation mentale et l’épuisement psychologique. La narration du jeu, avec ses descriptions sombres et ses dialogues mélancoliques, renforce cette atmosphère de désespoir inéluctable. Par exemple, les commentaires du narrateur, avec des phrases comme « Des héros mourront. Et il n’y aura pas de marche arrière.« , plongent les joueurs dans un état de tension constante, reflétant la peur omniprésente de l’inconnu et de la perte de contrôle, si chers à Lovecraft.

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L’horreur cosmique de Lovecraft, avec ses créatures indicibles et ses mystères insondables, se marie parfaitement avec la philosophie de Darkest Dungeon : une lutte incessante contre des forces qui dépassent l’entendement humain, où chaque victoire est une petite lueur dans un océan de ténèbres. 

L’ombre de l’art gothique

L’horreur gothique, un genre littéraire né au XVIIIe siècle, se distingue par son atmosphère sombre et ses thèmes inquiétants. Marquée par des œuvres telles que Frankenstein de Mary Shelley et Dracula de Bram Stoker, cette littérature explore les terreurs psychologiques et surnaturelles, souvent dans des cadres isolés et mystérieux. Les caractéristiques du genre incluent des éléments architecturaux imposants, une obsession pour le passé et une fascination pour le surnaturel, combinés à une exploration profonde de l’isolement et de la folie. L’influence de l’architecture gothique est omniprésente dans Darkest Dungeon. Les environnements du jeu, tels que les ruines, les donjons et les châteaux en décomposition, rappellent les décors imposants et sinistres des classiques de l’horreur gothique. Par exemple, le domaine familial en ruines, point de départ de l’aventure, est un hommage direct aux manoirs hantés et délabrés typiques de ce genre. Les corridors sombres et étroits, les salles immenses et vides, ainsi que les détails architecturaux tels que les arches et les vitraux brisés, créent une ambiance oppressante qui immerge le joueur dans une atmosphère de désolation et de mystère. Le domaine familial, posé en haut d’une falaise, n’est d’ailleurs pas sans rappeler le château de Dracula dans la version de Francis Ford Coppola. 

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Les thèmes de l’isolement, de la peur et du surnaturel sont au cœur du jeu également. L’isolement est palpable à travers la progression du joueur dans des environnements claustrophobiques et labyrinthiques, où chaque tournant peut révéler des horreurs cachées. La peur est amplifiée par l’utilisation de la lumière et de l’obscurité, avec des torches vacillantes qui éclairent à peine les dangers imminents, créant une tension constante. Le surnaturel, quant à lui, est incarné par les créatures grotesques et les entités maléfiques qui peuplent les donjons, reflétant les thèmes gothiques de l’inconnu et de l’indicible. Ces thèmes sont non seulement intégrés dans la narration, mais aussi visuellement représentés de manière magistrale. Les personnages, souvent tourmentés par des afflictions psychologiques, incarnent la lutte contre des forces obscures qui échappent à toute rationalité. Par exemple, le stress et la folie, des mécaniques de jeu centrales, plongent les héros dans des états de terreur et de désespoir, symbolisant l’impact dévastateur de l’isolement et de la peur. Ces éléments contribuent à créer une expérience immersive et oppressante, fidèle à l’esprit des classiques du genre.

L’éclat du sensationnalisme : le Pulp

Le pulp, un genre littéraire et artistique florissant au début du XXe siècle, est caractérisé par son sensationnalisme, ses aventures épiques, et ses éléments d’horreur et de fantastique. Originaires des magazines bon marché, imprimés sur du papier de mauvaise qualité appelé « pulp », ces histoires captivantes ont su capturer l’imagination de millions de lecteurs. Les récits pulp étaient souvent peuplés de héros intrépides, de monstres terrifiants, et de mystères occultes, créant une atmosphère de danger constant et d’excitation palpable. Des auteurs emblématiques comme H.P. Lovecraft et Robert E. Howard ont marqué ce genre avec des œuvres telles que L’Appel de Cthulhu et Conan le Barbare, respectivement, influençant durablement la culture populaire.

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Case study de Chris Bourassa
The art of darkest Dungeon

L’influence du pulp est manifeste dans l’esthétique de Darkest Dungeon, où l’illustration et la narration empruntent largement à ce style vibrant et accrocheur. Les visuels du jeu, avec leurs couleurs contrastées et leurs lignes audacieuses, rappellent les couvertures frappantes des magazines pulp. Par exemple, les affiches de recrutement des personnages, aux teintes saturées et aux poses dynamiques, évoquent directement les héros larger-than-life des récits pulp. Le design des ennemis, tels que les abominations tentaculaires ou les brigands masqués, résonne avec les créatures grotesques et les vilains exagérés des histoires pulp. Les archétypes de personnages de Darkest Dungeon sont également tirés du même genre. Le Croisé, avec son armure brillante et son épée prête à frapper, rappelle les chevaliers héroïques des aventures en Cimmérie de Conan. Le Bandit, quant à lui, incarne le hors-la-loi rusé et audacieux, un trope récurrent dans ces récits. Les archétypes de personnages féminins, tels que l’Antiquaire ou la Furie, sont des variantes modernes des femmes fatales et des héroïnes redoutables des pulps. 

Les tropes narratifs de Darkest Dungeon empruntent également au pulp, avec des quêtes périlleuses, des trésors enfouis et des dangers surnaturels à chaque tournant. Les aventures des héros, marquées par des batailles contre des créatures d’outre-tombe et des explorations de ruines anciennes, sont directement inspirées des récits de pulp où le fantastique et l’horreur se mêlent à l’action effrénée. Les dialogues et les descriptions, souvent dramatiques et empreints de suspense, renforcent cette atmosphère de tension constante.

L’influence de l’expressionnisme Allemand sur le jeu

L’expressionnisme allemand, né au début du XXe siècle, est un mouvement artistique qui a profondément marqué l’art, la littérature, et surtout le cinéma. Ce mouvement est souvent associé à une période de bouleversements sociaux et politiques en Allemagne, notamment après la Première Guerre mondiale. L’expressionnisme se caractérise par son rejet du réalisme et sa quête pour représenter des émotions intenses et subjectives. Les œuvres expressionnistes se distinguent par des silhouettes déformées, des contrastes marqués entre lumière et ombre, et une intensité émotionnelle exacerbée. Des artistes comme Edvard Munch et des cinéastes comme Robert Wiene et Fritz Lang ont été des figures emblématiques de ce mouvement. Des films tels que Le Cabinet du Docteur Caligari et Metropolis sont des exemples classiques de l’expressionnisme allemand, utilisant des décors anguleux, des perspectives déformées et un éclairage dramatique pour créer une atmosphère de malaise et de tension.

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Le Cabinet de Docteur Caligari

L’influence de l’expressionnisme allemand sur Darkest Dungeon est palpable dès les premières images du jeu. L’esthétique visuelle du jeu emprunte directement aux caractéristiques distinctives de ce mouvement, créant une expérience immersive qui plonge le joueur dans un monde de tourments psychologiques et d’angoisse existentielle. Les environnements du jeu, qu’il s’agisse des ruelles sombres et sinueuses du hameau ou des labyrinthes oppressants des donjons, sont construits avec des lignes angulaires et des perspectives déformées qui rappellent les décors des films de Murnau et Wiene. Cette technique de distorsion spatiale renforce le sentiment de désorientation et de claustrophobie, un élément clé de l’horreur psychologique.

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Faust

Les contrastes marqués entre lumière et ombre, une signature de l’expressionnisme, sont omniprésents dans le jeu comme nous l’avons déjà souligné. Chaque recoin du jeu est sculpté par des jeux de lumière dramatiques, où les zones de lumière tremblotantes côtoient des ombres profondes et menaçantes. Cette utilisation du clair-obscur ne sert pas seulement à créer une atmosphère visuellement frappante, mais aussi à symboliser la lutte constante entre l’espoir et le désespoir, le connu et l’inconnu. Par exemple, les combats dans le jeu, souvent éclairés par la lumière vacillante des torches, deviennent des ballets d’ombres et de lumières, accentuant l’intensité et l’incertitude de chaque rencontre.

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Nosferatu

Les thèmes de l’angoisse existentielle et du tourment psychologique, centraux dans l’expressionnisme allemand, sont également au cœur de l’expérience de Darkest Dungeon. Le jeu explore la fragilité de l’esprit humain face à des horreurs indicibles et des pressions insurmontables. Les mécaniques de jeu, telles que le système de stress et de folie, incarnent cette lutte intérieure. Chaque décision prise par le joueur, chaque combat mené, influence l’état mental des héros, reflétant les thèmes d’aliénation et de désespoir typiques de l’expressionnisme. Par exemple, lorsqu’un héros succombe à la folie, ses actions deviennent imprévisibles et dangereuses, non seulement pour lui-même mais aussi pour ses compagnons, illustrant ainsi la contagion de la peur et du désespoir. Darkest Dungeon, par son esthétique visuelle et sonore, ses personnages et ses thèmes, est un hommage moderne à l’expressionnisme allemand, ce qui n’est pas étonnant quand on voit également à quel point Mike Mignola s’en est inspiré pour Hellboy (Alan Moore définit le style de Mignola comme la rencontre de l’expressionnisme Allemand et de Jack Kirby).

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Sources

https://www.writersdigest.com/write-better-fiction/what-is-gothic-horror-in-fiction

Hellboy: Mignola’s Genius for Simplification

https://www.darkestdungeon.com

https://www.lescomics.fr/articles-dossiers-comics/lart-et-le-style-de-mike-mignola-dans-lantre-de-la-folie-graphique

The Art Movement That Changed Film Forever

Le gothique : de Mary Shelley à Marilyn Manson – BiTS #167

DARKEST DUNGEON : L’espoir quand tout est foutu

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