Cachez moi cet artiste que je ne saurais voir
De nombreuses semaines se sont écoulées depuis que le titre de jeu de l’année a été décerné. J’ai ruminé pas mal de pensées sur l’état de l’industrie et, je dois le reconnaître, j’ai failli ne pas en parler davantage que par le biais de quelques tweets râleurs. Les nombreux licenciements de ce début d’année 2024 m’ont conforté dans l’idée d’apporter ma pierre à l’édifice qu’essayent de construire tous ceux qui rêvent d’un monde où les artistes derrière nos jeux seraient traités avec plus d’égard. Nous allons donc remonter le temps et revenir au début du mois de décembre. Les fêtes de fin d’année approchent, et nous plongeons à pleins-pieds dans cette douce période qui sent les victuailles, les présents et les retrouvailles avec les êtres aimés. La joie flotte dans l’air, non sans une certaine légèreté. Il semble donc logique que la cérémonie des Video Game Awards se déroule dès l’entame de ce beau mois de décembre. Après tout, il n’y a pas de meilleur moment pour célébrer les jeux vidéo qu’au milieu de toutes ces guirlandes multicolores et autres décorations exubérantes. Geoff Keighley est l’initiateur de cette grande messe vidéoludique depuis 2014. L’objectif a toujours été clair, offrir aux joueurs le pendant de la cérémonie des Oscars. Une telle volonté était somme toute logique, eu égard au fait que notre médium était déjà l’une des industries culturelles les plus rentables au monde.
L’idée de mettre en avant les artistes qui font ces jeux qui nous passionnent tant est louable sur le papier. S’il est commun de connaître les petites mains qui travaillent sur des films, tels les directeurs de la photographie ou les monteurs, il est plus rare d’identifier des personnalités propres au jeu vidéo, sauf exceptions de quelques responsables de développement à l’aura quasi-mystique. Le problème est que cette promesse ne se matérialise à aucun moment sur scène. Le spectacle proposé par l’homme associé au scandale du Doritos’s Gate est plus un panneau publicitaire boursouflé qu’une cérémonie digne de ce nom. Si cette observation ne date pas d’hier, il convient de constater que la soirée du 7 décembre 2023 a provoqué des réactions bien plus vives qu’à l’accoutumée. Entre manque de respect aux artistes, absence de considération quant aux licenciements de masse qui frappent l’industrie et consumérisme exacerbé, il semble de plus en plus clair que cette cérémonie rutilante ne sera jamais à la hauteur des enjeux. Nous méritons mieux et nous exigeons mieux que ce spectacle grand-guignolesque. Revenons sur cet événement plus soucieux de plaire au monde extérieur que de célébrer son art afin de s’interroger sur la route qu’il convient de prendre.
Geoff Keighley au pays des merveilles
Nous sommes le jeudi 7 décembre 2023 au Peacock Theater de Los Angeles. Une petite foule en effervescence fait route vers la prestigieuse scène californienne. C’est la perspective d’une belle soirée pour célébrer notre merveilleux art. Les quelques chanceux développeurs qui ont été invités sont apprêtés des plus beaux costumes et des plus belles robes. Après tout, il faut bien qu’ils aient l’air chics aux côtés des éditeurs, des agents publicitaires, et des stars d’Hollywood qui ont gentiment accepté de faire profiter la soirée de leur aura. Les bouteilles de Champagne sont prêtes pour couler à flots, les petits fours sont bien alignés, sous les yeux avides des quelques journalistes et autres influenceurs logés en bout de table. Mais trêve de mots moqueurs et de petites phrases se voulant bien pensées. Cette cérémonie va être l’occasion de donner la parole à ceux qui travaillent sans compter leurs heures pour que nous puissions arpenter ces mondes enchanteurs. Si l’année a été riche en excellents jeux, elle a été également marquée par de nombreux licenciements et fermetures de studios.
On me dit dans l’oreillette d’arrêter de divaguer, car il s’avère que pas un mot n’a été adressé pour ne serait-ce qu’effleurer les problématiques qui ont affecté notre secteur culturel. Rien ne doit entacher la fête de monsieur Keighley. « The show must go on » comme disait ce bon vieux Freddy Mercury. Tous ceux qui ont regardé ce grand cirque commercial ont pu être frappés par la dichotomie entre ce qui s’est passé sur scène et la réalité du monde extérieur. Comme un symbole, de nombreux développeurs, ainsi que des acteurs, ont manifesté devant les Game Awards, appelant le secteur à se syndiquer. Cette manifestation intervient comme une réponse après une année marquée par des licenciements massifs et la crainte de voir les IA génératrices remplacer de nombreux emplois. Cette peur naissante est plus que compréhensible quand on se remémore les propos de Tim Stuart, le responsable financier de Xbox, au début du mois de décembre. Ce dernier voit en cette technologie l’avènement de développements simplifiés et moins coûteux. Comprenez par là que le bonhomme anticipe déjà de futurs licenciements dans l’optique d’augmenter encore plus les bénéfices d’une industrie qui n’a jamais autant dégagé d’argent que ces dernières années.
Le syndicat d’acteurs SAG-AFTRA s’est associé aux Game Workers of SoCal pour organiser ce rassemblement. Des tracts ont été distribués afin d’expliquer les problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés dans l’industrie. D’autres volontaires se sont greffés afin de faire grossir le piquet de grève pour servir de comité d’accueil aux participants qui entraient un à un dans cette belle tour d’ivoire. Confortablement assis au chaud, les nombreux invités se sont retrouvés dans une bulle coupée de tout pendant un peu plus de trois heures. Geoff Keighley a loupé l’occasion de véritablement rendre honneur aux artistes qu’il prétend aimer et vouloir mettre en avant. Il n’est évidemment pas question de transformer les Game Awards en une tribune politique qui servirait à développer de longs pamphlets sur le moindre sujet social. Il est néanmoins triste et inacceptable de ne pas entendre l’ombre d’une syllabe pour mettre en avant ce qui doit changer dans la façon dont ceux qui tiennent les cordons de la bourse jouent avec la vie et les conditions de travail au sein des studios.
Pendant que nous avons tous été occupés à déguster d’excellents titres à n’en plus finir, 2023 est en vérité l’une des pires années de l’histoire du jeu vidéo en termes de droits du travail et de protection des travailleurs au sein des entreprises. On estime que près de 9000 personnes ont perdu leur travail dans l’industrie au cours des douze derniers mois. Nous avons pu observer la mise en place d’une feuille de route visant à réduire le plus gros des coûts de développement, à savoir le personnel. C’est en tout cas ce qu’expliquait Serkan Toto auprès de GamesIndustry en octobre. De tout cela, pas un mot n’aura été prononcé, pas la moindre forme de solidarité. Un discours appelant au respect des travailleurs et de leurs compétences, dans un monde où les créatifs sont de plus en plus menacés par les progrès technologiques récents, aurait pourtant amené une forme de grandeur morale et de respectabilité à la cérémonie. Si nous nous penchons du côté du cinéma, il n’est pas rare de voir des artistes prendre la parole sur ce genre de sujets lors de la remise des trophées. Bien évidemment, tout n’est pas toujours parfait ou fait avec bon goût, mais des thématiques comme le féminisme, le financement public ou la représentativité ne sont jamais mises sous le tapis. Malheureusement, nous avons bien compris que donner la parole aux développeurs n’est en aucun cas la priorité de Keighley.
Fais vite, on doit envoyer la coupure pub.
Il est dur de savoir si l’organisateur de l’événement se rend compte de la mauvaise blague qu’est devenue sa cérémonie. Dans les faits, il n’y a même plus vraiment de célébration. Comme mentionné plus haut, l’industrie et ses problématiques sont passées sous silence, mais c’est également le cas des jeux et des équipes qui ont la chance d’être nommés parmi les potentiels lauréats de ces titres si convoités. Pour la forme, on les laisse s’exprimer quelques secondes entre deux trailers ou deux encarts publicitaires, mais pas trop non plus parce qu’il ne faudrait pas manquer d’honorer les partenaires commerciaux. Ces derniers sont au fond bien plus importants que les artistes responsables de ces œuvres qui permettent l’existence de cette soirée onaniste à la seule gloire de son organisateur. On leur donne trente secondes, pas une de plus. Quand le décompte sur le prompteur est dépassé, il laisse place à un élégant « Please Wrap It Up (Il faut conclure s’il vous plait)” qui était précédé d’un signal musical afin de faire comprendre à l’artiste qu’il était temps d’abréger. Tout a été fait pour tuer dans l’œuf la moindre velléité de discours. Dès qu’un créatif posait les pieds sur scène, la pression de l’organisation pour qu’il parte aussi vite qu’il était arrivé était particulièrement palpable. L’ordre de la soirée était clair : nous avons un agenda marketing à tenir.
Geoff Keighley a fini par faire son mea-culpa sur Twitter en essayant d’expliquer que des efforts d’ajustement ont été faits au cours de la soirée, mais que lui et ses équipes feront mieux l’an prochain. L’effort est louable, mais est-il vraiment capable de changer sa manière de faire. Au vu de la cérémonie, rien n’est moins sûr. N’oublions pas que nous parlons d’une soirée au cours de laquelle des lauréats ont été expédiés à la chaîne sans même avoir la possibilité de monter sur scène pour soulever la récompense et adresser quelques mots au public. N’est-il pas honteux d’annoncer le vainqueur de la meilleure bande son ou du meilleur jeu indépendant avec autant d’égards que s’il s’agissait de demander à quelqu’un de déplacer son véhicule en double stationnement ? Il aurait pourtant été enrichissant de voir Masayoshi Soken nous parler brièvement de son rapport à la musique, ainsi que de la tâche olympienne que constitue le travail de composition musicale sur un Final Fantasy solo majeur. Le discours des équipes de Sabotage Studio aurait également pu apporter un peu d’émotion à la cérémonie, en particulier quand on garde en tête que Sea of Stars doit son existence à une campagne de financement via Kickstarter.
En plus de trois heures, en comptant le préshow, les équipes des Video Game Awards avaient pourtant l’occasion de vraiment honorer les lauréats, à défaut de l’ensemble de l’industrie. Malheureusement, les vainqueurs des différentes catégories n’ont eu à se partager que 11 minutes de paroles, soit à peine 9 % du temps d’antenne. À titre de comparaison, le temps alloué aux publicités et aux différentes bandes-annonces représente presque la moitié de la cérémonie. Le reste est partagé entre Geoff Keighley, la musique et le temps donné aux célébrités. Le plus triste dans tout cela, c’est que même le vainqueur de la récompense la plus prestigieuse a été traité avec le même dédain. Il y a avait quelque chose d’affligeant dans le fait de voir Swen Vincke, fondateur de Larian Studio, être invité par le prompteur à déguerpir alors qu’il rendait hommage à ceux qui sont décédés durant le développement de Baldur’s Gate 3, en particulier à Jim Southworth, le Lead Cinematic Artist. Hideo Kojima, par contre, a eu le droit à environ 9 minutes de temps de parole avec Geoff Keighley, le tout accompagné par Jordan Peele. Si les vainqueurs sont invités à se taire, les amis du maître de cérémonie ont le droit de jouir des plus belles révérences. Aucune justification ou promesse ne pourra effacer ce profond sentiment d’irrespect.
D’aucuns pourraient également s’interroger sur le besoin de toujours inviter des stars du cinéma pour espérer gagner une forme de respectabilité aux yeux du monde entier. Soyons clair, le jeu vidéo a dépassé depuis bien longtemps le stade du petit challenger qui doit s’attirer la sympathie des plus grands. Depuis plusieurs années, le secteur vidéoludique est l’industrie culturelle la plus lucrative, loin devant la musique et le cinéma. Rien qu’en France, les rapports annuels du Sell montrent que la part de joueurs au sein de la population ne cesse de s’accroître et que le chiffre d’affaires associé se veut de plus en plus imposant. Avec tout le respect que nous leur devons, notre industrie n’a pas besoin de Timothy Chalamet, de Matthew McConaughey ou de Kermit la grenouille pour être respectable. Il est temps de grandir et de donner véritablement la parole à ceux qui font nos jeux vidéo, à eux et pas aux agents publicitaires ou aux stars de cinéma. Après tout, ces gens ne font-ils pas plus que des jeux ? La réponse est évidemment affirmative. Ils créent des œuvres qui nous aident à échapper à la réalité ou à la transcender. Ils nous façonnent des mondes dans lesquels nous prenons plaisir à nous perdre pour mieux nous découvrir. Sans eux, je ne serais pas en train d’écrire cet article, et vous ne seriez pas en train de me lire. Ils méritent tous bien mieux que seulement trente petites secondes avant d’être renvoyés au coin entre une bande-annonce et une publicité pour un nouveau paquet de Doritos. Laissons les parler, laissons les communier avec les joueurs qui ont vécu leurs aventures faites avec passion. Cela ne devrait pas aller plus loin que cela, quitte à revoir en profondeur les fondements de la cérémonie.
Du coup, on fait quoi ?
Premièrement, il convient de considérer que la cérémonie des Game Awards n’est pas une célébration de l’industrie. L’organisation de Keighley se plaît à chanter ce narratif sur tous les toits, et nul doute que ses membres doivent être persuadés de faire les choses correctement, mais, au vu du peu de temps consacré aux vainqueurs et aux créatifs, la simple suppression de ces 11 petites minutes de paroles, ainsi que le fait de rebaptiser la soirée en Winter Game Fest ne changerait absolument rien. Nous aurions toujours la même quantité de vidéos ayant pour but d’attiser notre curiosité sur les nouveautés à venir. Le maître de cérémonie, quant à lui, pourrait se focaliser uniquement sur son exercice de communication avec tous ses amis. Après des années à tirer la sonnette d’alarme, ce cru 2023 a confirmé qu’une nouvelle cérémonie américaine d’envergure devait émerger. En Europe, nous avons les BAFTA et les Pégases, mais seul un événement issu du pays de l’Oncle Sam peut espérer avoir un impact susceptible de toucher le monde entier. Associer une remise de trophées avec une conférence de type E3 est voué à l’échec. Les deux aspects ne peuvent pas cohabiter, et cela se fait malheureusement au détriment des récompenses. Rien de plus logique, une présentation flamboyante d’un jeu suscitera toujours plus d’excitation qu’un discours passionné, mais, surtout, il sera plus à même d’attirer des gens qui, de façon générale, n’ont que faire de ce type de cérémonie.
Si notre industrie veut être prise au sérieux et obtenir le même degré de respect que les autres formes d’art, nous ne pouvons plus nous contenter d’utiliser la plus grande cérémonie de remise de prix de l’année comme d’un simple événement marketing pour inciter les joueurs à sortir leur portefeuille. Étant donné qu’il serait sot de penser que les Video Game Awards vont renier leur nature, il reste donc un vide à combler. Plus haut, nous parlions des Pégases. La première chose à faire pour la création d’une cérémonie américaine d’envergure serait de créer une académie. La France peut compter sur l’Académie des Arts et Techniques du jeu vidéo pour gérer la cérémonie. Ce genre d’organisation est monnaie courante dans des secteurs tels que le cinéma ou le théâtre, pourquoi ne pas faire de même ? Cela permettrait notamment d’éviter les éternels débats sur les connivences que certaines rédactions ou influenceurs peuvent entretenir avec quelques éditeurs engagés dans certaines catégories. De plus, étant donné que ceux qui ont déjà critiqué les jeux au cours de l’année se retrouvent à devoir de nouveau juger les jeux lors du vote, il y a une quasi-absence de surprise quant à l’identité des lauréats. Après tout, les organes de presse ne vont pas aller contre leur précédent jugement. Un jury indépendant, composé d’individus provenant des différents secteurs du métier apparaît alors comme la meilleure des solutions.
Certains ont avancé l’idée que les joueurs devraient avoir un plus gros impact sur l’élection des vainqueurs des différentes catégories. Si la mise en place d’une catégorie du public ne serait pas totalement dénuée de sens, à l’image de ce que les César ont pu faire entre 2018 et 2020, il apparaît comme une évidence que donner plus d’importance aux votes des joueurs entraînerait de nombreux problèmes. Il suffit de voir les campagnes de reviews bombing sur Metacritic dès qu’un jeu aborde des sujets délicats, ou simplement parce qu’il est exclusif à l’un des trois constructeurs. La cérémonie des Steam Awards 2023 a confirmé ce genre de crainte, comme en atteste la victoire de Starfield dans la catégorie du gameplay le plus innovant. Il ne s’agit pas de faire la critique du dernier jeu de Bethesda, mais cette victoire a été suffisante pour laisser planer le doute quant au fait que les votes des joueurs auraient été organisés pour se moquer du RPG dirigé par Todd Howard.
Il conviendrait également de se débarrasser de toutes formes de trailer et de spot publicitaire parasites. Les grandes cérémonies n’ont jamais eu besoin de crouler sous les extraits vidéos pour susciter de l’intérêt. Les Oscars ont diffusé une seule et unique bande annonce au cours des dernières années et cela n’avait pas manqué de soulever des discussions quant à la pertinence de servir de relais marketing à Disney. Toutefois, cette mise en avant du Remake de La Petite Sirène avait la décence de se dérouler à un moment avancé de la diffusion, prenant ainsi la forme d’un entracte pour permettre aux participants de respirer durant cette longue soirée. Si notre industrie acceptait de suivre ce modèle, cela permettrait de donner bien plus de temps de paroles aux lauréats, mais également d’organiser des échanges passionnants entre les différentes équipes artistiques. De nombreux joueurs pourraient ainsi enrichir leur compréhension des problématiques liées à la création d’un jeu, mais surtout mettre un visage, une voix et une pensée derrière les œuvres qui les passionnent suffisamment pour avoir envie de regarder ce genre d’événements en plein milieu de la nuit.
Il est évident qu’un tel tournant attirerait moins de monde et qu’il ne faudrait pas espérer dépasser la barre des 100 millions de vues. Cela serait-il si grave ? Les Oscars, les Césars, la Mostra de Venise ou les Molières n’ont jamais attiré autant de curieux, cela ne les empêche pourtant pas d’incarner fièrement la grandeur de l’art que ces cérémonies célèbrent. Elles ont bâti leur réputation sur des discours poignants. Ces prises de paroles constituent souvent des moments emblématiques, qui finissent par inspirer les téléspectateurs ou les créatifs du monde entier. Malheureusement, il y a parfois des dérapages malheureux, comme la gifle honteuse adressée à Chris Rock de la main de Will Smith, mais la nécessité des discours n’est pourtant plus à prouver. Si nous demandions aux gens de nous citer spontanément l’une des bandes-annonces des Game Awards 2022, il y a fort à parier qu’ils auraient du mal à en citer une, alors qu’ils seront nombreux à se rappeler du long discours de Christopher Judge pour God of War Ragnarok, que ce soit pour se moquer ou parce qu’ils ont été émus par le parcours de ce lauréat qui a triomphé de sa bataille contre ses nombreux soucis de santé.
L’argent généré serait très certainement moindre, et il ne serait probablement pas possible de louer une salle aussi coûteuse que le Peacock Theater, mais cela serait l’occasion de partir en quête d’un lieu plus chargé d’histoire et de prestige, le tout à moindre coût. Il faut accepter l’idée que Geoff Keighley ne changera pas et qu’il est vain d’attendre une refonte de ce qu’il a bâti. Malgré tout ce qu’il a pu dire depuis le naufrage de ce cru 2023, sa motivation première est de faire plaisir à ceux qu’il appelle les fans, et non de faire honneur aux développeurs. Les Game Awards ne pourront jamais être le reflet de notre culture, car ils sont impersonnels et appartiennent aux éditeurs. Ce n’est que la propriété d’entreprises qui ne veulent certainement pas que les projecteurs soient braqués sur les problématiques que traversent l’industrie. Elles n’ont pour seul et unique souhait de nous garder dans une dynamique consumériste et que nous ne dépassions jamais notre statut de consommateur prisonnier d’un cycle infini d’enthousiasme adulescent. Il ne nous reste qu’à leur tourner le dos avec dédain, et de se réunir entre personnes de bonne volonté. Pour élever notre art, nous ne pouvons pas continuer à soutenir des adulescents enthousiastes et consuméristes.
Je dois bien l’admettre, suite aux vagues d’indignations à l’encontre de la cérémonie, j’ai caressé l’espoir de voir une prise de conscience globale qui permettrait enfin à l’industrie d’aller dans le bon sens. Nous sommes désormais le 8 février 2024, et après les nombreuses réactions de joueurs sur l’affaire Palworld, dont le mot d’ordre pourrait se résumer par “Rien à faire de comment le jeu a été fait tant que je m’amuse”, mais surtout avec les quelques 6000 licenciements de travailleurs dans divers studios, j’en suis venu à la conclusion que le chemin est encore long. Le problème ne provient-il pas au final de nous, les joueurs ? En continuant tous de soutenir ad vitam aeternam les éditeurs sans jamais réellement se poser de question quant au sens politique de notre acte de consommation, sommes nous dignes d’une industrie plus saine ? Dans l’absolu, les décisionnaires et autres chefs financiers ne font que répondre aux signaux que nous leur envoyons.
Sources
Articles en ligne
The Game Awards Is No Longer An Awards Show (If It Ever Was)