Handicap, Neuroatypie, Phobie, … : Le jeu vidéo au-delà du divertissement.
Disclaimer : cet article traite d’un domaine qui appartient, en partie, à la médecine. Même si j’ai une formation initiale paramédicale, je suis ici en tant que chroniqueur. J’ai tenté de sourcer un maximum mon article. Je vous conseille fortement de prendre contact avec des professionnels avant de modifier, initier, toute prise en charge.
SOMMAIRE
I – Le jeu vidéo, un outil face aux troubles neuro
II – L’accès aux jeux pour tous
- Valentin : PlayAbility
- David : Handigamer
- Alexandre : Le vidéaste
- Jeremy : Objectif inclusivité
- Rayann : Apprentissage iOS
- Tony : Le testeur
- Amelitha : L’e-sportive
- Fred : Le développeur de jeux
III – Le mot de la fin et sources
Les 5 sens des handicapés sont touchés mais c’est un 6e qui les délivre ; bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce 6e sens qui apparaît, c’est simplement l’envie de vivre.
Grand corps malade
On ne choisit pas le corps dans lequel on vit. Cette phrase est vraie pour tout être humain sur cette terre, mais elle résonne encore plus chez les personnes en situation de handicap qu’il soit visible ou non, moteur ou cognitif. J’ai eu envie de vous partager cet article après avoir lu un papier issu d’un cas clinique d’un service d’addictologie. Il concerne un adolescent dont les parents sont inquiets au regard de sa consommation de jeux vidéo (JV). Le patient est isolé, peu sociable, cette passion est en train de détruire sa vie. Après un suivi, l’équipe médicale réalise que le jeune homme souffre d’un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). Il s’avère qu’en fait le JV (ici un MMORPG) a aidé le jeune homme à compenser ses difficultés en matière de relations sociales. Je me suis alors dit que notre médium préféré avait peut-être une place dans la prise en charge de certains patients et pas seulement atteints de TSA.
En creusant un peu le sujet du JV et du monde médical, j’ai trouvé un autre problème qui vient se poser pour que ce bonus thérapeutique puisse toucher le plus grand nombre, j’ai nommé l’accessibilité. Comme je l’ai dit en ouverture, on ne choisit pas son corps. Le JV, en plus d’être ludique, est une possibilité d’évasion, d’incarner quelqu’un d’autre, de vivre une autre vie. Il est, pour moi, important que l’interface jeu-joueur permette l’accès peu importe les capacités de la personne devant son écran. J’ai alors réalisé qu’il existe tout un monde gravitant autour de nombreuses idées. C’est pourquoi je voudrais vous emmener avec moi à la découverte du JV au-delà du divertissement.
Je n’ai pas la prétention, ni la capacité de traiter de tous les handicaps, d’autant plus qu’ils sont propres à chaque individu. Je me suis concentré que sur deux axes qui m’ont donné bien assez de choses à écrire. Il y a pourtant encore beaucoup de notions à partager. Je vais donc diviser cet article en deux parties distinctes : “le jeu vidéo, un outil face aux troubles neuro” et “L’accès aux jeux pour tous”. Pour cela, j’ai fait le tour de différents articles et je suis parti à la rencontre de ceux qui sont les mieux placés pour nous en parler. Ce papier est long et aussi complet que je le peux, c’est pourquoi je vous invite à le parcourir, non pas d’une seule traite, mais davantage par les profils qui vous tentent le plus en premier. Chaque rencontre peut être lue indépendamment des autres et les introductions les encadrants viennent donner un contexte que vous pouvez découvrir à posteriori. Le but premier étant de vous faire réaliser le pouvoir que peut avoir le JV au-delà de l’aspect ludique. Il est temps de mettre fin à ce préambule et de se lancer à bras-le-corps dans ce qui va être pour beaucoup, je l’espère, une découverte.
Le jeu vidéo, un outil face aux troubles neuro
Une bonne santé mentale permet aux individus de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail productif et de contribuer à la vie de leur communauté
OMS
Pour aborder ce point de la meilleure manière possible, j’ai échangé avec deux neuropsychologues qui placent le jeu vidéo au cœur de leur pratique. Chacun m’a apporté une approche différente qui permet d’avoir une vue globale de ce que peut-être l’intérêt du jeu vidéo dans une thérapie. Mathieu Cerbai œuvre pour sensibiliser aussi bien les professionnels que les patients et leur famille. Grâce à l’une de ses présentations, il m’a donné un aperçu de l’état actuel des études sur le JV. Sébastien Serlet utilise vraiment le JV dans sa pratique, au point de vouloir développer lui-même les jeux qui aideront les patients. C’est donc la théorie et la mise en pratique qui vont nous être exposées par ces psychologues, mais surtout joueurs avant tout.
Mathieu : Bibliographie
Mathieu Cerbai est un grand joueur depuis l’enfance même si, comme beaucoup, le temps lui manque. De par son expérience personnelle, il a déjà traversé des épisodes dépressifs. Il est persuadé que le jeu vidéo peut avoir un impact non-négligeable dans la prise en charge de certains troubles. Maintenant neuropsychologue, il travaille depuis sept ans en hôpital psychiatrique accueillant des patients présentant des troubles psychiques et du neurodéveloppement. Avec d’autres professionnels de santé, il a créé l’association Raptor Neuropsy qui a pour but de briser les tabous et idées reçues sur la santé mentale.
La vulgarisation scientifique autour de cette spécialité est au cœur de leur activité destinée aux professionnels de santé comme au grand public. Dans cette même optique, depuis 2019, il s’intéresse aux différentes études qui ont pour sujet la santé mentale et le jeu vidéo, ce qui l’a conduit à publier un ouvrage sur cette thématique en 2023. La recherche se fait de plus en plus active autour de ce médium, je vous ferai une synthèse un peu plus bas.
Pour remettre un peu en contexte le jeu vidéo dans notre société, il faut savoir que l’on est environ trente-trois millions de joueurs dans une parité quasi parfaite et un âge moyen de trente-neuf ans. D’un point vue thérapeutique, le JV peut avoir un intérêt à plusieurs niveaux allant de l’adhésion à la thérapeutique jusqu’au véritable levier au soin en passant par le simple support d’apprentissage. Autre chose à savoir, aucune étude n’a mis en évidence une quelconque relation directe entre le jeu et la violence.
Le but d’une thérapie est d’arriver à un état de rétablissement, et non de guérison, c’est-à-dire d’arriver à vivre avec son trouble et de surmonter les difficultés quotidiennes afin d’atteindre des objectifs personnels, c’est ici que le JV entre en scène. Je vais vous dresser un bref résumé du travail de Mathieu ponctué de plusieurs témoignages qu’il a récolté. Si l’envie vous prend d’en savoir plus, je vous invite à consulter son livre (les liens sont en bas de l’article.).
Tout d’abord sur l’aspect social, on trouve des résultats favorables pour amoindrir les difficultés dans les milieux scolaires ou professionnels (Kovess-Masfety et al., 2016) ainsi que des comportements prosociaux (Dorman, 1997 ; Gentile et al., 2009). On constate un renforcement des liens familiaux/amicaux.
« J’ai pu rencontrer des ami(e)s avec qui je suis toujours en contact, ou que j’ai même pu rencontrer IRL. Cela va faire presque 8 ans que je leur parle. C’était aussi un moment de détente, de lien social, mais également de compétition pour certains types de jeu. De plus, c’est faire partie d’une communauté. On rigole et on discute bien. »
Jeune femme de 20 ans avec dépression
On trouve également des bénéfices sur le concept de relation à l’existence notamment sur l’autonomie et le sentiment d’appartenance (Bauer et al., 2019) qui est parfois facilité par l’utilisation d’un avatar pouvant aller jusqu’à se fixer un objectif personnel à long terme (Fraser et al., 2023).
Une opportunité de relever des défis, de chercher à me dépasser, à m’améliorer. Cela peut apparaître face à un boss difficile dans les jeux d’aventure, comme face à un niveau difficile dans un jeu de plateformes, ou bien encore dans les jeux de courses, quand on cherche à battre un record de temps.
Jeune homme de 25 ans
Sur la clinique à proprement parler, le CHU de Nantes utilise le médium vidéoludique dans l’approche des phobies comme l’acrophobie (peur des hauteurs). D’autres équipes ont par exemple travaillé sur la claustrophobie (Rahani et al., 2018). Aussi, contrairement aux idées reçues, il ne semble pas y avoir d’effets néfastes des JV sur le bien-être (Vuorre et al., 2022) et ceux-ci peuvent être utiles à la prise de conscience des troubles.
Les jeux vidéo m’ont permis de canaliser mon stress et mes angoisses. Ils me donnent cette sensation de contrôle sur ma vie qui me permet de m’apaiser.
Jeune homme de 29 ans avec difficultés psychiques
Il est important tout de même de nuancer. Le jeu avec excès peut provoquer une sédentarité et donc impacter la santé physique (Pelletier et al., 2020). La modération est le maître-mot. La posture, l’alimentation et le sommeil doivent être et rester des priorités afin d’éviter des effets néfastes.
J’ai remarqué que cela m’avait impacté négativement, principalement au niveau des rythmes de sommeil qui ont tendance à se décaler.
Jeune homme de 21 ans
Un impact sur la sphère fonctionnelle, qui fait référence à nos capacités cognitives, est sans doute un des éléments les plus parlants. On note une réduction des distractions (Torner et al., 2019), une meilleure capacité d’alerte (Mayas et al., 2014), de prise de décision et dans la résolution des problèmes (Reynaldo et al., 2021). Les personnes âgées ne sont pas en reste quand on travaille la mémoire, les améliorations sont significatives (Toril et al., 2016).
Pour parler de prise en charge plus concrète, Mathieu s’est penché sur le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH). Pour ceux qui l’ignorent, un TDAH se caractérise surtout par des difficultés d’attention, associées à des émotions difficiles à gérer, du stress ou encore de l’irritabilité. Ce trouble a de nombreux impacts au niveau scolaire, social et professionnel. À l’aide du JV, on peut obtenir une amélioration de l’attention (Sonne et al., 2016 ; Chen et al., 2017), de la régulation des émotions (Rodrigo-Yanguas et al., 2023 ; Strahler Rivero et al., 2016) et de la motivation (Granic et al., 2014). Il faut tout de même garder à l’esprit que le TDAH expose à une dépendance facilitée (Rodrigo-Yanguas et al., 2022). La conception de jeux adaptés à ce type de patient et à leurs habitudes serait donc un véritable plus (Sújar et al., 2022).
Personnellement, le jeu vidéo m’a aidée à gérer le stress quand j’étais étudiante. Je faisais un petit break jeu pendant mes révisions ce qui me permettait de souffler et de repartir du bon pied. On fait aussi de belles rencontres, on discute avec des personnes de tous horizons et cela peut faire un bien fou.
J’ai quelques difficultés à me concentrer, je passe du coq à l’âne, il est difficile pour moi de faire une seule chose à la fois… Par contre, en jeu c’est différent. […] J’ai, petit à petit, réussi à me concentrer, à m’organiser et à me coordonner avec mes coéquipiers. Finalement, cela fait du bien de voir qu’on est capable de rester focus sur une seule chose, de pouvoir répondre à un objectif (notamment en mode coopération).
Jeune femme avec TDAH
Une seconde neuroatypie trouve beaucoup de bienfaits dans le jeu vidéo, j’ai nommé le Trouble du Spectre de l’autisme (TSA). Pour vous donner un aperçu de ce que l’on peut trouver dans la littérature, je vais rentrer un peu plus dans les détails dans ce cas-ci.
Selon la Haute Autorité de Santé : “Le trouble du spectre de l’autisme est l’un des troubles neurodéveloppementaux. Les critères diagnostiques actualisés par le DSM-5 sont définis dans deux dimensions symptomatiques qui sont :
● les déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés ;
● le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités.
Cette définition, dimensionnelle, est complétée par un niveau de sévérité selon le niveau de l’aide requise.” On retrouve dans cette définition deux notions importantes issues du DSM-5 (la cinquième édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques de l’Association américaine de psychiatrie), la référence en la matière.
Le déficit permanent de la communication se manifeste par des lacunes de l’apprentissage des codes sociaux qui sont indispensables pour vivre en communauté. Pour être plus clair, on peut prendre pour exemple les sous-entendus. Il est difficile pour une personne ayant un TSA de fonctionner avec des moyens de communication implicites tels que le sarcasme ou l’ironie. Les choses sont prises aux pieds de la lettre. Toutes les méthodes pour faire comprendre à quelqu’un qu’il gêne sans réellement le dire ne fonctionnent pas, ne sont pas comprises et c’est un exemple parmi tant d’autres. La communication doit être franche et directe.
Le caractère restreint et répétitif, lui, correspond à des habitudes très ancrées et parfois à des mouvements perturbants pour les neurotypiques, mais un véritable exutoire pour les personnes autistes. Il y a une sorte de sécurité dans ce qui plaît, ce qui est maîtrisé, ce qui peut parfois déborder jusqu’à l’addiction.
Il est de l’avis de professionnels encadrant les patients autistes que l’utilisation du jeu vidéo, associée à une activité physique, dit “exergaming”, permet une adhésion à la prise en charge bien pour importante. On estime à 92%, la proportion de patients qui prennent du plaisir à cet exercice.
Il y a de plus en plus de preuves que l’exercice serait bénéfique non seulement pour améliorer l’activité physique et promouvoir l’exercice, mais aussi pour promouvoir les compétences sociales et cognitives chez les enfants.
Anjana Bhat, physiothérapeute
On le sait tous, le jeu est une manière agréable de passer outre la sensation de contrainte. Ceci, ajouté à l’immersion du jeu vidéo, on joint aisément l’utile à l’agréable dans bon nombre de domaines. Une étude australienne a porté sur l’impact des jeux vidéo sur la socialisation d’adolescents autistes. Sur un petit groupe d’enfants à qui ils ont proposé de jouer à Minecraft, en ligne et en présentiel, le résultat est significatif. En effet, des liens se sont rapidement créés entre les joueurs mais aussi entre les parents de ces derniers. Il a même été constaté, à l’aide de questionnaires, le développement de l’envie de se faire des amis ce qui n’est pas forcément inné chez les personnes ayant un TSA. L’intérêt du jeu en ligne réside dans la distance que cela crée. L’absence d’implication physique et la possibilité de stopper à tout moment sont des sécurités importantes qui permettent l’expérience de cet art qui semble si naturel chez les neurotypiques.
Le jeu offre une plate-forme naturelle pour l’interaction et la collaboration entre pairs par le biais de règles et de points de conversation partagés. Bien que les recherches actuelles sur l’utilisation de jeux prêts à l’emploi à des fins thérapeutiques soient limitées, nous espérons que d’autres études fourniront une approche basée sur les forces pour aider les préadolescents autistes à nouer des amitiés et à acquérir des compétences sociales tout au long de leur vie
Dr Abi Thirumanickam
Le jeu vidéo est donc un outil efficace pour aider les enfants ayant un TSA à faire face à la réalité aussi bien sur le plan physique qu’intellectuel. Mais, sous ce beau panorama, il y a une nuance à faire. Une des caractéristiques de l’autisme est l’obstination. Un enfant qui adhère, ici au jeu vidéo, pourrait facilement tomber dans la consommation à outrance du médium. C’est pourquoi il est important que l’utilisation soit encadrée, mais également le vecteur d’une mise en application des compétences développées dans le monde réel. Il est nécessaire, pour une efficacité optimale, que les parents, aidants et soignants adhèrent également à cette thérapeutique.
La technologie basée sur les jeux vidéo est un outil puissant pour enseigner aux enfants autistes des compétences linguistiques et de communication, une flexibilité cognitive et des compétences sociales. De nombreuses études démontrent comment les jeux vidéo et la technologie engagent les enfants – en particulier les enfants autistes – en améliorant l’attention soutenue et la persévérance pendant le processus d’apprentissage.
Randy Kulman, PhD
D’autres études mettent en avant d’autres impacts du JV sur le TSA comme la diminution des comportement répétitifs (Anderson-Hanley et al., 2011), l’entraînement des capacités exécutives (Anderson-Hanley et al., 2011) et la réduction du stress (Carlier et al., 2019 ; Jaramillo-Alcázar et al., 2022).
Pour terminer cette partie voici trois jeux commerciaux qui ont fait leurs preuves comme aidant les personnes atypiques à développer certaines compétences (surtout les enfants).
- Portal 2 est un jeu simple mais imaginatif dans lequel un joueur utilise l’outil singulier du jeu, un pistolet à portail, pour naviguer dans des niveaux autrement infranchissables en plaçant des portails aux propriétés variables. Avec très peu de règles et peu d’instructions, le gameplay ouvert de Portal 2 nécessite un haut niveau de flexibilité cognitive.
- Minecraft est, bien sûr, incroyablement populaire auprès des enfants au développement typique et des enfants avec autisme. Ce jeu « bac à sable » (ouvert sans véritables règles ni objectifs finaux) permet aux enfants d’exercer beaucoup de contrôle sur leur environnement. En mode créatif, Minecraft offre la possibilité d’explorer un monde inconnu et d’affronter les peurs sans renoncer à la sécurité.
- New Super Mario Bros. U met l’accent sur la nécessité d’un jeu coopératif, de s’occuper d’une tâche avec ses coéquipiers et de développer un intérêt commun pour atteindre un objectif. Il exige que les joueurs comprennent la façon dont leurs actions affectent les autres joueurs et aide les enfants à pratiquer des compétences telles que la communication, la flexibilité et l’empathie.
Un des avantages de faire cela en virtuel est que l’on n’a pas besoin de matériels supplémentaires et on peut répéter autant de fois que nécessaire pour exercer ou évaluer la thérapeutique avec comme finalité de transposer dans la vie réelle. Si l’on ajoute le online, le jeu vidéo présente l’atout de pouvoir être utilisé à distance ce qui permet la prise en charge de patients éloignés voir même issus des déserts médicaux.
Il faut, toutefois, être vigilant sur l’utilisation des jeux vidéo par les enfants, elle doit être encadrée. Il est recommandé de ne pas exposer aux écrans les enfants de moins de deux ans et pas plus d’une heure par jour pour les moins de six ans (Tamana et al., 2019 ; HCSP, 2020 ; McArthur et al., 2022). Même si la dépendance réelle aux jeux vidéo est encore débattue, l’usage excessif existe bel et bien (Griffiths & Pontes, 2020).
Un autre désavantage est lié justement à cette passion (« hyperfixation ») et mon TDAH ; j’oublie parfois de m’alimenter ou de m’occuper de moi, car je suis trop absorbé par le jeu, mais n’importe quelle passion a cet effet sur moi, pas uniquement les jeux vidéo.
Jeune homme avec troubles psychiques et du neurodéveloppement.
Pour faire un résumé de ce qu’on sait aujourd’hui, les retours sont vraiment du côté du positif. Même dans une recherche de nuancer ces propos, il est difficile de trouver des résultats négatifs quand on parle de santé et de jeu vidéo. Il y a, bien évidemment, encore beaucoup d’études à mener, mais les idées reçues ne vont pas avoir la vie facile avec l’avancée de la science dans ce domaine. Pour Mathieu, il lui paraît de plus en plus incontournable d’introduire le jeu vidéo dans la thérapeutique, à la condition bien sûr de maîtriser ce que l’on fait. Cela reste un bel espoir d’avoir un outil supplémentaire dans des cas qu’il est toujours un peu compliqué d’appréhender. Je remercie Mathieu Cerbai de m’avoir consacré du temps et fourni toutes ces ressources que je vous partage à mon tour, c’est un travail colossal qui m’a permis d’avoir une vue globale sur la littérature actuelle. C’est également lui qui m’a conseillé de prendre contact avec un autre psychologue en la personne de Sébastien que l’on retrouve tout de suite.
Sébastien
Sébastien Serlet est psychologue spécialisé en neuropsychologie, il travaille principalement avec des enfants ou adolescents. Les patients qu’il reçoit ont des problèmes cognitifs et/ou psychologiques qui doivent être pris en charge. Pour éviter que les consultations soient le prolongement des journées d’école, où ce n’est pas toujours facile, Sébastien utilise les jeux pour avoir une approche plus ludique.
Habituellement, pour ce genre de thérapies, les jeux de société sont souvent proposés, ici on développe une approche à travers les jeux vidéo. Ce médium lui permet de travailler plein de fonctions cognitives sans que ce ne soit vraiment perçu comme un exercice.
En plus de la casquette “professionnel de santé”, Sébastien a également créé une start-up pour concevoir des jeux en réalité virtuelle afin de répondre à ses besoins, mais aussi à ceux de ses confrères. Cette autre fonction, alliance entre développement logiciel et connaissance psychologique, mène à des propositions adaptées aux handicaps moteur, sensoriel ou cognitif. Cette initiative a pour objectif de créer un lien entre le numérique et la réalité pour que le patient puisse répercuter ce qu’il fait en jeu dans sa vie quotidienne.
Pour lui, dans un souci de compréhension de l’outil, il faut, de base, être “un peu geek dans l’âme”. Il se souvient des LAN (jeu en réseau local) qu’il organisait avec ses amis pendant son enfance. De cette passion est née une communauté avec des discussions, des échanges de magazines au collège. Le psy d’aujourd’hui y voit le côté social du JV, ses aspects positifs pour la profession. Une preuve supplémentaire que le gaming ne crée pas que des Otaku (appellation japonaise pour des personnes qui consacrent leur vie à des loisirs tels que le jeu vidéo ou le manga). Au début de son parcours professionnel, on l’a orienté vers l’utilisation des outils numériques dans le cadre de la rééducation pour des patients atteints de troubles cognitifs. Le but étant de placer les personnes dans des simulations (des reconstitutions de pièces de la maison par exemple) et le virtuel permet de dépasser les limites imposées par le réel. Sébastien a donc naturellement cherché les mécaniques de jeu qui peuvent être utilisées dans une prise en charge.
Aujourd’hui, il constate que c’est un outil sous-coté, car, peut-être encore trop méconnu par les personnes qui ne jouent pas (assez). Sébastien a donc décidé de se lancer dans la VR, même s’il a conscience que le temps de créer la situation adéquate peut prendre du temps. Il ne voulait pas retourner à la méthode “papier/crayon” et il sent bien qu’avec les parents de ses patients, les écrans sont un sujet qui fâche. La mission est donc toute trouvée, arriver à montrer, et là apparaît le lien avec Mathieu, que le JV peut apporter beaucoup. Les gens qui jouent à des jeux vidéo développent des compétences, on l’a vu juste avant. Et c’est exactement ce que l’on recherche dans la rééducation, développer ou entraîner des capacités. Les avancées sur le plan médical sont un véritable Level-up. On retrouve également cette notion de graduation de la difficulté inhérente à la progression régulière.
Dis moi à quoi tu joues, je te dirais qui tu es.
Sébastien Serlet
Prenons un patient qui aime le football. À travers le jeu vidéo, il peut travailler l’adaptation et les réflexes avec Fifa, mais aussi la planification et l’organisation avec Football Manager. Sébastien en arrive même à un stade où il ne pourrait pas se passer du JV, car selon les jeux auxquels son patient joue, il peut commencer à dresser un portrait. Les battle royale, type Fortnite, de par leurs parties rapides que l’on enchaîne, parlent plutôt aux personnes qui ont des troubles de l’attention (y jouer ne veut pas dire qu’on a, ou qu’on va avoir un TDAH, mais souvent on retrouve ce type de jeu chez les enfants avec un TDAH), alors qu’au contraire, les enfants avec un TSA fuiront les jeux multijoueurs. Pour les parents, c’est important d’avoir un professionnel qui maîtrise les codes de leurs enfants et qui dédramatise ce rapport aux jeux décriés par des médias mal renseignés. On n’arrive pas par hasard à une “addiction” au jeu vidéo, comme le dit Sébastien, on ne sniffe pas la jaquette, il y a forcément quelque chose de sous-jacent. Un enfant victime de harcèlement prendra vite goût à jouer un personnage surpuissant capable de vaincre ceux qu’il pourrait assimiler à ses harceleurs.
Sébastien, avant de se lancer, demande toujours l’autorisation des parents. Une manette qui traîne dans le cabinet ou alors un jeu afin de laisser se créer une relation naturelle autour de ce médium. Il présente la session de jeu comme une étape dans la thérapie, l’enfant doit montrer qu’il a envie de progresser, s’engager dans sa prise en charge. Alors intervient le type de jeu utilisé, de la coopération pour travailler l’habileté sociale avec It Takes Two, la plateforme comme Crash Bandicoot pour l’attention ou alors le versus fighting pour travailler la réalisation de soi ou la frustration suivant si le thérapeute cherche la victoire ou la défaite du patient. Le debriefing est important, car cela permet à l’enfant de conscientiser la gestion de ses émotions suivant le résultat de la partie.
Le numérique est en plein essor dans les thérapies, dans des troubles comme les phobies et les addictions, il permet l’immersion et surtout la personnalisation de l’expérience. Il existe même à l’Université Paris-Descartes, un diplôme universitaire en psychologie qui permet d’apprendre les rudiments d’Unity. Le frein majeur à la multiplication des outils est bien sûr le coût de production de ces mises en situation, on le sait, concevoir un jeu demande de l’argent et donc un jeu par patient demande énormément de ressources. L’idéal serait même d’arriver à gommer les manettes, à l’aide d’un électroencéphalogramme par exemple, pour maximiser la motivation des patients.
Autre aspect important, c’est de lutter contre la sensation de décrochage par rapport à l’évolution de notre société. Aujourd’hui, tout se passe sur écran, les plus âgés qui n’ont pas suivi cette évolution rapide se sentent dépassés. On trouve assez facilement des exemples d’EHPAD qui organisent des ateliers de découverte du jeu vidéo auprès de résidents qui accrochent rapidement. Cette activité peut être une source de renfort du lien intergénérationnel qui peut réduire une perte de socialisation. Le jeu vidéo n’est pas uniquement une solution à l’ennui, il doit aussi être un moment de convivialité.
Si on revient sur les troubles, la FDA (Food and Drug Administration), entité qui gère les autorisations des produits de santé sur les territoire états-uniens, a donné son accord pour considérer un jeu vidéo comme véritable outil thérapeutique dans le TDAH. EndeavorRx, le jeu en question, est délivré sur ordonnance avec une posologie dans une indication précise et “soigne” des patients. Des projets semblables sont en train d’arriver en France.
Sébastien est ravi de constater, par son expérience professionnelle, que le jeu vidéo, qu’il apprécie tant, a le potentiel de faire progresser des patients. Arriver à aider une personne ,tout en ayant une forte adhésion à la thérapie, dûe au côté ludique est l’objectif de nombreux professionnels de santé. Il va même plus loin en tentant d’inclure les parents pour les aider à préparer leurs enfants à la découverte du jeu vidéo et des écrans.
Le travail en psychologie avec le jeu vidéo ne fait que commencer et Sébastien compte bien mettre sa pierre à l’édifice. Il forme de futurs praticiens et partage sa passion avec plaisir. Je le remercie de participer à ce papier. Avec Mathieu, nous avons deux acteurs majeurs de la démocratisation du jeu vidéo dans certains parcours de soins.
La société évolue constamment et c’est également le cas du JV. Il y a vingt ans, le geek de la cour de récré ne parlait pas ouvertement de ses jeux vidéo, car ce n’était pas populaire. Aujourd’hui, c’est le virage à 180°, l’élève qui ne joue pas peut avoir du mal à s’intégrer dans certains groupes. Afin d’être le plus efficace possible, il est important que le monde médical suive le mouvement surtout quand on voit les bienfaits que ce médium peut apporter avec peu d’effets néfastes. Pour ceux que ça intéresse, le site therapieetjeuvideo.fr propose un annuaire des psychologues qui utilisent le jeu vidéo. Il est temps pour nous d’approcher un penchant un peu plus matériel du sujet.
L’accès aux jeux pour tous
Dans cette seconde partie, nous allons délaisser le monde du médical pour celui de l’accessibilité. Nous pouvons la séparer en deux, le jeu et les périphériques. J’entends par là que l’accessibilité ne résume pas seulement à un menu supplémentaire, même si l’avancée des studios est la bienvenue. Nous allons échanger avec Valentin Squirelo et David Combarieux, deux personnes valides qui tentent de proposer des solutions d’accessoires à ceux qui en ont besoin. Mais le cœur de cette partie est la rencontre avec Alex, Gyzmo, Rayann, Tony, Amelitha et Fred, tous en situation de handicap, pour comprendre que le JV peut aider et être aider ces personnes que l’on imagine pas être des acteurs majeurs de cette adaptation, ô combien, indispensable, alors qu’ils sont les premiers concernés. En avant pour ce second chapitre !
Valentin
Valentin Squirelo développe un logiciel nommé Playability. En réalité, ils sont deux à bosser sur le projet. L’idée de base était de proposer une solution aux personnes ayant une mobilité réduite, voire même uniquement une mobilité faciale. Le projet avançant, le scope s’est élargi avec l’idée de proposer des contrôles alternatifs au grand public, un peu dans l’idée des innovations à la Nintendo. Il est plutôt sceptique aux propositions d’investissement car il a peur que le côté accessibilité pour les personnes handicapés soit abandonné au profit de l’aspect familial. Cependant, cette vision lui a donné envie de toucher le plus large public possible, replacer les JV basés sur le mouvement au cœur des usages. Certains studios font des efforts comme Sony avec God of War (le paramétrage des actions contextuelles) ou Nintendo avec Mario Kart. Même plus simplement avec les polices adaptées ou les filtres pour le daltonisme. Ce sont des petites modifications qui offrent une accessibilité facile à mettre en place, mais insuffisante dans la plupart des cas.
Commençons par le début. Valentin est le genre de personnes qui multiplie les casquettes. Il a exercé plein de métiers : entrepreneur, développeur, ingénieur, mais il a toujours été lié au JV. Il a même été représentant commercial pour Nintendo. Cela fait 10 ans qu’il est inventeur. Dans son studio, les projets ont fleuri, il les présente sur Youtube ou Twitch. Son job est donc d’inventer d’autres façons de jouer. Il a une forte affinité avec les technologies émergentes, beaucoup d’électronique et de l’algorithme de reconnaissance. En parallèle, il bricole pour des potes, notamment l’un d’entre eux qui est handicapé. Il faut savoir que 95% des besoins d’adaptation ne sont pas satisfaits par le marché, il y a toujours besoin de modifier l’accessoire avec une impression 3D, du velcro ou autre custom. Valentin a donc un savoir-faire qui est une véritable plus value dans le monde de l’accessibilité.
[…]entre quelqu’un qui était capable de prototyper n’importe quoi pour vendre du Red Bull ou des jeux vidéo, en fait, ce sont les même skills quand tu as quelqu’un qui passe et que tu te dis que si tu fabriques ce truc en une demi-heure, ça change sa façon d’interagir.
Valentin commence vite à se faire une réputation auprès des personnes qui ont besoin de ses services. Un des projets qui le met vraiment en lumière est une prothèse Nerf qui permet à un de ses amis, à qui il manque la main droite, de jouer, tout simplement (un peu à la manière de Megaman). La prothèse a fini par être exposée pendant 1 an et demi dans un musée à Chicago.
Valentin se consacre au divertissement comme le montre ce projet. Il a un côté très humain, pour preuve ses inventions sont open-source. Il a même aidé une femme de l’Arkansas (USA) à trouver quelqu’un qui puisse fabriquer la fameuse prothèse pour son petit-fils.
À partir de là, il stoppe l’entreprenariat et se lance dans la création de contenu orienté sur l’accessibilité et le jeu vidéo. Une des premières problématiques qu’il aborde, est comment transformer un joystick de fauteuil roulant en contrôleur de JV. C’est évidemment un challenge réussi, mais c’est aussi le moment de l’épiphanie qui donne naissance à Playability, son Software qui permet de contrôler un jeu grâce à la reconnaissance faciale. Le challenge n’étant pas suffisant, il décide 5 semaines avant l’événement de gagner le concours Lépine et d’en faire une vidéo et donc autant de temps pour faire son prototype de A à Z. Je vous laisse suivre le processus dans la vidéo ci-dessous.
Ce fut une véritable révélation pour Valentin, la réalisation que c’est ça qu’il veut faire de ses compétences. Le petit projet open-source devient un outil qu’il veut pousser au maximum pour le rendre utilisable par le plus grand nombre et donc pour y consacrer du temps, pas de miracle, il faut de l’argent. Le créateur de contenu reprend donc la casquette de l’entrepreneur pour trouver des investisseurs capables de soutenir le projet, il ne cache pas que la tâche est ardue.
Pour le moment sur Windows et bientôt sur tous les OS, Playability est un logiciel qui permet de simuler un clavier, une souris et/ou une manette. Le principe est d’attribuer chacune des touches à une action. Cette donnée peut être issue d’un autre accessoire, d’un joystick de fauteuil ou d’un mouvement du visage capté par une webcam (50 points faciaux sont pris en compte). La sensibilité est complètement paramétrable. C’est compatible avec 100% des jeux et associable avec d’autres logiciels. La prochaine étape est d’ajouter la gestion de la commande vocale, mais pas comme avec Alexa ou Google home. Le but est vraiment d’avoir une analyse fine des sonorités, et non des mots, pour gagner en rapidité, mais aussi de permettre aux personnes qui ne peuvent pas vocaliser de pouvoir l’utiliser. Il a aussi dans l’idée de pouvoir capter les mouvements de la main pour pouvoir l’utiliser comme un joystick, je déplace ma main vers l’avant, le personnage avance ou n’importe quelle autre action.
Ce projet a démultiplié les possibilités aux yeux de Valentin, il s’est rendu compte que ce qu’il propose n’est pas une solution uniquement pour les personnes à mobilité réduite, mais ça peut aussi être utilisé par des personnes qui ne sont pas familière des contrôleurs habituels ou même juste pour déconner entre potes. Tous ceux qui l’ont connue se souviennent de l’impact de la Nintendo Wii sur l’entrée du JV dans les foyers avec plus de 100 millions d’exemplaires vendus. Cette console a touché les individus de tous âges habitués ou non à jouer. Le but est de délivrer un outil clef en main, utilisable même par une population qui n’est pas habituée aux JV (une maman qui veut permettre à son enfant de jouer). L’idéal serait que les studios jouent le jeu et créent des profils pour leurs titres sur lesquels l’utilisateur peut choisir ses inputs. Tout ça pour dire que Valentin ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et proposer plus de solutions afin de toucher le plus de personnes aussi. Et ça marche tellement bien qu’il a des retours de personnes en situation de handicap dont les proches veulent leur emprunter Playability pour jouer. C’est bien une des rares fois où un outil d’accessibilité fait envie aux valides.
Il y a cependant une grosse problématique pour des outils comme Playability. Des logiciels ou périphériques conçus pour permettre aux gens de jouer sont utilisés par d’autres pour tricher sur des jeux compétitifs. Cette utilisation incite les développeurs/éditeurs à bannir les aides avec des anti-cheat, voire des consoles elle-même, ce qui réduit le champ des possibles. L’angoisse de Valentin est donc de proposer un software qui offre le plus d’options possibles, mais pas celle de tricher et ce n’est pas une mince affaire.
Il y a deux choses à retenir de l’histoire de Valentin et de Playability. La première est que c’est souvent quand on s’y attend le moins qu’on trouve le projet qui nous donne envie d’y aller à fond, un but à atteindre. La seconde est qu’une idée qui germe pour aider une minorité peut vite prendre de l’ampleur et profiter au plus grand nombre. Vous seriez surpris du nombre de choses de votre quotidien qui viennent de ce genre de projet. De mon côté, je remercie Valentin qui a vraiment été mon point d’entrée dans le monde de l’accessibilité que je ne pensais pas si vaste et si intéressant. Il n’y a pourtant qu’un pas pour permettre aux personnes en situation de handicap, à qui l’on conseille le retrogaming (les contrôles étant plus simple), de jouer au jeu moderne. L’option du logiciel n’est pas la seule, il est possible de faire un gros travail sur le matériel et on y vient tout de suite.
David
Le jeu vidéo a encore cette connotation négative en particulier dans le monde médical. Comme on l’a vu plus haut, il y a un équilibre à trouver, mais le JV est tout de même une plus-value non-négligeable auprès des personnes qui se retrouvent confrontées à l’isolement. David Combarieu l’a constaté personnellement, son beau-fils, Théo, a perdu une grande partie de sa mobilité lors d’un accident avec notamment une paralysie au niveau des doigts. Cela implique qu’il a fallu repenser une bonne partie de son quotidien, y compris les loisirs. Comment utiliser une console de jeu quand tu as perdu la finesse de mouvement au niveau des mains ? La première solution a été un stick arcade, gros joystick, gros boutons, ça fonctionne ! Puis arrive l’envie de découvrir d’autres jeux pour lesquels on doit avoir deux sticks (un pour le déplacement, l’autre pour la caméra). Autant dire que pour pouvoir jongler avec deux sticks arcades, personne ne peut s’en vanter. Autre problème, les joysticks arcade ne captent que quatre directions alors que les jeux sont conçus avec huit, cela apporte davantage de rigidité.
Arrive donc la seconde solution, le bricolage. En cherchant un peu, David et Théo se rendent vite compte que le marché ne propose rien pour ce genre de besoin. En cherchant du côté de la communauté, ils comprennent rapidement qu’ils ne sont pas les seuls dans cette situation. Les réseaux sont pleins de personnes en recherche de solution. Ils commencent à créer des alternatives très artisanales. En parallèle, ils entrent en contact avec d’autres joueurs dans la même situation.
En quelques années, ce groupe à la recherche d’accessibilité commence à se faire connaître. En 2018, Xbox sort l’adaptive controller, une manette pensée autrement et bien plus. C’est un hub sur lequel, via des ports USB ou jack, on peut brancher tout un tas de périphériques afin de créer le contrôleur parfait, enfin presque. De son côté, David est en contact avec Hugues Ouvrard, responsable Xbox France, qui leur offre des manettes pour bricoler dessus. Au contact des joueurs, David réalise qu’il existe un autre problème, l’accessibilité des joueurs aux lieux de compétition e-sport. On verra plus tard le cas de Rayann qui a dû dormir dans son fauteuil entre deux jours de compétition. David décide de créer l’association Handigamer pour aider ses joueurs avec des transports et des hébergements adaptés à leurs besoins. C’est bien beau de jouer, mais certains ont des envies de compétition. Dans le sport numérique, pas besoin de catégories comme dans le sport physique, tous les compétiteurs sont sur un pied d’égalité. Là où il y a du travail, c’est surtout au niveau de la logistique et l’association le fait bien. C’est plutôt amateur pour le moment, mais on sent bien que dans le milieu pro, il y a une tentative d’inclure tout le monde. Il faut que les règles soient adaptées pour inclure le matériel nécessaire sans que l’on crie à la triche (une fois encore). Il reste à faire dans ce domaine, mais l’envie est là et c’est le principal.
Aujourd’hui, les joueurs handicapés gagnent en confiance et en visibilité. Certains se lancent sur Twitch ou sur Youtube pour montrer comment ils jouent (comment ils ridiculisent les valides).
En plus, David fonde Hitclic, une entreprise, cette fois. C’est une société qui se décline en plusieurs volets, toujours dans l’idée de concevoir des périphériques qui n’existent pas. Les activités principales sont l’importation de périphériques disponibles aux Etats-Unis, au Japon ou ailleurs, mais aussi à proposer des solutions sur mesure.
[…] l’industrie du jeu vidéo, quand ils proposent une manette, entre guillemets, pour les joueurs handicapés, cette manette de toute façon, elle va répondre qu’à un certain pourcentage de personnes.
Les entreprises comme celle-ci sont rares, j’en veux pour preuve que Hitclic rayonne au niveau européen. David reçoit des demandes d’Espagne, d’Allemagne, du Danemark, d’Italie… Il ne faut pas pour autant imaginer une grosse entreprise qui produit beaucoup. On est à une commande de temps en temps, mais les demandes sont tout de même de plus en plus nombreuses. Le but n’est pas de reproduire ce qui existe déjà. Si le produit est déjà disponible ailleurs, l’idée sera de le rendre disponible à moindre coût via le site de Hitclic, il en est de même pour ce qui est logiciel. David propose même de la documentation traduite quand c’est nécessaire et du service après-vente également.
Pour donner un exemple précis, le Flex controller est un périphérique sous licence Nintendo, fabriqué au Japon par Hori. David a réussi à obtenir un contrat de distribution pour la France ce qui permet d’avoir le périphérique à un prix raisonnable et sans parler le japonais.
Le catalogue conséquent du site est trié par type de périphériques, plateformes de jeu ou partie du corps.
Handigamer/Hitclic travaille aussi avec des professionnels accompagnant des joueurs qui auraient besoin de matériel. Dans la mesure où le besoin est clairement identifié par un ergothérapeute, par exemple, il est possible d’avoir un produit en essai. C’est compliqué de le faire pour tout le monde, que ce soit d’un point de vue logistique ou même des disponibilités.
David est surtout axé sur le handicap moteur du fait de sa proposition hardware, il a quand même pu constater que le jeu vidéo a des effets positifs sur des pathologies cognitives. Il se souvient d’une fois, alors qu’il animait un atelier dans un centre spécialisé, d’un patient qui n’était là que pour regarder car ses mouvements incontrôlés peuvent endommager le matériel. David décide de tenter le coup malgré tout et ce fut la surprise ! Le patient a démontré une forte concentration, des mouvements plus fins et surtout un sourire, la preuve de réussite qui est recherchée. L’aboutissement de tout ça est avant tout l’amusement, peu importe le jeu, la performance, le setup. Si le joueur prend du plaisir, les efforts mis en œuvre sont largement justifiés.
David fait aussi de l’accompagnement d’aidants, des parents par exemple. Si dans la fratrie, l’un des enfants ne peut pas jouer comme les autres, peu importe la raison, il est possible de demander des conseils aussi bien matériels, que de jeux pour permettre d’initier le futur joueur de la meilleure des manières, sans passer par la frustration de l’échec.
On note que ces dernières années les développeurs ont fait quelques efforts sur l’accessibilité directement dans les jeux. C’est inégal, mais ça a le mérite d’exister et d’ouvrir des portes. Les constructeurs, eux aussi, avancent dans ce domaine. On se rappelle l’arrivée sur le marché de la manette Access de Sony qui est une approche différente de celle de Microsoft, en gardant tout de même une standardisation pour utiliser les accessoires qui marchent déjà sur l’Adaptive Controller.
Le point négatif est le même que celui que l’on a vu avec Valentin. Les constructeurs verrouillent de plus en plus leur machine pour qu’on ne puisse pas y connecter n’importe quoi pour éviter la triche. Mais ça impacte également pas mal d’accessoires utilisés par les personnes à mobilité réduite.
David abat un travail de titan, mais il trouve toujours le temps pour apporter son aide comme il l’a fait pour cet article. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai rencontré les joueurs qui vont suivre.
Alexandre
Alexandre est handicapé de naissance, en fauteuil roulant, et de ce fait, il lui est difficile de se déplacer comme il veut. C’était d’autant plus vrai pendant son enfance, impossible d’aller jouer au foot avec ses potes. Alors qu’il était chez des amis, il découvre la GameGear, la console portable sortie en 1991. Ses parents se rendent vite compte que le jeu vidéo le stimule, l’amuse, qu’il y prend du plaisir. Ils finissent par lui acheter une Playstation (première du nom), ainsi que les suivantes. Ses amis de l’école venaient jouer avec lui le samedi et c’est comme ça que le JV est devenu une véritable passion. Alexandre avoue que ça lui a servi d’échappatoire, mais surtout à créer des liens malgré sa situation.
Cette passion a fini par dépasser le cadre des aprèm entre potes. Aujourd’hui Alex en fait des vidéos sur Youtube, en testant, en avant première, les jeux que lui fournissent les éditeurs. Le but de ces vidéos est de démocratiser les joueurs handicapés, mais aussi d’évaluer l’accessibilité des jeux.
Un jeu, aujourd’hui, c’est 80 euros. Quand tu te rends compte que le jeu n’est pas accessible, sans parler matériel, c’est autant d’argent perdu. Et donc, tu es réticent à acheter de nouveaux jeux.
Il fait du test de matériel, par exemple, Playstation France lui a envoyé leur manette access pour qu’il puisse en faire un test.
L’association CapGame, qui lui a mis le pied à l’étrier en quelque sorte, l’a mis en relation avec les premiers éditeurs. Maintenant Alex suit sa propre route en fonction des jeux qu’il souhaite tester. La première fois qu’il a eu un jeu en avance, ça a été difficile de ne pas en parler autour de lui avant la fin de l’embargo. C’est une expérience dont il a un excellent souvenir. Il est satisfait de ce qu’il a réussi à construire sur les réseaux. La reconnaissance de son travail par les professionnels de l’industrie est un véritable accomplissement. L’image du geek handicapé enfermé dans sa chambre commence à changer, notamment grâce au jeu en ligne. Il y a fait des connaissances qui sont ensuite allées voir ses vidéos. Il a le sentiment que son travail est utile.
C’est un mordu de jeux de sport automobile, au point d’en avoir fait de la compétition. Les heures de pilotage ont été tellement nombreuses qu’il a fini par en avoir marre de jouer à la manette et a recherché un volant qui pouvait lui convenir. Il a donc trouvé un accessoire adapté aux Etats-Unis, qu’il a donc fait venir. Pour donner des chiffres, le volant vaut 300€, on y ajoute 400€ de travail d’adaptation sans oublier les 100€ de douanes. Tout ça pour se rendre compte une fois en mains que ce n’est pas adapté à son handicap. C’est comme ça qu’il a connu David avec l’idée de partager son expérience. Alexandre est même devenu ambassadeur Handigamer. Il a également essayé Playability et il trouve ça bluffant pour la réactivité du logiciel.
Un exemple tout bête : pour jouer, Alexandre doit poser la manette sur une tablette intégrée à son fauteuil car il ne peut pas la tenir. Sur les manettes Playstation, les gâchettes arrière ne sont pas encastrée donc la poser appuie sur les touches L2 et R2 ce qui provoque des actions non souhaitées. Il a donc dû trouver des manettes adaptées. La Switch, par exemple, est très difficile d’accès.
Alexandre pense aussi à l’utilisation du jeu vidéo dans les protocoles de rééducation des personnes ayant subi un traumatisme physique. Il trouve qu’on en parle trop peu. Il pense également que la presse spécialisée ne s’implique pas assez dans l’accessibilité. Des tests indiquent que l’accessibilité est bonne alors qu’elle n’est pas éprouvée en profondeur, pouvant induire certains consommateurs en erreur. Heureusement qu’il y a des personnes, comme lui, qui peuvent vraiment éclairer les joueurs.
Autre point important, maintenant qu’il épluche vraiment tous les paramètres d’accessibilité, il met parfois plusieurs heures à tout essayer, jusqu’à dépasser le temps de jeu prévu par les politiques de remboursement des plateformes de distribution. Il se retrouve donc dans l’impossibilité de réclamer un remboursement pour un jeu auquel il ne pourrait pas jouer.
Pour résumer, il trouve que le jeu vidéo est vraiment de plus en plus accessible, mais pour jouer de manière optimale il faut un investissement conséquent,notamment dans le setup (le bureau entre autre). La MDPH peut aider à financer dans une certaine mesure une installation gaming, c’est une preuve que les bienfaits sont reconnus. Même s’il y a du progrès, c’est loin d’être parfait, il y a encore du travail. Mais la satisfaction de pouvoir jouer comme tout le monde, de faire des sessions avec ses potes, est un sentiment génial. Alexandre est quelqu’un de très altruiste. Les difficultés rencontrées ne sont qu’une motivation supplémentaire pour aider les autres. Il aime vraiment partager son vécu pour ouvrir les yeux à autant de monde que possible.
Merci à toi Alex de m’avoir partagé tout ça.
Jeremy
Gyzmo, aka jeremy, souffre d’une myopathie congénitale non évolutive (un manque musculaire). Sa passion est le football qu’il aurait aimé pouvoir pratiquer, mais la maladie fait que c’est impossible. Il devait donc trouver un autre hobby, comme n’importe quel enfant. Ce fut le jeu vidéo. Le média lui a permis de s’épanouir socialement et professionnellement. Son but, aujourd’hui, est de dédiaboliser le jeu vidéo, car tout est une question de modération. Être geek peut être mis en parallèle avec le fait d’être sportif, c’est une activité bénéfique, mais qui peut aussi être délétère pour soi et son entourage quand on tombe dans l’addiction avec les mêmes sensations de manque.
Gyzmo jouait d’abord en solo, car à cette époque le online n’existait pas. La difficulté de ces jeux, certains se souviendront des tortues ninja sur Nes, lui a permis d’aiguiser sa détermination et son envie de se dépasser. L’apparition du multijoueur a vraiment été une ouverture sur le monde. Très rapidement, il se fait des amis aux quatre coins du globe. Au fur et à mesure, il devient compétiteur à très haut niveau sur FIFA, il l’aura eu son foot ! Ce fut l’apprentissage de certains fondamentaux : suivre des règles, s’entraîner et affronter les meilleurs. Ce sont les prémices du E-sport. Jeremy y a trouvé sa place d’un point de vue social mais aussi dans la compétition. C’est enfin la démonstration que son handicap ne l’empêche pas d’être comme tout le monde et de viser l’élite sportive.
Le jeu en ligne est de nature inclusive, pas de barrière de race, pas de jugement sur la condition physique. Ça permet d’être en contact, d’échanger avec du monde. Ces gens qui, peut-être, n’auraient pas fait partie de sa vie s’il les avait simplement croisés dans la rue à cause des préjugés ou de la peur.
[…]j’insiste, que socialement, ça m’a vraiment permis de gagner en confiance en moi parce que j’ai pu voir que j’avais ma place dans la société, que je me suis fait un tas d’amis dont le témoin de mon mariage.
Sur le côté professionnel, l’e-sport lui a permis de développer des compétences. En autodidacte, il a appris les métiers de la communication, puis le management et enfin la production d’émissions. Il a réussi à en faire un métier de spécialiste de l’inclusion par le gaming. Jeremy anime des ateliers, des masterclass sans se restreindre au handicap, il se bat pour l’inclusion au sens large, hors de question de catégoriser les gens. L’étiquette de l’ “Handicapé qui joue au jeu vidéo” n’est pas pour lui. Son approche est de proposer l’inclusion et de ne pas l’imposer. Le but est une nouvelle expérience de jeu et de passer un bon moment pour amener les gens à se questionner et à venir chercher l’information. De son expérience, le message passe beaucoup mieux de cette manière et l’aspect éducatif est noyé dans le côté ludique. Pour lui, c’est dommage de créer des stands “handicap”, l’inclusion doit être réelle, il faut tout mélanger, surtout dans les conventions.
Son but personnel est d’arriver à se détacher de l’allocation adulte handicap, de rendre fier sa femme et ses deux enfants. Pour cela, il cumule un second travail dans le support technique, ce qui lui permet de compléter ses revenus et de se sentir homme. De part ses connaissances en communication, jeremy a voulu aider David qu’il voyait essayer de faire beaucoup tout seul. En travaillant ensemble pour Handigamer, ils sont devenus de véritables acolytes.
Des progrès sont faits en matière d’accessibilité, il faut encourager la moindre avancée, c’est important de motiver ceux qui peuvent faire la différence. La représentation est un autre problème et pas uniquement dans le jeu vidéo, mais dans la société au sens large. Le projet de jeremy est de “normaliser les différences”, il préfère qu’on le voit a travers ce qu’il a accompli et non pas pour sa condition de personne handicapée.
On revient sur l’utilisation du jeu vidéo dans le domaine de la rééducation. Les ergothérapeutes ont compris que c’est un outil formidable qui permet de sortir les patients du calvaire que peut être leur thérapie. On ajoute un côté ludique qui booste la motivation et redonne l’envie d’avancer.
Lors de sa participation au salon Handica, à Lyon, Jeremy a rencontré une maman dont le fils était un grand joueur de jeu vidéo. Pratique qu’il a dû arrêter à la suite à un accident. En toute bienveillance, Jeremy lui a présenté des solutions et s’est proposé d’échanger avec ce jeune homme pour l’aider à rejouer et, ainsi, retrouver le côté social des jeux en ligne qu’il aimait tant. Rien que ce geste, qui peut sembler anodin, représente beaucoup pour certains, la mère de famille a été submergée d’émotion face à cette nouvelle option. Il y a aussi l’anecdote d’un père qui voyait d’un mauvais œil le jeu vidéo. Quand il a vu que son fils, ne pouvant plus jouer, avait perdu son sourire, ses contacts, sa joie de vivre, il n’avait qu’une envie : trouver un moyen de faire rejouer son fils.
Jeremy est la preuve que le jeu vidéo est un outil magique qui peut faire de grandes choses pour soi, ainsi que pour les autres. Un grand merci pour sa vision qui fait chaud au cœur et son envie de faire avancer les choses de manière bienveillante.
Rayann
Rayann est tombé dans le jeu vidéo tout petit grâce à ses grands frères. Sa relation avec ce média a toujours été un peu particulière. C’était un moyen de laisser son fauteuil et de partir explorer des univers virtuels. Ce loisir a fini par se transformer en une véritable passion qui l’a conduit au e-sport. Lors d’une compétition organisée par la Salty Arena, une association lilloise, notre as du joystick a fini top 5 sur Tekken, ce qui lui a permis d’être recruté dans une équipe. Rayann a pour objectif de montrer au monde que le handicap ne fait pas la personne. Et s’il y a bien une qualité chez lui, c’est la persévérance, il ne baisse jamais les bras et c’est impératif pour un sportif.
Ma vie est une session d’Elden Ring et je veux montrer que c’est moi qui gère ce monde! Comme dans le jeu, même si c’est compliqué, il faut continuer.
Ce n’est pas pour autant qu’il délaisse le côté professionnel. Actuellement, Rayann cherche une formation qui pourrait lui permettre de rentrer dans la vie active. Comme il le dit lui-même , le sérieux d’abord, le e-sport ensuite. C’est le monde du développement qui lui fait envie. C’est un mordu d’apprentissage, tout a commencé avec du HTML/CSS et du Python. Ensuite, il a créé un jeu vidéo avec Construct 3. C’est un véritable couteau suisse. Mais c’est l’environnement iOS qui le stimule aujourd’hui. Après avoir suivi une première formation, il continue à apprendre en autodidacte. La grosse difficulté est de réussir à trouver un établissement qui accepte d’accueillir une personne en situation de handicap et qui, bien sûr, ne coûte pas un bras. Il ne perd pas espoir.
Rayann n’est pas seulement sujet à un handicap moteur, il a également quelques problèmes de compréhension, rien de grave, mais il lui faut simplement un peu plus de temps pour bien assimiler les choses. Durant son enfance, les professionnels qui aidaient ses parents décidèrent que Rayann ne pouvait pas être scolarisé, que ce soit en établissement ou même à la maison. Cette lacune supplémentaire qu’il cherche à compenser chaque jour est un obstacle supplémentaire à son projet, mais il continue toujours. Cette combativité, il la doit en partie aux personnes qui l’ont rabaissé, jugé incapable.
Depuis, il a eu sa revanche grâce au lycée Jean Moulin de Roubaix (qu’il remercie de tout cœur) où il a eu l’opportunité de passer son premier diplôme. Le plus important pour lui est d’avoir passé un mois dans un lycée et de se sentir comme n’importe quel autre élève. C’est le déclencheur de ce qui suit, ce qui lui a donné envie de se battre au quotidien. Ce n’est que le début, il a également suivi l’Apple Foundation Program où il a appris le langage Swift et l’UX design. C’est là qu’il a décidé de continuer dans cette voie.
Un jour, David lui a proposé de participer à un tournoi sur un jeu mobile de tennis. Rayann a eu un mois pour s’entraîner afin d’essayer de se qualifier. Résultat, il se retrouve à Roland Garros pour disputer la finale où il finira top 7. Il a apprécié le lieu qui est adapté ce qui n’était pas le cas de son hôtel où il dut dormir dans son fauteuil, faute de personnel aidant. En aucun cas, il ne regrette ce moment dont il garde un excellent souvenir. Il en profite pour remercier David, sans qui il n’aurait pas l’occasion de participer à ce genre d’événements.
Rayann se définit comme un loup solitaire, seul contre tous, mais très ouvert aux autres. Sa persévérance est une véritable leçon ainsi que sa capacité à prendre le bon côté des choses. C’est agréable d’échanger avec des personnes qui sont animées par leur envie de réaliser un rêve.
Tony
Comme beaucoup, Tony joue au jeu vidéo depuis tout petit. La vie avançant, sa formation de boulanger et ses entraînements de foot ont pris la place des jeux dans son quotidien. C’est alors que sa vie est chamboulée par un accident. Trois années de rééducation, un nouveau diplôme et des recherches d’emplois infructueuses commencent à faire germer l’idée de reprendre le gaming. La première étape consiste à se créer un setup répondant à ses besoins en regardant ce qui est disponible un peu partout. C’est à peu près le moment où l’Adaptive Controller de Xbox fait son apparition, il l’utilise associé à l’adaptateur Cronus. L’ajout d’autres accessoires est indispensable pour réussir à trouver la précision nécessaire pour jouer, un pavé tactile pour remplacer un joystick par exemple.
Une chose en entraînant une autre, Tony commence à s’intéresser à ce qui se passe du côté du monde associatif, notamment CapGame, fondée en 2013 qui essaie, entre autres, de sensibiliser l’industrie du jeu vidéo à l’accessibilité. Tony a donc rejoint l’équipe des testeurs de l’accessibilité des jeux que ce soit sur le plan moteur, auditif, visuel, pour ne citer que ça, afin d’établir un barème pour que les joueurs s’y retrouvent. Pour aller encore plus loin, le jeu est streamé puis un débriefing est réalisé pour mettre au clair ce qui est possible ou non. Du haut de ses deux ans d’expérience dans ce domaine, Tony trouve que l’accessibilité fait son bonhomme de chemin et il espère que les contacts que l’association a avec les développeurs aideront dans ce sens. Dans son envie de sensibiliser le public, Tony a également travaillé avec L’APF France Handicap sur une intervention de présentation des périphériques existants. D’un point de vue local, il trouve que ses solutions sont trop peu connues. Comme on l’a vu avec la plupart des témoignages, le JV apporte une aide en matière de socialisation. C’est ce qui lui permet de lancer tous ces projets associatifs.
En situation de handicap, jouer au jeu vidéo c’est surtout expérimenter et apprendre à trouver le setup parfait, mais ce qui compte avant tout c’est l’entraide et la bienveillance.
En-dehors de ce côté associatif, Tony joue aussi pour le plaisir, c’est le meilleur moyen de laisser sur le côté certains aspects du quotidien et de profiter pleinement des univers qui s’offrent à lui. Lorsque la douleur est difficilement supportable, une plongée dans un univers virtuel est une bonne échappatoire. Il ne faut tout de même pas oublier de revenir à la réalité régulièrement, c’est un conseil valable pour tout le monde. Actuellement, pour jouer de manière optimale, Tony a besoin de l’adaptive controller, de contacteurs (des boutons pour simplifier), de joysticks issus de l’impression 3D (gros sticks arcades en quelques sortes), d’un pavé tactile. Tout ça pour limiter les efforts musculaires mais aussi gagner en précision.
Ce milieu de l’accessibilité et de la sensibilisation est aussi bénéfique pour ses principaux acteurs. Cela permet de rencontrer des personnes qui peuvent avoir, et donc comprendre, les problématiques de certains gameplay et ça permet surtout de savoir que l’on n’est pas seul. Le jeu vidéo est très inclusif, du moins dans ce contexte, car le handicap ne transpire pas à travers l’écran. C’est avec Rayann que Tony a participé à un tournoi Rocket League. Côté e-sport, il a également joué à Roland Garros sur le jeu mobile Tennis Clash face aux meilleurs joueurs mondiaux. Malheureusement, il a, lui aussi, rencontré des problèmes avec l’impossibilité de trouver une infirmière pour réaliser les soins dont il a besoin. Son séjour de cinq jours a été réduit à deux malgré la cinquantaine d’appels passés dans le XVe arrondissement de Paris. C’est la huitième place qu’il aura réussi à atteindre, jolie performance, mais ce qu’il a gagné c’est un beau souvenir et de belles rencontres. Pour revenir dans le domaine des aménagements PMR, même l’accès au métro parisien est très compliqué, très peu de stations sont équipées d’ascenseurs ou de rampes ce qui rend leur utilisation difficile aussi bien pour les fauteuils roulant que pour les poussettes. Sans parler de l’incivilité des autres usagers qui rend l’expérience encore plus complexe.
Dans l’avenir, Tony voudrait continuer à sensibiliser les gens, mais aussi continuer la compétition sur Rocket League. Une chose est sûre, c’est qu’il va continuer à jouer surtout à des FPS. C’est admirable de voir comment Tony a réussi à surpasser les aléas de la vie et à se tourner vers les autres. Le JV a été le vecteur de ce sens du partage.
Amelitha
Amelitha est une joueuse des années 90 qui a découvert ce médium avec Mario Bros et Duck Hunt. Les parties se succédèrent à l’infini avec ses deux frères. La cartouche dorée de Zelda II : The adventure of Link fait partie des nombreuses choses qui l’ont marquée. Très vite, ce sont les jeux de combat qui ont attiré toute son attention. Un challenge puisque Amelitha a une paralysie du bras et de la main droite depuis la naissance.
Enfant, Amelitha est très timide. C’est son frère qu’elle envoie passer commande pour elle au Mc Do. Très vite, la tradition veut que la fratrie se cotise, à Noël par exemple, pour s’offrir jeux et console. Afin de pouvoir jouer à deux, la Super Nintendo est choisie dans son bundle Street Fighter 2. Et là, coup de cœur pour Ken ! Pourquoi Ken ? Tout simplement parce que l’attitude confiante du personnage fait écho à sa grande timidité. Peu importe le jeu, elle cherche toujours le personnage de l’insolence. Le lien est fort entre Amelitha et son personnage, elle joue toujours Ken dans Street Fighter 6. Les versus fighting ont pris une place importante dans les habitudes de jeu qu’elle a avec ses frères, chaque nouvelle console devait avoir le sien.
Puis, le temps passe, les enfants deviennent des adultes, les combats sont laissés de côté. La timidité de Amelitha ne lui donne pas l’opportunité de rencontrer d’autres joueurs. La découverte des réseaux sociaux et des streams lui donne envie de s’essayer au mode online de Street Fighter 5, pour le fun. En 2018, Chris Klippel, fondateur de Rockstarmag, organise un tour de France pour aller à la rencontre des joueurs en situation de handicap. Le passage de l’événement pas très loin de chez elle, lui a donné l’occasion de témoigner, mais aussi de réaliser que beaucoup de handicaps, autre que moteur, nécessitait des adaptations pour pouvoir jouer. Le projet, qui est un documentaire, a aussi pour but que l’ensemble des participants se retrouvent à la Paris Games Week.
Sur place, Amelitha fait la connaissance de Théo, le beau-fils de David, qui lui raconte son histoire et lui parle de son envie de monter une équipe e-sport composée de personnes en situation de handicap. Le fait que Amelitha n’ait jamais fait de compétition ne la stoppe pas et elle rejoint le projet. Ce qui lui a permis de surpasser sa timidité grâce à l’idée d’être membre d’un groupe qui veut ouvrir la voie du e-sport à des joueurs ou joueuses qui la pensent inaccessible. Et la team commence fort, car le premier tournoi est la Gamers Assembly de 2019. En plus d’être son premier tournoi, c’est aussi la découverte de plusieurs initiatives dans le monde du jeu vidéo comme Women In Games. Elle y fait la connaissance de Valhanya. Cette autre joueuse vit également son premier tournoi qu’elle finit à la seconde place sur Soul Calibur à la surprise générale. Elles sont, par la suite, devenues amies. Amelitha a fini par prendre goût à ce genre d’événement, plus pour le côté social que compétitif. Elle aime se retrouver avec des gens animés par la même passion. Au revoir timidité, tu ne manqueras pas.
C’est vrai qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais si on ne fait rien, ça ne risque pas d’avancer.
À posteriori, ce qui l’a surtout marqué lors de cet événement c’est la faible présence de femme dans le monde du e-sport. Avec son handicap, elle sait pertinemment que ce n’est pas le physique qui fait la différence, elle cherche donc à en connaître la raison. Ce qui est ressorti rapidement est l’omniprésence masculine dans l’e-sport. En effet, on a, pour la plupart, ce sentiment de sécurité quand on est en groupe dans une grande manifestation qui manque quand on est seul. Peu de femmes sont enclines à se lancer dans leur premier tournoi quand elles savent qu’elles vont être seules durant toute la compétition. Coucou syndrome de l’imposteur ! On ne va pas se voiler la face, on ajoute à tout ça la différence de traitement entre les hommes et les femmes, pas facile de se faire une place dans le milieu. Sans hésitation Amelitha, Valhanya et Liv, commentatrice renommée dans les jeux de combat, fondent Fight Forward. Ce collectif se donne pour mission d’aider les femmes, les personnes non-binaires et trans, qui le souhaitent, à se lancer dans l’e-sport. Le but n’est pas seulement la compétition mais c’est aussi de faire découvrir tout l’envers du décor, les rencontres, les moments cool. Amelitha est le parfait exemple de ce que l’e-sport peut apporter à quelqu’un. Avec le recul, le bilan est très positif, de la confiance en soi, des ami(e)s, un projet. Pas mal de choses que la petite Amelitha n’aurait jamais imaginé. Une seule chose compte, bien au-delà de la compétition, l’envie ! Elles sont là pour s’amuser, passer de bons moments et oser faire de la compétition, peu importe les résultats. Concrètement, elles proposent de l’aide pour l’inscription, des explications sur le déroulement, des conseils de logements, sans oublier de se retrouver sur place. La prochaine étape devrait être le passage sous le statut d’association pour avoir davantage de poids et aussi démarcher des partenaires ou des aides afin de créer un événement.
Comme si ça ne suffisait pas, Amelitha fait aussi partie de l’équipe de testing de Cap Game où elle fait des lives Twitch qui sont ensuite uploadés, sous-titrés, sur Youtube. Même si ce projet, lui aussi, prend de l’ampleur, elle aimerait qu’ils deviennent un groupe de consultants pour les développeurs sur l’accessibilité de leurs jeux.
Quand on fait le bilan rapide de ce qu’Amelitha m’a raconté, on part d’une petite fille très renfermée pour arriver à une femme à la tête d’un projet qui va sans doute prendre de l’ampleur. Ce qui me marque le plus, c’est qu’elle soit aujourd’hui complètement tournée vers les autres avec cette volonté de les aider à son tour. Si on n’a pas ici une preuve que le jeu vidéo peut être un vecteur bénéfique, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
Fred
Fred a le développement dans le sang. Dès 9 ans, il commence à coder sur Amstrad. En tant que joueur, ce sont les premières consoles Nintendo qui l’attirent. À côté de ça, les résultats à l’école n’étant pas ceux attendus, il est orienté sur le BTP. À cette époque, impossible d’envisager une carrière de programmeur via le parcours scolaire. Il commence donc sa vie professionnelle en tant qu’électricien en bâtiment puis en usine. Quelques années plus tard, Fred subit un accident qui lui fait perdre beaucoup de mobilité d’une main. Le circuit classique est le basculement dans les bureaux, mais Fred étant dyslexique, sans compter des soucis de mémoire, cette option n’est pas pour lui. Malheureusement, quand on ne rentre pas dans les cases, ça devient compliqué, il est donc renvoyé à la maison avec une allocation adulte handicapé.
Mais c’est mal connaître Fred, hors de question de tirer au flanc. Il faut savoir qu’une de ses filles est, elle aussi, handicapée et que le rôle de père demande beaucoup de temps. Sur son temps libre, il revient à son premier amour, la programmation. Dans un premier temps, il commence en autodidacte, puis demande une formation qualifiante à Pôle Emploi (ou France Travail, peu importe le nom). L’entrée dans ces formations passe par des tests qu’il réussit, il lui attribue un niveau bac +2, mais la formation lui est refusée car il ne parle pas anglais. Abandonner ? Jamais ! La démocratisation d’internet (oui oui, on est un peu loin dans le passé) lui permet de trouver de quoi apprendre Unity et Unreal. Rapidement, il crée DF Games Studio afin d’essayer de s’en sortir tout seul.
Les premières productions qui sortent de son studio sont destinées à des psychologues, notamment dans la prise en charge des phobies, mais aussi des jeux Android. Aujourd’hui, avec son projet Survival Bunker, ce sont les jeux PC qui le mettent à l’épreuve. Il le dit lui-même, ce projet est le jeu d’une vie. En parallèle, il travaille sur d’autres titres dont un pour sa fille. Le but est de faire un jeu de gestion de ferme sans aucune pression. Le programme réalise les actions que le joueur ne fait pas pour laisser la place à l’amusement pur sans contrainte. À l’origine, c’est une idée qui devait répondre aux besoins de sa fille, mais après en avoir parlé sur Reddit, il s’avère qu’il intéresse pas mal de gens, on lui demande de le sortir. Certaines familles d’enfants autistes pensent que ce bac à sable sans charge mentale pourrait leur être profitable. Afin de les aider, Fred envisage donc d’étendre son projet pour le commercialiser. Advienne que pourra.
Revenons sur ces fameux jeux développés dans le cadre d’une thérapie. Ce sont des applications en réalité virtuelle qu’il conçoit avec l’aide d’un psychologue, une dizaine ont déjà vu le jour. Fred travaille aussi avec des organismes de formation, en sécurité incendie notamment. Le but est de créer une simulation immersive afin que le patient ou le formé puisse apprendre à réagir dans des situations données. Cependant, le calcul de l’allocation adulte handicapé ne lui permet pas de vraiment développer son activité. Vendre une application peut rapporter deux à trois mille euros en une fois, mais ce n’est pas un revenu régulier. Il s’est déjà retrouvé avec l’aide suspendue sur une année sans avoir de rentrées d’argent régulières donc plusieurs mois sans revenus.
Je ne suis pas friand des jeux qui copient la réalité. Les gens doivent pouvoir se plonger dans un monde qui les fait rêver.
Le jeu vidéo a été très présent après son accident. La procédure de reconnaissance de son handicap a mis Fred face à la dure réalité de ce monde. Le cumul de tout ça a été compliqué, il est tombé en dépression. L’isolement social s’est rapidement installé et le JV, le multijoueur, a permis de contrecarrer ce qui semblait inévitable. Sa condition de personne en situation de handicap ne transparaît pas au travers de ses parties en ligne. En plus du lien social, le JV lui a permis d’accepter son handicap, de comprendre que même s’il ne retrouvera pas ces capacités d’antan, il est possible de faire beaucoup de choses.
De par ce vécu, Fred déplore que les hôpitaux, le monde médical au sens large, n’aient pas encore saisi les opportunités qu’offre le jeu vidéo. Il pense surtout à l’utilisation de la VR pour aider à la relaxation, en particulier pour les enfants. Il a bien essayé de proposer son savoir-faire aussi bien dans des établissements de santé ou dans le domaine de la sécurité, en écrivant directement au député, mais aucune réponse, même négative, n’a été reçue.
On ne va pas laisser Fred partir sans nous parler un peu de son jeu quand même. Survival Bunker est le jeu le plus poussé qu’il puisse faire en tant que solo dev. C’est un jeu de survie post-apo dans lequel il va falloir gérer un bunker. Ce qui lui a donné cette idée, c’est son expérience de Fallout 3. Pour rappel, on commence le jeu avec notre personnage enfant et, pendant l’introduction, on le voit grandir puis sortir de l’abri, un bunker. Fred a ressenti un fort stress quand il a réalisé qu’il ne pourrait pas retourner dans la structure souterraine une fois sorti. Il s’est alors promis, s’il le pouvait, de faire un jeu dans lequel on peut retourner dans le bunker. C’est une alliance d’exploration, de gestion, de RPG, de management, un gros projet en soi. Je vous mets le lien dans les sources. Pour la musique, il a contacté le compositeur de bande originale de Tomb Raider qui a accepté de travailler pour Survival Bunker.
Comme on a pu le voir, Fred est un battant. Il fait partie de ceux qui se relèvent chaque fois que la vie les fait trébucher. Cette force, il l’infuse dans le jeu vidéo pour essayer de la transmettre à ceux qui en ont besoin, sa fille, des patients, tous ceux qui en voudront. C’est une preuve supplémentaire de ce que l’on peut faire avec des lignes de codes qui dépassent de loin les limites d’un écran.
Le mot de la fin
Je pense que l’on a déjà un beau panorama du jeu vidéo dépassant le divertissement. Nous avons rencontré des professionnels, des passionnés, des joueurs. Aussi bien en compléments d’une thérapie ou à la recherche de sociabilité, on a vu que le JV a de nombreux avantages loin des idées reçues. J’espère avoir réussi à vous donner de la matière pour comprendre que l’on est loin d’avoir découvert tout le potentiel de ce médium. Même moi qui ait eu envie d’écrire ces lignes, je suis surpris de ce que j’ai trouvé et de la bienveillance de toutes les personnes que j’ai rencontrées. Beaucoup de choses passent par le bouche à oreille. Je ne vous demande pas forcément de partager ce papier, mais vous trouverez ci-dessous tout un tas de liens qui m’ont servi de sources, mais aussi les contacts de tous les intervenants, n’hésitez pas à explorer tout ça, à suivre ces personnes. Si vous avez appris des choses, parlez-en autour de vous, ça pourra toujours servir à quelqu’un. Je termine en remerciant Mathieu, Sebastien, Valentin, David, Alexandre, Jeremy, Rayann, Tony, Amelitha et Fred qui font beaucoup pour le jeu vidéo. C’est ce genre de personne qui fait avancer les choses, continuez, nous avons besoin de vous !
Sources
https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2020-10-page-713.htm
Autistic children could be the real winners from online games (medicalxpress.com)
Making Popular Video Games Good for Kids Affected by Autism – Autism Parenting Magazine
Creative mode: Can playing Minecraft help autistic kids build social skills? (cosmosmagazine.com)
The benefits of playing video games – PubMed (nih.gov)
Serious Games for the Treatment of Children with ADHD: The BRAVO Project
Santé mentale : 11 troubles mentaux traités dans les jeux vidéo – jeuxvideo.com
DU Réalité virtuelle et domaines de la psychologie
https://therapieetjeuvideo.fr/annuaire-psychologue-jeux-video
https://www.xbox.com/fr-FR/accessories/controllers/xbox-adaptive-controller
https://ifac-addictions.chu-nantes.fr/les-dependances-sportives-1
http://www.handica.com/handica_lyon/lyon/fr/265-handica_lyon.html
https://twitter.com/salty_arena?lang=fr
https://www.apf-francehandicap.org
https://fr.wikipedia.org/wiki/Accessibilit%C3%A9_du_m%C3%A9tro_de_Paris
https://informations.handicap.fr/a-gamers-tour-france-handicap-12135.php
https://blog.playstation.com/2020/06/09/the-last-of-us-part-ii-accessibility-features-detailed
Contacts
Mathieu :
https://www.raptorneuropsy.com
https://www.mathieucerbai-neuropsy.com
Sébastien :
https://www.youtube.com/@sebastienrehal-it840
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Valentin :
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David :
https://twitter.com/davidcombarieu
Alex :
https://twitter.com/Alex_Sim92
https://www.youtube.com/c/AlexandreTHEGAMER
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Gyzmo :
Rayann :
https://twitter.com/N_O_R_A_K_I
Tony :
https://twitter.com/PilarskiTony
Amelitha :
https://twitter.com/amelitha_JG
https://twitter.com/FightForward_
Fred :