Le Seigneur des Abdos, ou le paradoxe des activités annexes au crépuscule du monde
Attention, ce texte dévoile quelques éléments clefs et structures de plusieurs jeux, à différents degrés.
Jeux avec des éléments cruciaux dévoilés :
Cyberpunk 2077 (CD Projekt RED, 2020)
Disco Elysium (ZA/UM, 2019)
Final Fantasy VII (SquareSoft, 1997)
Final Fantasy VII : Rebirth (Square Enix, 2024)
Final Fantasy X-2 (Square Enix, 2003)
Final Fantasy XIII (Square Enix, 2009)
Final Fantasy XIII-2 (Square Enix, 2011)
Final Fantasy XIII : Lightning Returns (Square Enix, 2013)
Like a Dragon : Infinite Weath (Ryū ga Gotoku Studio, 2024)
Oddworld : L’odyssée d’Abe (Oddworld Inhabitants, 1997)
Outer Wilds (Mobius Digital, 2019)
Outer Worlds (Obsidian Entertainment, 2019)
Shadow of Memories (Konami, Runecraft, 2001)
The Legend of Zelda : Majora’s Mask (Nintendo Entertainment A&D, 2000)
The Witcher III : Wild Hunt (CD Projekt RED, 2015)
Pillars of Eternity (Obsidian Entertainment, 2015)
Red Dead Redemption II (Rockstar, 2018)
The Last of Us : Part II (Naughty Dog, 2020)
Jeux avec des éléments mineurs dévoilés :
Assassin’s Creed : Odyssey (Ubisoft, 2018)
Baldur’s Gate III (Larian Studios, 2023)
Diablo IV (Blizzard Entertainment, 2023)
Final Fantasy VII : Remake (Square Enix, 2020)
Final Fantasy VIII (SquareSoft, 1999)
Final Fantasy X (SquareSoft, 2001)
Final Fantasy XIV : A Realm Reborn (Square Enix, 2013)
Final Fantasy XV (Square Enix, 2016)
Grand Theft Auto III (Rockstar, 2001)
Grand Theft Auto V (Rockstar, 2013)
Kingdom Hearts III (Square Enix, 2019)
Persona 5 (ATLUS P Studio, 2016)
South Park : The Stick of Truth (Obsidian Entertainment, 2014)
Starfield (Bethesda Softworks, 2023)
The Elder Scrolls V : Skyrim (Bethesda Softworks, 2011)
The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel (Nihon Falcom, 2013)
The Legend of Zelda : Breath of the Wild (Nintendo Entertainment P&D, 2017)
The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom (Nintendo Entertainment P&D, 2023)
Uncharted 4 : A Thief’s End (Naughty Dog, 2016)
Yakuza 0 (Ryū ga Gotoku Studio, 2015)
Mentionnés :
Animal Crossing (Nintendo Entertainment A&D)
Animal Well (Billy Basso)
Assassin’s Creed (Ubisoft)
PoKéMon (Game Freaks)
TUNIC (Andrew Shouldice)
Au cours de l’épopée narrée par Final Fantasy VII : Rebirth, Cloud et ses compagnons pourchassent un Sephiroth plus menaçant que jamais, désormais capable de défigurer la réalité et faire plier la destinée. Et pourtant, pourquoi ne pas prendre quelques instants pour se lancer dans un concours d’abdominaux contre un personnage secondaire mineur ? Cette proposition ludique qui, en termes de cohésion narrative, n’a aucun sens, permet ainsi une errance soudaine en dehors des clou(d)s de l’intrigue principale. Une proposition encore plus difficile à éluder en prenant en compte la structure générale de cet opus, constellée d’activités annexes et autres quêtes offrant une respiration dans la poursuite du scénario. Il apparaît rapidement que la coexistence entre les impératifs d’une histoire répondant à un rythme et des enjeux grandiloquents peut aisément entrer en conflit avec le fait de dévier de cette route. Comment les développeurs peuvent envisager la symbiose de deux systèmes narratifs aussi différents, mais paradoxalement complémentaires, sans prendre le risque de faire décrocher le public ?
Définir une annexe
En premier lieu, il convient de définir la raison de l’existence d’une activité annexe dans un jeu. Selon le genre du jeu concerné, la nature des objectifs secondaires peut bien évidemment varier de manière drastique. Un shooter (jeu de tir), par exemple, proposera une succession méthodique de niveaux à traverser pour avoir la chance de contempler les crédits de fin. L’objectif secondaire dans un tel type de jeu sera ici d’établir le meilleur score possible dans lesdits niveaux. Un jeu de plateformes plutôt traditionnel dissimulera dans les recoins de ses tableaux divers objets à collectionner et amasser, lesquels pourront parfois déverrouiller l’accès vers du contenu supplémentaire. Les jeux de rôle proposeront quant à eux des histoires secondaires, déroulées en dehors de la route narrative principale, toujours scénarisées, et ayant pour vocation de permettre l’obtention d’équipement ou d’en découvrir davantage sur l’univers, voire sur un personnage.
Les activités annexes de scoring (c’est-à-dire consistant à amasser des points, la plupart du temps dépourvues de bouts de scénario), apparaissent donc en retrait par rapport au sujet de ce texte, qui va plutôt s’employer à disséquer les motivations scénaristiques de tels ajouts. De plus, les raisons poussant à la création d’activités annexes du côté des développeurs ne sont pas les mêmes que celles qui incitent les joueurs à les remplir. Un développeur va parfois programmer ces suppléments afin de gonfler la durée de vie de son œuvre, et proposer ainsi davantage de contenu. C’est le cas des quêtes annexes mineures d’un Assassin’s Creed : Odyssey par exemple, qui pullulent mais n’apportent guère de satisfaction outre le fait de nettoyer la carte du jeu. Dans un registre similaire, il est possible de citer les quêtes répétables de The Elder Scrolls V : Skyrim ou Starfield, d’ailleurs générées de manière aléatoire. Ces exemples ne sont là que pour permettre aux fans d’un jeu de prolonger leur expérience, tout en améliorant leur personnage via le gain d’expérience. Mais la plupart de ces courtes histoires (quand elles sont présentes) ne demandent pas un effort d’écriture conséquent, ni la mise en place de sujets ou de dilemmes profonds, et consistent essentiellement à profiter du gameplay. Elles permettent, pour les développeurs, de retenir l’audience sur leur jeu, ce qui se retrouve en toute logique sur bon nombre de MMORPG et autres jeux service.
D’autres fois, ces activités servant le gameplay permettent de progresser dans le jeu. C’est le cas de nombreux hack’n slash, comme le démontre le dernier opus de la célèbre franchise Diablo, quatrième du nom. Une fois la campagne terminée, le joueur est loin d’avoir profité de tous les systèmes offerts par l’aventure, et n’a pas poussé son avatar jusqu’aux limites de ce qu’il est possible d’accomplir. Les développeurs ont donc exploité la boucle de gameplay principale à travers une multitude d’activités annexes qui n’ont pour seul objectif que de rendre le joueur de plus en plus puissant. Ici, les annexes sont au cœur de l’expérience, et beaucoup considèrent que Diablo IV ne débute réellement qu’après la conclusion l’histoire narrée tout au long de la campagne principale. Il existe bien des quêtes annexes légèrement scénarisées, mais celles-ci n’offrent que de légers avantages en termes de récompenses. La nature même des activités annexes constitue ce que viennent chercher les joueurs dans une telle expérience. Qu’ils traversent la Fosse (anciennement les Donjons Cauchemar) afin d’augmenter la puissance de leurs Glyphes, qu’ils parcourent les Hordes Infernales à la recherche de coffres scellés ou qu’ils affrontent les ennemis les plus puissants du jeu, l’essence reste la même : massacrer des démons. Les quêtes annexes des jeux de rôle restent cependant les plus intéressantes en termes de narration (ce qui ne veut pas dire que les autres types ne sont pas dignes d’intérêt, loin de là). En effet, ces dernières servent l’immersion et permettent à quelques occasions de forcer le joueur à s’interroger, soit sur un problème moral donné, soit sur une thématique qui peut s’extraire des limites de l’histoire. Outre les activités non scénarisées uniquement disponibles pour obtenir un avantage matériel (de l’équipement, de l’expérience, etc), il est possible de délimiter trois sous-genres dans cette catégorie d’annexes inhérentes au jeu de rôle : les activités qui affinent la description de l’univers, celles qui développent la personnalité d’un personnage et enfin celles qui mettent en avant une parenthèse totalement différente du reste du jeu. Et bien évidemment, ces trois registres peuvent bien sûr fusionner les uns avec les autres.
Les annexes globales : définir l’univers
Lorsque Géralt se rend à la capitale Novigrad pour la première fois (dans The Witcher III : Wild Hunt), il a des chances de rencontrer une non-humaine se faisant agresser par deux humains. Le joueur peut décider d’intervenir, ou non. Cet événement ne prend pas plus de deux minutes, mais il permet de recentrer les enjeux et de tisser avec soin les contours du monde arpenté. Le dialogue permet non seulement de mettre en avant les problématiques du racisme et de l’intolérance, tout en remettant en question la nature altruiste du joueur, et en s’offrant le luxe de poser les fondations d’une quête annexe au long cours plus importante en termes d’enjeux : l’assassinat de Radovid, afin qu’il s’éteigne en même temps que sa haine envers les non-humains. En termes de gameplay pur, cette sous-intrigue n’a aucun intérêt (un banal choix de dialogue). Pourtant, elle devient fondamentale dès lors qu’il s’agit d’intégrer le joueur à l’univers qu’il arpente. Durant Disco Elysium (ZA/UM, 2015), il est possible de s’éloigner à plusieurs reprises des rails déroulés par le cheminement de l’enquête, afin d’explorer plus en avant ce monde à la fois si réel et si différent. L’une des pérégrinations mène les joueurs à la chasse au cryptide, sans que ceux-ci ne sachent s’ils poursuivent une chimère ou pas. Disco Elysium mêle avec brio les rouages de la réalité aux impulsions humaines, les systèmes complexes aux liens primitifs : en plaçant au beau milieu d’une enquête souillée de crasse une quête aux frontières du mysticisme, les développeurs réalignent les enjeux sur les tourments de l’intime. Ils forcent les joueurs à se penser eux-mêmes en dehors du cadre du jeu et alimentent un questionnement impliquant des concepts éloignés de l’intrigue de base.
Lors de l’arrivée du personnage principal dans la première cité du jeu, Outer Worlds (Obsidian Entertainment, 2019) présente une trame annexe consistant à récupérer la dette de plusieurs individus, afin de payer le fossoyeur local. En plus d’introduire diverses mécaniques de jeu, chaque dette proposant une situation spécifique, cet écart narratif appuie le contexte ultra capitaliste de cet univers, dans lequel les sociétés contrôlent et possèdent à peu près tout. C’est en rencontrant des protagonistes se considérant eux-mêmes comme des outils de travail plutôt que comme des individus à part entière, que les joueurs cernent l’absolue folie qui gangrène ce monde. Ici, les règles sont posées très tôt durant l’aventure, et servent donc à contextualiser le terrain de jeu. Dans ce genre de quêtes, les récompenses ne constituent pas une finalité. C’est l’enrobage et ce qu’elles racontent du monde alentour qui leur donne de l’épaisseur et un intérêt.
Les annexes de l’intime : affiner le portrait des personnages
Un autre type d’intrigues secondaires consiste à déterminer les traits des personnages virtuels, de ces guides tenant le joueur par la main afin de lui faire traverser ces univers de pixels et de polygones. Dans cette catégorie, il est aisé d’y rassembler toutes les intrigues associées aux différents membres d’une équipe d’un jeu de rôle, qu’il s’agisse des compagnons de Pillars of Eternity (Obsidian Entertainment, 2015) ou des aventuriers de Baldur’s Gate III (Larian Studios, 2023). Ici, chaque individu, affublé de sa propre personnalité, de ses propres doutes et traumatismes, devient le centre d’une quête dont l’issue ne peut l’aider qu’à, dans le meilleur des cas, avancer. En général, ce type d’intrigue n’est que très rarement lié au personnage principal, qui fait alors davantage office de spectateur que d’acteur, bien qu’il puisse arriver que certaines décisions essentielles au développement de ces personnages secondaires soient en réalité prises par l’avatar du joueur. Ces quêtes ne sont ainsi pas essentielles quant au bon déroulement de l’intrigue principale, mais si elles permettent notamment un gain de puissance pour les personnages concernés, elles favorisent surtout le développement de leur histoire, et donc l’attachement qui peut en résulter. Il peut aussi arriver que les arcs narratifs de ces protagonistes secondaires soient en réalité résolus durant la progression dans l’aventure principale : ce constat n’empêche cependant pas la mise en place de contenu annexe exclusivement dédié au gain de puissance, et ce à travers la présence d’activités entièrement décorrélées de la progression principale. C’est par exemple le cas à travers certaines des activités les plus traumatisantes de Final Fantasy X (SquareSoft, 2001), qui demandent par exemple d’obtenir un objet précis en évitant la foudre 200 fois dans une plaine, en appuyant sur la bonne touche dans un timing proche de la perfection. Ce mini-jeu (qui ne porte de « jeu » que le nom), ne participe pas à dépeindre un portrait détaillé du personnage concerné, Lulu, et ne sert qu’un objectif lié au gameplay (l’obtention de la meilleure arme), lui-même associé à une activité annexe unique tranchant avec le reste de l’aventure (esquiver les éclairs). Cette approche est à double tranchant, une partie des joueurs pouvant se sentir galvanisée par la présence de défis atypiques et variés, éloignés de la boucle de gameplay principale, tandis qu’une autre peut rapidement se retrouver mise de côté, ne décelant pas dans ces activités particulières de l’intérêt ni du plaisir de jeu, en comparaison du reste de l’aventure.
Les annexes au long cours : une respiration dans l’aventure
En plus des deux types de quêtes annexes cités précédemment, il existe un troisième genre pertinent, lequel a pour caractéristique principale de s’appuyer sur des règles qui lui sont propres et, la plupart du temps, de profiter d’une mise en scène dédiée. L’un des exemples les plus connus s’avère être les différents jeux de cartes présents dans certaines aventures, tels que l’iconique Triple Triad de Final Fantasy VIII , au succès si colossal qu’il est aujourd’hui possible d’y jouer dans Final Fantasy XIV : Online – A Realm Reborn, ou le jeu de Gwent (à nouveau dans The Witcher III: Wild Hunt), lequel a donné vie à un spin-off proposant sa propre expérience ludique, scénarisée, et aux mécanismes approfondis par rapport au jeu de base. Ces mini-jeux ont ceci d’incroyable, qu’en plus de proposer des parenthèses hors du temps concernant l’aventure principale, ils deviennent aussi le théâtre d’expérimentations permettant aux développeurs la mise en place d’intrigues subsidiaires au long cours. Ces activités secondaires parviennent ainsi à régulièrement s’extraire de leur simple statut d’annexes, si tant est que les joueurs prennent le temps de s’y intéresser autant que possible, et ce dans le but d’offrir une récompense en fonction des réussites des joueurs. Par exemple, les cartes de Final Fantasy VIII peuvent être transformées en objets, lesquels serviront ensuite dans les combats, tout en permettant l’accès à un tournoi caché derrière les enjeux de l’intrigue principale. Les parties de Gwent, de la même manière, déverrouillent bon nombre d’intrigues secondaires, en plus de constituer un élément essentiel de la construction du monde : il n’est en effet pas rare de voir des individus s’adonner à des parties de cartes, de remarquer celles-ci éparpillées sur des tables, ou encore d’être sollicité pour en récupérer les exemplaires les plus rares. Parfois même, des personnages non-joueurs proposent une partie afin de faire passer le temps, tout comme il est possible de participer à de véritables tournois éparpillés tout au long de l’aventure de Géralt.
Voici donc les exemples les plus basiques concernant la présence de quêtes annexes au sein d’une aventure. Cependant, il ne s’agit là que d’une couche superficielle, de surface, qu’il convient de gratter afin d’en extraire toutes les possibilités et les objectifs. Car en réalité, il existe autant de types de quêtes annexes que de jeux. Pour résumer ce qui vient d’être énoncé jusqu’ici, et afin de préparer la suite de la réflexion, il convient d’effectuer un rappel des informations partagées.
Du côté d’un développeur, la mise en place de quêtes annexes sert principalement plusieurs objectifs :
- Rallonger la durée de vie lorsqu’elles sont intégrées au cheminement principal
- Diversifier les activités pour se démarquer de la concurrence
- Gonfler le contenu en ajoutant des activités variées
- Et donc augmenter l’accroche et le temps passé sur le jeu
Pour les joueuses et joueurs, réaliser des annexes sert là aussi divers objectifs :
- Obtenir un gain de puissance
- Obtenir un élément rare favorisant la reconnaissance sociale au sein de la communauté (principalement dans les expériences multijoueurs)
- Approfondir ses connaissances envers l’univers arpenté
- Apprendre à connaître les personnages qu’ils ou elles fréquentent, et favoriser (ou dégrader) ses liens avec ces derniers
- Accéder à de nouveaux segments narratifs inaccessibles autrement
Dans tous les cas, s’adonner à ce genre d’activités s’accompagne d’un désagrément qu’il est difficile de résoudre : une coupure envers le scénario principal et le rythme qui en découle. La question à laquelle tentent de répondre de nombreux développeurs reste à ce jour sans réponse, bien que plusieurs propositions émanent des différents studios (solutions qui changent de forme en fonction de la nature même du jeu concerné et impacté). Ce sont ces quelques propositions qui vont être examinées ici.
Certains studios ont décidé d’inclure les activités annexes directement dans le déroulé de l’intrigue principale. C’est par exemple le cas des productions Sony les plus récentes, Uncharted 4: A Thief’s End et The Last of Us: Part II en tête, qui constellent le parcours principal, souvent linéaire, parfois ouvert, mais toujours saupoudré de renfoncements et autres planques dignes d’intérêt, d’une flopée de documents et objets secondaires à dénicher. Ici, les annexes font partie du cheminement, et récompensent les joueurs soit en fragments de lore, soit en ressources indispensables au gain en puissance du personnage. Bien que dissimulées dans des endroits peu évidents au premier abord, ces récompenses situées en dehors des balises, sont tout de même intégrées de manière naturelle, quasiment organique, à l’expérience générale. Elles incitent les joueurs à sortir des sentiers battus et à explorer les moindres renfoncements de ces zones de jeu pourtant clairement construites de façon à mener les joueurs d’un point A à un point B. L’accent est ici mis sur l’exploration, ce qui appuie les thématiques des différents jeux concernés : l’exploration donc, mais aussi la découverte et l’immersion. Cependant, ce système n’a que peu d’impact concernant la mise en avant de la narration : en effet, un Nathan Drake (le personnage principal de la saga Uncharted) est déjà, à l’aune de son aventure, défini par son statut d’aventurier explorateur, la récolte de ces trésors n’est qu’une prolongation de cet état et ne raconte rien de plus le concernant. De la même manière, Joel et Ellie, les protagonistes de The Last of Us, sont d’ores et déjà définis comme des adeptes de la survie dans un monde post-apocalyptique et dangereux, le gain de ressources ne vient ici aussi que renforcer cet état de fait. Il est ainsi, par cette occasion, intéressant de relever que le système de collecte de ressources, de craft et d’exploration, est indisponible lors du prologue de The Last of Us, l’histoire se déroulant dans une période durant laquelle les protagonistes ne sont pas encore aguerris à l’art de la survie. Il est enfin possible de citer deux derniers types d’exemples concernant les annexes de The Last of Us, et plus principalement à travers son second opus. Dans ce dernier, Ellie est amenée à dénicher différentes cartes à jouer, des objets à collectionner n’ayant d’autre rôle que celui de remplir une sorte de compendium. Au-delà de cette attention sur la constitution d’une collection, ces cartes sont aussi et surtout le vestige d’un monde qui n’existe plus. Au contraire des ressources plus ou moins importantes dénichées dans des coffres-forts et autres planques, ces cartes sont les témoins d’une vie plus douce qu’Ellie n’a jamais eu la chance de connaître, et dont elle imagine les contours dans ses rêves les plus fous. Cette quête annexe basique (une simple collection d’objets comme il en existe des centaines dans le média), se pare ainsi d’un propos un peu plus profond à même de rappeler perpétuellement le statut émotionnel du personnage. Ces collectes d’éléments plus ou moins cachés ne brillent ainsi pas par leur nécessité, et sont clairement présentées comme ce qu’elles sont : des bonus. Les joueurs peuvent décider de partir en chasse de ces trésors ou au contraire filer vers le prochain objectif sans se retourner. Elles servent donc à la fois des mécanismes liés à la construction de l’univers (les cartes à collectionner) mais aussi au gameplay (les ressources nécessaires pour le craft). De la même manière, à de nombreuses occasions, la jeune femme exprimera ses pensées sur différents éléments croisés durant son périple, ce qui là aussi n’apporte rien d’autre qu’une mince ouverture sur la découverte de sa psyché. Ce dispositif est d’ailleurs aussi présent dans Red Dead Redemption II (Rockstar, 2018), traité de manière très élégante à travers la tenue d’un carnet, de plus divisé en deux modèles, chacun correspondant à l’un des deux personnages jouables du jeu. Les croquis sur les pages de ces livres sont des fenêtres ouvertes sur les âmes de ces individus imparfaits, mais terriblement humains.
Un autre célèbre diptyque propose une solution tout aussi intéressante quant à la problématique de la présence de ces éléments optionnels : le duo The Legend of Zelda de la Nintendo Switch. Outre les dizaines de quêtes secondaires plus ou moins élaborées dont se parent les deux opus, il existe une épopée au long cours, présente dans le couple d’aventures : les Sanctuaires. Ce sont des bâtiments aisément identifiables en Hyrule, affublés de couleurs favorisant le repérage de la part du joueur : bleu pour Breath of the Wild, vert pour Tears of the Kingdom. Ces Sanctuaires sont des constructions souterraines dont seuls les sommets perturbent les paysages, extrémités qui permettent au héros de ces aventures, Link, de rejoindre des défis uniques et variés. Épreuves d’adresses, énigmes intellectuelles, joutes mortelles, tout y passe. Chacun de ces Sanctuaires, hormis la poignée qui ouvre chacune des deux aventures et servent de tutoriels, n’offrent pour récompenses que de l’équipement et un objet à collectionner qui, une fois accumulé en grand nombre, permet d’augmenter les statistiques du héros. Autrement dit, de par leur nature, les Sanctuaires sont optionnels, et il n’est pas rare de trouver sur la toile des joueurs talentueux capables de finir les jeux sans exploiter les bonus de ces installations. Cependant, bien que dispensables en ce qui concerne l’épopée principale, ces Sanctuaires permettent à Link de rebâtir peu à peu sa légende. Chaque victoire au sein de ces temples mystiques lui permet, à terme, d’augmenter son potentiel de vitalité ou d’endurance, lesquels constituent un avantage certain face aux terribles épreuves qui l’attendent en bout d’aventure. La formule ici appliquée par Nintendo, est intelligemment pensée, car elle sert des objectifs multiples : en premier lieu, la découverte de ces Sanctuaires supporte de manière directe l’objectif principal de l’aventure, l’exploration. Ensuite, la résolution de ces mêmes épreuves invoque une ode à l’imagination faisant le sel de ces aventures. Il existe autant de solutions à ces énigmes que de joueurs, à même de respecter les règles tacites érigées par le jeu ou, au contraire, de penser en dehors de la boîte afin d’explorer des pistes plus ingénieuses. La mise en avant de ces mécanismes de réflexion ne demande ensuite qu’à déteindre sur l’aventure, dont chaque étape peut être résolue de différentes manières. Enfin, et c’est l’objectif le plus évident de ces Sanctuaires, ces derniers favorisent le gain de puissance nécessaire à la victoire de Link sur les forces des ténèbres qui gangrènent le royaume d’Hyrule. Pour résumer, ces annexes sont intrinsèquement liées à l’expérience globale que propose la dyade des Zelda Switch, et résument à elles seules l’essence même de la philosophie de game design qui anime ces deux jeux.
Concilier la fin du monde et la chasse aux cocottes
Maintenant que les objectifs afférents à la présence des activités annexes au cœur des jeux vidéo scénarisés viennent d’être survolés, une question bien plus pertinente pointe le bout de son nez. Comment justifier la réussite d’objectifs aux enjeux si mineurs en comparaison aux menaces apocalyptiques qui risquent de s’abattre sur le monde. Une des réponses les plus évidentes consiste à limiter le temps accordé aux annexes, dans le but de laisser à la trame scénaristique le temps de se déployer selon un rythme maîtrisé et soutenu. C’est ce qu’opèrent les jeux optant pour un système de calendrier, comme le célébrissime Persona 5 ou l’exceptionnel The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel. Dans ces deux aventures, l’histoire est chapeautée par l’écoulement des journées, puis des saisons, lesquelles limitent les interactions possibles. L’un des avantages de ce choix de mise en scène permet de dérouler la trame tout en gardant le contrôle sur la nature et le timing des événements mais aussi, et c’est tout aussi important malgré la discrétion du mécanisme, en permettant une narration continue perpétuelle. En effet, dans Trails of the Cold Steel, chaque avancée scénaristique influence les dialogues des personnages non joueurs, qui commenteront inlassablement l’état du monde en fonction des mouvements géopolitiques et autres chamboulements historiques. Bien entendu, faire le tour des PNJs pour écouter leurs commentaires quant à la situation du monde ne constitue pas une activité annexe du même intérêt qu’un record à battre sur un mini jeu ou un accès menant à un donjon secret. Pour autant, ces indications, loin d’être obligatoires, constituent une occasion en or pour discerner les contours d’un monde en constante mutation. Dans ce cas-ci, ces annexes n’ont qu’un seul et unique but : développer l’univers. De son côté, la saga Persona (et plus particulièrement les opus 3 à 5), se repose sur un calendrier scolaire en totale adéquation avec le propos de son intrigue. Dans ces jeux, les phases de gameplay sont divisées en journées, elles-mêmes découpées en créneaux horaires. Chaque action entreprise durant ces créneaux consomme le temps de jeu disponible, si bien qu’il devient rapidement impossible de concilier l’ensemble des possibilités de jeu étant donné la myriade d’activités disponibles. Le coup de génie du jeu consiste cependant à ne pas séparer les activités principales (c’est-à-dire celles qui permettent de faire progresser le scénario) aux activités secondaires. Ces dernières sont, de plus, associées à des objectifs à long-terme, c’est-à-dire que c’est leur répétition qui permet de progresser dans les objectifs que se donnent les joueurs. Ainsi, un choix s’impose rapidement : avancer de manière concrète et efficace au sein du scénario, ou sacrifier du temps de jeu pour se rapprocher petit à petit d’objectifs dont l’horizon semble bien lointain. En n’établissant aucun rempart entre le contenu principal et annexe, la prise de décision elle-même devient un choix conscient à effectuer, première étape de la boucle de gameplay. Les Persona nouvelle génération fusionnent ainsi de manière naturelle et maline les deux types d’activité du jeu, et ce, grâce à la présence du calendrier qui dicte le rythme de l’aventure.
Malheureusement, ce choix élégant ne s’applique pas à l’ensemble des œuvres vidéoludiques. Bien souvent, la menace qui plane sur les protagonistes, voire sur l’ensemble du monde, jouit d’une espèce de garde-fou permettant au joueur de se perdre dans des activités insensées et de l’exploration sans aucun sens. Certains scénaristes et game designers s’en tirent cependant avec les honneurs, comme c’est le cas avec la trilogie entamée par Final Fantasy XIII (Square Enix, 2009). Cet opus a beaucoup fait parler de lui de par sa structure même, laquelle consiste en une fuite en avant illustrée par un enchaînement de corridors la plupart du temps rectiligne forçant le groupe de personnages à inlassablement fuir vers l’avant, sans jamais prendre le temps de s’adonner à des quêtes annexes, voire à perdre du temps à flâner dans des hameaux éparpillés sur leur trajet (inexistants). Le jeu est structuré en divers chapitres, arpentés par des groupes de personnages dictés par les obligations scénaristiques, dont la finalité reste à chaque fois la même : fuir. Ce qui est intéressant avec Final Fantasy XIII, c’est que le level design en ligne droite s’adapte ainsi à l’état d’esprit de ces protagonistes, pourchassés et poursuivis, dont la seule issue reste la course en avant, encore et toujours. Un choix d’autant plus éloquent lorsque les considérations techniques du système PlayStation 3 entrent en jeu, et que ces lignes droites s’adaptent parfaitement aux limites de la console, mais aussi au moteur utilisé pour la conception du jeu. Enfin, un dernier point achève de relier cette structure linéaire au propos narratif du jeu : la lutte contre la destinée, le cheminement représentant de la plus belle des manières la course rectiligne du destin auquel se soumettent Lightning et ses compagnons. Ainsi, Final Fantasy XIII élude complètement l’idée même de contenu annexe, du moins jusqu’à ce que le groupe principal s’extirpe de Cocoon et ne rejoigne les plaines sauvages de Pulse, dans lesquelles non seulement le level design s’ouvre allègrement, mais qui possède aussi quelques activités annexes certes classiques mais ayant le mérite d’exister. Comme si se libérer des rênes du destin permettait aux joueurs d’accéder à tout un nouveau pan du contenu du jeu. La suite de Final Fantasy XIII, sobrement intitulée Final Fantasy XIII-2, poursuit cette réflexion thématique, et ne se prive pas d’envoyer promener les limites spatiales et temporelles du premier opus. De nombreuses activités annexes font leur apparition, dont un système permissif de collecte de monstres, offrant une liberté salvatrice au public du premier jeu. L’équipe, figée, explose ses limites, tout comme le système de progression, qui n’était auparavant qu’une simple ligne ponctuée de points de passage à déverrouiller. L’apex de cette évolution survient dans l’incroyable conclusion de la trilogie, Ligthning Returns, un jeu dans lequel Lightning s’affranchit de toute limite imposée jusqu’ici, jusqu’à bafouer les lois du temps, et en articulant son intrigue principale autour d’intrigues secondaires. Ce sont en effet les histoires de l’à-côté, celles qui touchent les personnages secondaires, qui servent de carburant à la progression de l’Histoire avec un grand H, jusqu’à un final transcendant jusqu’aux limites du média. Dans ces exemples, Square Enix explore les différentes natures des activités secondaires, pour tisser un propos pertinent, en adéquation totale avec la nature du média, et ce, sans jamais bafouer les contradictions qui pourraient en émaner. Ceci est d’autant plus fort, car dans la démarche intimiste – presque égoïste – du scénario de Final Fantasy XIII, la conclusion de la trilogie propose une approche altruiste, dans laquelle Lightning se met en tête d’aider autrui et donc, par extension, les personnages… annexes. Malgré ces nombreux défauts, la trilogie Final Fantasy XIII brille par des qualités lumineuses servant admirablement le propos général de son intrigue, ce qui confère à l’ensemble du projet une aura relativement unique parmi le paysage vidéoludique contemporain.
Lightning Returns exploite d’ailleurs un outil assez efficace quant à l’implication des errances des joueurs, tandis que la fin du monde se profile. En effet, ce jeu exploite la technique de la boucle temporelle : une fois un certain délai écoulé, le statu quo de l’univers est réinitialisé, l’avatar du joueur étant remis à la place qu’il occupait lors de son arrivée dans ce monde. C’est bien sûr le cas de cet opus donc, mais aussi de nombreux classiques tels que Shadow of Memories, The Legend of Zelda: Majora’s Mask ou encore Outer Wilds. Dans ces jeux, les annexes ne sont que des illusions, car malgré la diversité des activités sans liens apparents et la multitude de points d’intérêts qui s’éloignent des axes narratifs majeurs, ces écarts permettent en réalité de concilier les petites histoires à la grande trame narrative. Ces jeux embrassent le statut annexe pour façonner le cœur de l’expérience. C’est bien entendu un exercice périlleux, constamment sur le fil du rasoir, étant donné qu’il convient de baliser un minimum le cheminement principal afin de ne jamais perdre les joueurs. Ainsi, par exemple, l’exploration de Cravité, la planète qui s’effondre vers un trou noir dans Outer Wilds, indique certaines trajectoires en plaçant des points lumineux le long d’un chemin imaginaire, dans le but de guider les explorateurs. Shadow of Memories utilise de son côté divers renvois temporels thématiques d’une époque à l’autre, qu’il s’agisse d’un lieu, d’un personnage ou d’un objet, afin d’aiguiller le protagoniste sur la bonne route. Ces exemples ont pour point commun de ne jamais indiquer clairement la nature de l’action effectuée par les joueurs : se prêtent-ils à des escapades sans lien avec l’histoire ou au contraire, se rapprochent-ils de la vérité ? Un dernier type de jeu, enfin, traite les activités annexes comme une véritable blague, et dissimule la victoire derrière ces à-côtés qui n’ont de facultatif que le nom. À la fin du siècle dernier sortait l’incroyable Oddworld : L’Odyssée d’Abe. Dans cette aventure en deux dimensions, le joueur devait faire du personnage contrôlé, Abe, le messie de tout un peuple, prêt à se révolter contre un patronat carnassier sans aucune once d’empathie pour le vivant. Outre ses nombreuses qualités qui n’ont à ce jour pas à rougir face à la concurrence, Oddworld proposait un système de communication sommaire mais essentiel à l’expérience de jeu. En effet, Abe pouvait communiquer avec les congénères de son espèce, les Mudokons. Le choix des mots restait limité, Abe ne pouvant que donner des ordres succincts à ses camarades : salut, suis-moi, attends, etc. En plus des nombreux tableaux à traverser, éparpillés à travers une multitude de biomes dépaysants et toujours soumis à un level design ludique et ingénieux, il était ainsi possible de rencontrer plusieurs Mudokons, esclaves d’une vie entièrement consacrée au grand capital. La plupart de ses Mudokons se terraient derrière des passages secrets, parfois masqués par des éléments du décor au premier plan, dissimulant en réalité une entrée vers les sous-sols, d’autres fois relégués au fond de passages sinueux gardés par des ennemis. Si pour accéder au générique de fin il suffisait de progresser d’un niveau à l’autre, le final du jeu ne manquait pas de révéler un décompte de tous les Mudokons sauvés par Abe ainsi que ceux, et c’est plus dramatique, exterminés le long du chemin. L’accès à la « bonne fin » se dissimule en réalité derrière la fraction de compatriotes libérés. Si ce chiffre n’est pas assez élevé une fois la conclusion atteinte, et malgré les réussites dans chacun des niveaux traversés, Abe sera confronté à la mauvaise fin. Ce choix trouve une résonance logique avec les enjeux de l’aventure, étant donné que le Mudokon, bien qu’il survive, n’a pas réussi à protéger les siens. Impossible donc de considérer cette conclusion comme positive. Au contraire, si un maximum d’alliés a été libéré, la conclusion du jeu est bien plus optimiste, Abe ayant accompli son destin d’élu. Dans ce cas particulier, les annexes consistant à libérer les Mudokons deviennent, par la force des choses, une condition essentielle de la réussite d’Abe. Est-il donc juste, à ce niveau, de considérer l’ensemble de ces sauvetages secrets comme des quêtes annexes pures ? Ou bien définissent-elles l’expérience de jeu dans sa globalité, comme elle est censée être jouée ?
Négocier les ruptures de ton
Certaines expériences, de leur côté, mettent une emphase assumée sur le contenu annexe. Pour illustrer cette optique, il convient de citer trois exemples aussi disparates qu’étonnamment semblables. Dans le MMORPG de Square Enix, Final Fantasy XIV, les activités dites principales et secondaires s’amalgament tout au long de la progression des joueurs. Pour schématiser, l’aventure narre une seule histoire fractionnée en divers segments, développés à travers des extensions. La campagne principale d’une extension accompagne la progression de l’avatar par rapport à son gain d’expérience, lui permettant d’apprendre en cours de route de nouvelles compétences, et de pouvoir s’équiper d’armement plus puissant. Une fois la trame narrative d’une extension achevée, le jeu débloque du contenu annexe, qu’il n’est pas nécessaire de valider avant de poursuivre la suite des aventures. Ces contenus annexes sont de natures diverses et variées : il peut s’agir de versions survitaminées de combats croisés en cours de jeu (des boss plus puissants disposant de nouvelles techniques), de lignes narratives mettant à contribution des capacités sans lien avec le combat (comme la pêche, l’orfèvrerie, la récolte, etc.), des éléments de personnalisation (l’acquisition et la décoration de maisons, voire la gestion d’une île sauvage, l’agriculture ou l’élevage), la mise en avant de plusieurs éléments à collectionner (des partitions musicales, des mascottes, des montures, des cartes, etc.), sans oublier des activités dont l’objectif principal consiste à simplement s’amuser (via des activités ludiques à faire seul ou en groupe au sein d’un parc d’attraction par exemple). Toutes ces activités n’apportent AUCUN avantage sur la découverte et le plaisir afférent à la quête principale, mais permettent de renforcer le lien entre le joueur et son avatar, tout en profitant de moments agréables à partager avec la communauté du jeu, et en permettant d’obtenir des éléments indisponibles autrement. Ici, les activités annexes constituent une récompense prenant le relais sur le voyage émotionnel vécu à travers l’Épopée (le nom donné au scénario principal dans Final Fantasy XIV). De plus, la majorité des récompenses obtenues lors de la réussite de ces annexes sont essentiellement d’ordre cosmétique : il peut s’agir de tenues, de compagnons sans capacités de combat et autres bonus qui n’accordent finalement que très peu d’avantages en termes de gameplay pur. Ces avantages existent bel et bien cependant, notamment à travers des contenus bien précis. Ainsi, les quêtes des Armes Reliques sont des aventures au long cours, exigeantes en investissement et en temps, qui permettent d’obtenir des armes à l’apparence tape-à-l’œil et impossibles à obtenir autrement. De la même manière, un contenu bien plus simple et classique articulé autour d’une mécanique de chasse de monstre permet de gagner de précieux avantages, comme une vitesse de déplacement accrue sur certains terrains. Enfin, les différents jobs qu’il est possible d’exercer au sein du jeu, débloquent la possibilité de réaliser des recettes de craft, qu’il s’agisse de la cuisine permettant un gain de puissance provisoire, ou la possibilité de réaliser de l’équipement unique (armement, décorations ou autres). Pour résumer, les annexes de Final Fantasy XIV s’insèrent dans un microcosme qui offre au jeu une variété de contenu dont les différentes possibilités se répondent entre elles, ce qui favorise l’intérêt des joueurs à leur encontre, et renforcent ainsi l’attachement que peut porter le public aux terres d’Eorzea, théâtre de l’action du jeu. Pour finir, il est intéressant de relever le fait que puisque les annexes se débloquent à l’issue de la réussite des extensions, il n’existe pas de paradoxe entre l’urgence de la trame narrative principale et le temps alloué à ces annexes, étant donné que lorsque les joueurs s’adonnent aux activités marginales, les extensions suivantes ne sont généralement pas encore disponibles. Ces périodes offrent un battement nécessaire permettant de jouir des plaisirs du jeu sans se sentir pris en tenaille par la course à la puissance inhérente à la diffusion de nouvelles activités et autres raids (des épreuves permettant de renforcer son personnage).
Le second exemple mettant l’emphase sur le contenu annexe est encore une saga nippone, connue sous nos latitudes sous le sobriquet Like A Dragon de SEGA (anciennement appelée Yakuza). Cette série atypique est divisée en deux boucles de gameplay principales : la première consiste à progresser de chapitre en chapitre, en accomplissant des objectifs narratifs fixes et en traversant l’intrigue primaire offrant son rythme à l’aventure. La seconde se débloque au fur et à mesure de cette avancée. En effet, chaque chapitre en profite pour introduire au joueur des activités annexes qui, si elles ne sont absolument pas nécessaires pour parvenir jusqu’au générique de fin, offrent une diversité d’une générosité rarement vue. La nature de ces activités secondaires est gargantuesque, chacun des opus de la saga ne se privant pas de reprendre quelques incontournables d’un épisode à l’autre (jeux de société, baseball, jeu de fléchettes, billard, etc.), tout en proposant des aventures au long cours, scénarisées, et disposant d’un gameplay unique. Ainsi, Yakuza 0 propose aux joueurs de s’occuper de la gestion d’un cabaret et d’un parc immobilier, tandis que Like a Dragon: Infinite Wealth n’y va pas par quatre chemins et ne se prive pas de dévoiler des clones d’Animal Crossing ou de la célèbre franchise PoKéMon. Ces pans entiers de l’expérience Like a Dragon offrent des moments hors du temps, dans lesquels les enjeux de la quête principale sont provisoirement éludés, et durant lesquels l’attention des joueurs n’est plus portée sur les accents émotionnels de l’intrigue, mais plutôt sur la réussite des objectifs associés à ces activités. Ici, les joueurs choisissent volontairement de se soustraire aux impératifs du scénario, afin de favoriser l’aspect le plus fun de ce que le soft peut proposer. Outre ces mini-jeux étalés le long de l’aventure, les Yakuza sont parsemés d’intrigues secondaires, qui sont en réalité des segments scénarisés, plus ou moins longs, exploitant des registres différents. De la comédie au drame, en passant par l’absurde et le tragique, ces fragments d’histoires permettent une liberté de ton offrant un miroir exubérant mais finalement incroyablement touchant et humain de la société japonaise. Remplir une grille de mots croisés, chasser un fantôme dans un appartement hanté, se faire passer pour un metteur en scène, affronter des animaux échappés d’un cirque ambulant, autant de situations cocasses et invraisemblables qui tracent un portrait débridé de ce que l’humain a de plus sensationnel : son imagination. Ces morceaux d’histoires entrent en résonance avec la nature même de la saga Like a Dragon, qui s’emploie à décrire l’Homme à travers ses défauts et ses réussites, ses travers et sa bonté. Les quêtes annexes de Like a Dragon constituent une ode à la diversité humaine, dans son intégralité, car elles capturent des instants qui, s’ils peuvent de prime abord sembler anecdotiques, n’en demeurent pas moins d’une importance capitale pour les individus concernés. Chacune de ces saynètes s’achève sur des leçons de vie, qui certes ne sont pas toujours originales, mais qui ont le mérite de laisser l’esprit des joueurs divaguer le temps de quelques instants, et de s’envoler hors des limites narratives posées par un simple jeu vidéo. La série Yakuza / Like a Dragon a fait de ces activités annexes une partie de son identité, et ne s’embête aucunement à justifier leur pertinence, ni leur urgence, par rapport aux enjeux principaux. Au contraire, elles servent un but louable mais souvent éludé par le public : elles valorisent l’humanité de Kiryu ou d’Ichiban, les personnages principaux de la saga, qui à travers les multiples rencontres qui éclosent dans les ruelles sordides des quartiers chauds ou dans les artères peuplées des villes balnéaires, ne peuvent s’empêcher de faire preuve d’un altruisme innocent et, finalement, indispensable dans ce monde rempli de crasse et de salauds. Un dernier point concerne les deux opus de la saga Like a Dragon, le diptyque consacré à Ichiban Kasuga. Dans ces deux jeux, qui abandonnent le traditionnel gameplay orienté action pour revenir aux sources d’un genre fortement ancré dans la culture nippone, le RPG au tour par tour, les joueurs sont invités à contrôler une équipe de personnages hétéroclites, chacun disposant de leur design, leurs aptitudes de prédilection, mais aussi et surtout de leur propre histoire personnelle. Un sous-système secondaire présent dans ces deux jeux consiste à renforcer les liens entre les héros et leurs compagnons (une prolongation des liens tissés dans les opus précédents, dans lesquels certaines activités annexes débloquaient l’accès à des capacités spéciales utiles en combat). À présent, suivant les affinités tissées, les échanges lors des dialogues et les attentions régulièrement dessinées (comme offrir des présents), une jauge d’amitié représentant la force du lien entre Ichi et son interlocuteur se remplit peu à peu. Faire progresser cette jauge permet de débloquer des séquences cinématiques, longues et nombreuses, destinées à narrer le parcours de ces personnages secondaires, jusqu’à permettre l’utilisation de techniques puissantes indispensables lors des combats. Ainsi, ces jeux achèvent de lier le contenu annexe au principal, dans une symbiose tant narrative qu’évidente en termes de gameplay. Le studio de développement a peut-être trouvé une solution qui certes ne résout pas le conflit qui s’opère entre l’urgence des enjeux narratifs et émotionnels, mais qui offre une boucle de gameplay satisfaisante aux joueurs, en laissant le choix de gérer à ces derniers la manière de progresser tout au long de l’aventure. Il est à noter que cette méthode fonctionne particulièrement bien ici grâce au talent qu’ont les artistes de RGG Studios pour tisser des ambiances disparates et négocier des ruptures de ton efficaces et maîtrisées.
Le dernier exemple abordant de manière décomplexée le croisement du cheminement principal aux escapades secondaires se dissimule dans les lignes de code du célèbre jeu de rôle occidental à succès, The Elder Scrolls V: Skyrim. La formule Bethesda appliquée à ce projet repose sur des acquis ayant fait leurs preuves tout au long des différentes productions du studio. Le concept est aussi simple qu’ingénieux. Dans les terres de Bordeciel, après un court mais nécessaire prologue inculquant les mécanismes de base du jeu, les joueurs se voient confier un objectif afférent à la quête principale, qu’ils sont libres de poursuivre, ou non. Cependant, au contraire de quelques autres jeux en monde ouvert (Grand Theft Auto III, dans lequel la zone explorable est découpée en îles déblocables au fur et à mesure de la progression scénaristique, une règle de game design qui se dissipera dans les opus ultérieurs comme le cinquième épisode de 2013), l’entièreté du terrain de jeu, les vastes terres de Bordeciel, est entièrement ouverte. Le joueur peut tout aussi bien se rendre dans la cité éloignée de Solitude que rejoindre les allées tortueuses de Faillaise, il peut débarrasser quelques cavernes de créatures hirsutes ou s’engager auprès de différentes guildes, pour ainsi façonner une aventure qui n’appartiendra qu’à lui. Skyrim n’érige aucun mur entre les quêtes dîtes principales, celles décidant du destin du monde et menant au générique de fin, et celles qui ne servent qu’à explorer les différentes histoires qui se trament sur ces terres enneigées. Si quelques murs infranchissables subsistent sous la forme de quêtes particulières (comme la collecte de mots de puissances), d’objets à dénicher (des bijoux en formes de griffes servant de clefs) ou d’ennemis à la puissance colossale (des géants aussi sauvages que dangereux), la liberté est quasi-totale et offre à l’aventure une structure organique qui a largement participé au succès démesuré du jeu pendant plus d’une décennie.
Ces trois exemples illustrent ainsi, de manière diverse, différentes philosophies de game design, chacune avec ses avantages et défauts. Cependant, un élément essentiel les relie tous les trois : les joueurs restent les maîtres de leurs destins et tissent une histoire qui n’appartient qu’à eux.
Final Fantasy VII: Rebirth, ou le renouveau d’un modèle ?
La structure globale de Final Fantasy VII: Rebirth a surpris une énorme frange des fans de la première heure, à la fois celles et ceux qui ont découvert le projet à travers le très attendu Final Fantasy VII: Remake, mais aussi pour tous les aficionados du Final Fantasy VII originel de 1997. Pour la démonstration suivante, seul le projet de renaissance de ce chef-d’œuvre intemporel va être cité. Final Fantasy VII: Remake s’est affranchi de contraintes titanesques, à savoir faire tenir moins d’une dizaine d’heures de jeu arrachés à l’aventure originale en un opus autosuffisant lorsque envisagé sous la forme d’un jeu vidéo complet. En tant qu’adaptation d’un passage clairement délimité en termes spatiaux (la ville de Midgar) et temporels (une succession de quelques jours), Final Fantasy VII: Remake devait proposer tout ce qui fait le sel d’un jeu complet. Pour remplir cette tâche, les développeurs ont emprunté une structure qui a fait ses preuves à l’époque de Final Fantasy XIII : une fuite en avant à travers des niveaux balisés, globalement linéaires, et entrecoupés de respirations et autres donjons mettant en scène des équipes de personnages imposés. La pause incarnée par Pulse est cependant plus fréquente ici, sous la forme de quelques Secteurs à explorer et dans lesquels effectuer plusieurs séries de quêtes. Final Fantasy VII: Rebirth, au contraire, a plutôt marché sur les plate-bandes de Final Fantasy XV, c’est-à-dire en proposant un monde ouvert dont l’interconnexion se dévoile au fil des heures, mais tout de même balisé par des points de passage bridant la progression et la liberté. Comme le road trip de Noctis et ses amis, Rebirth est un voyage. L’équipe de développeurs a embrassé cette direction en faisant de chaque point de passage l’occasion de s’adonner à des activités annexes, sans aucun lien avec les enjeux dramaturgiques, seulement dans l’optique de profiter de l’instant présent. Ce n’est ainsi pas un hasard si le jeu impose plusieurs séquences à la tonalité légère, comme un tournoi de cartes tout au long d’une croisière maritime, un concours photographique dans une station balnéaire, voire un jeu de société impliquant des unités à placer sur un terrain dans une disposition stratégique. Même la progression au sein du monde ouvert est rythmée par des mini-jeux débloquant l’accès à des outils de gameplay facilitant la navigation, comme la chasse aux chocobos ou aux invocations. Final Fantasy VII: Rebirth, sans jamais délaisser l’intensité propre à ses développements scénaristiques, est en réalité un gigantesque parc d’attractions qui tente par tous les moyens de mêler l’intensité d’une histoire épique aux respirations plus légères. Cette philosophie de game design se retrouve clairement exprimée à travers le personnage de Roche, introduit dans Final Fantasy VII: Remake. Comme Cloud, Roche est un soldat surentraîné dopé au Mako (une énergie vitale conférant à celles et ceux capables de l’absorber des capacités hors du commun). Roche peut ainsi enchaîner des prouesses insensées et irréalisables dans la réalité : ses attaques sont grandiloquentes, il pilote sa moto comme un dieu, défiant la gravité et toute loi physique, et possède un tempérament si débridé qu’il peut en devenir agaçant. Roche croque les plaisirs de la vie à pleines dents. Bon nombre de fans ont critiqué la désinvolture et l’exagération dont fait preuve ce personnage, mais c’était sans compter sur l’écriture méticuleuse des scénaristes de Square Enix. Dans Final Fantasy VII: Rebirth, Roche succombe aux expériences impardonnables du professeur Hojo, et devient un être d’une apathie tétanisante. Ce nouveau comportement tranche radicalement avec l’euphorie dont faisait preuve le SOLDAT lors de ses précédentes apparitions. Si les joueurs n’avaient pas traversé les divers moments de joie qui émaillent l’aventure et resserrent les liens entre Cloud et ses compagnons, l’impact de cette séquence scénarisée dévoilant un Roche monolithique aurait perdu son impact. Ainsi, dans Final Fantasy VII: Rebirth, outre le plaisir immédiat que représentent les différentes quêtes annexes (et en mettant de côté les diverses récompenses qu’il est possible d’obtenir en y participant), les événements scénarisés les plus marquants auraient clairement manqué leur impact, ou tout du moins ce dernier se serait tassé, voire effacé, par rapport au reste de l’aventure. Comme si les personnages profitaient une dernière fois des vicissitudes du monde avant que le crépuscule ne s’abatte sur ce dernier. Pour finir sur le cas Rebirth, il est intéressant de noter que Tetsuya Nomura et son équipe poursuivent ici une philosophie de game design initiée tout au long de leur carrière. Le fidèle comparse de Nomura, le scénariste Motomu Toriyama, a notamment épaulé son collègue en réalisant Final Fantasy X-2, le premier opus de la franchise aux lettres jumelles étant une suite directe d’une entrée principale de la saga. Dans ce jeu atypique, les joueurs prennent le contrôle d’une Yuna qui cherche à se reconstruire suite à la perte de l’amour de sa vie, mais aussi à la bascule qu’a subi le monde de Spira, défiguré par les assauts de Sin. La structure scénaristique de Final Fantasy X-2 est, en plus de faire preuve d’un atypisme surprenant pour Square Enix, éloquente en ce qui concerne les obsessions du scénariste. Final Fantasy X était un pèlerinage, une histoire en ligne droite menant Tidus et ses compagnons aux quatre coins du monde, à la découverte de peuples et coutumes exotiques, le tout mis en opposition avec un questionnement sur le sens de la vie dont la série ne s’est jamais dispensée. Final Fantasy X-2 opère une rupture de ton phénoménale dès son introduction : de la chute d’une civilisation dans le premier chapitre, le second jeu opte plutôt pour la mise en scène d’un concert de pop dont Yuna est l’interprète principale ! Et à vrai dire, les enjeux plus sérieux et solennels ne surgiront que dans le dernier tiers de l’aventure, les deux premiers enchaînant des activités qui, si elles se présentent comme obligatoires en faisant partie de l’intrigue principale, ont pourtant l’apparence d’annexes sucrées (ayons une pensée pour une étrange séance de massage surprenante). Toriyama perpétuera ce ton presque anachronique dans chacune des productions auxquelles il participera, comme dans le fantastique Lightning Returns, qui, de loin ressemble à un assemblage d’annexes décorrélées les unes des autres mais qui, à la fin, forment un ensemble cohérent et lourd de sens.
L’apex de cette entreprise se retrouve dans l’incontournable Kingdom Hearts III, qui déjà, prenait l’allure d’un gigantesque parc d’attractions ponctué d’activités variées, engageantes, généreuses et toujours surprenantes et agréables à jouer. Cependant, ce jeu était lors de sa sortie clairement divisé en deux blocs narratifs : la première moitié du jeu se concentrait sur la visite des mondes Disney et proposait une large variété d’activités diverses, tandis que la seconde et dernière partie s’articulait autour des enjeux liés à Sora et ses alliés, ainsi que sa quête personnelle, laquelle prenait un ton plus grave et solennel, relevant considérablement les enjeux et donc la tension manette en main. Ainsi, dans ces exemples, les activités annexes font partie de l’expérience générale, et servent une fois encore de soupape, permettant aux joueurs d’envisager leur temps de jeu comme bon leur semble, sans se sentir entravé par les besoins narratifs assujettis à une tonalité parfois trop légère, et d’autres fois lourde.
Le secret d’une bonne quête annexe
Avant la rédaction de ce texte, quelques données ont été recueillies auprès d’un échantillon d’individus varié en termes de genre, d’âge, de goûts et d’expérience vidéoludique. La question était toute simple : sans réfléchir, quelle activité annexe venait à l’esprit des personnes interrogées. Le résultat n’a aucune valeur scientifique bien sûr, mais a tout de même permis de dégager une idée directrice se détachant clairement de l’ensemble des réponses. Si les quêtes citées sont quasiment toutes différentes, il est pertinent de noter que la totalité des jeux mentionnés développent une forte tendance narrative. Les joueurs ne se remémorent pas des quêtes pour avoir effectué des actions qui tranchent avec la boucle de gameplay principale des jeux en question (c’est-à-dire utiliser une arme à feu, sélectionner un choix de dialogue, se déplacer, etc.), mais plutôt les situations présentées. Ainsi, il y a la fameuse quête annexe de Blood and Wine (extension de The Witcher III: Wild Hunt) qui parodie la Maison qui rend fou dans le dessin animé Les 12 Travaux d’Asterix (Albert Uderzo, René Goscinny, Pierre Watrin, 1976), une intrigue qui finalement pousse le personnage d’un guichet à un autre au sein d’une administration sans queue ni tête, mais qui marque par l’absurdité de la situation. Un autre exemple issu d’un second jeu développé par CD Projekt Red se révèle être le parcours de Joshua Stephenson. Dans cette histoire qui débute comme un banal contrat de mercenaire, V, le personnage principal, se retrouve embrigadé dans les fondations malsaines d’une émission de télé-réalité visant à reproduire la crucifixion de Jésus. D’autres fois, c’est lorsqu’une quête détourne les codes mêmes du jeu qu’elle permet de s’imposer, comme lorsque Al Gore devient l’ami du personnage principal de South Park : The Stick of Truth, et ne cesse de l’importuner avec des notifications incessantes qui polluent l’écran de jeu. La chasse aux plumes du premier Assassin’s Creed a aussi été citée, mais pas pour les bonnes raisons.
En résumé, les joueuses et joueurs sont aisément marqués par des activités qui tranchent non seulement avec le propos et la tonalité de l’aventure principale, mais aussi par l’impact qu’elles ont sur eux-mêmes en tant qu’individus. Qu’il s’agisse d’expériences qui leur parle directement en convoquant des éléments extérieurs à l’œuvre qu’ils sont en train de parcourir (Les Douze Travaux), des éléments qui brisent les règles pourtant instaurés par le jeu des heures durant (voir des expériences méta comme TUNIC ou Animal Well), sans oublier les thématiques qui imposent un questionnement relevant de l’intime (par exemple la morale, l’éthique ou la foi), ce sont bel et bien ces quêtes annexes qui sont le plus à même de marquer leur public au fer rouge.
Et dans ce cas, tout bien réfléchi, est-ce si grave que cela de mettre de côté le rythme et les enjeux de l’intrigue principale si c’est pour mieux apprendre à se connaître soi-même, ou à comprendre un peu plus le monde qui nous entoure ?