L’histoire vraie de The Alters
En quelques décennies, le jeu vidéo s’est très vite imposé comme un géant de l’industrie culturelle mondiale. Longtemps indissociable du Japon, c’est une industrie qui repose aujourd’hui beaucoup sur les épaules du géant américain (mais pas que, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit), grâce ou à cause de studios et éditeurs tels que Electronic Arts avec la série des FIFA, Activision Blizzard avec les Call of Duty ou Take Two Interactive, bien connu pour l’une des franchises les plus influentes du milieu, GTA. Son influence ne se limite pas seulement aux éditeurs, studios ou licences, mais bien à l’omniprésence de sa culture au travers des différentes productions qui inondent chaque année nos stores. Son immense territoire géographique lui permet d’être le terrain de jeu d’énormément de productions américaines ou étrangères. On peut citer comme exemple Death Stranding de chez Kojima Productions qui nous demande de reconnecter les États-Unis via ses paysages saisissants, ou encore Watch Dogs développé et édité par Ubisoft qui prend place dans la ville de Chicago. Mais c’est aussi le berceau de nombreux personnages bien connus du jeu vidéo, souvent façonnés selon l’idéal du héros américain popularisé au cinéma et dont Nathan Drake, de la série Uncharted, reste l’un des exemples les plus emblématiques, notamment depuis son arrivée récente sur nos grands écrans.
Et pourtant, le marché du jeu vidéo n’a jamais été aussi bouillonnant, avec l’émergence de nouveaux acteurs majeurs en Europe comme la France bien évidemment (cocorico tout ça tout ça) mais aussi un outsider en phase de devenir un incontournable de l’industrie : la Pologne. Un pays dont personne n’aurait pu soupçonner l’influence future au début des années 2000, et qui s’impose aujourd’hui comme un des acteurs majeurs de l’industrie. Un pays qui, à sa manière, résiste encore et toujours à « l’hégémonie culturelle américaine ».

De zéro en Héros
Selon un rapport de l’Agence polonaise pour le développement des entreprises (PARP), le marché du jeu vidéo polonais compte pas moins de 440 studios pour plus de 10 000 employés. Avec une explosion de 3180 % des exportations de produits gaming depuis 2013, elle se place désormais en 4ᵉ plus gros exportateur de jeux vidéo au monde d’après la PKO BP (principale banque de Pologne), avec une part non-négligeable de 6,5 % du marché (1,24 milliard d’euros), ce qui la place toujours très loin derrière les USA qui représentent 24,6 % de part de marché (4,69 milliards d’euros).
Et cette réussite, elle la doit en partie à son système éducatif très porté sur les mathématiques, comme en témoignent les résultats du classement PISA 2022 où la Pologne se place parmi les meilleurs élèves européens avec 16,5 points de plus que la moyenne en mathématiques des pays de l’OCDE. L’accompagnement des jeunes développeurs passe aussi par de nombreuses universités, portées vers le secteur du jeu vidéo ou de la technologie de façon plus générale, proposant en études supérieures plus de 60 formations diplômantes liées à la création de jeux vidéo. Cela étant dit, la forte demande des studios l’oblige à constamment chercher de nouveaux talents à l’étranger, la transformant peu à peu et malgré elle en terre d’accueil des personnes souhaitant travailler dans le milieu du jeu vidéo. L’une de ses particularités, c’est aussi l’implication de son gouvernement afin de soutenir la création, la recherche et le développement du secteur du jeu vidéo. Fondée en 2016, la Polish Games Association (PGA), en collaboration avec le ministère des Sciences polonais, a mis en place d’un fond d’investissement de 20 millions de dollars destiné aux différents studios basés dans le pays.
« Il s’agit d’un programme visant à accroître la compétitivité du secteur polonais du jeu grâce à la R&D. Nous voulons stimuler l’innovation dans les entreprises qui ont déjà de l’expérience dans cette voie, et encourager les nouvelles entreprises à se lancer dans des projets plus innovants. », a déclaré Stan Just, ex-responsable R&D chez CD Projekt Red, dans une interview avec GamesBeat.
Et puisque nous citons justement CD Projekt, il paraît impossible de parler de l’industrie du jeu vidéo sans mentionner l’ogre polonais. Avec plus de 700 employés et 100 millions de jeux vendus à travers le monde, il est aujourd’hui considéré comme l’un des studios les plus influents de ces 10 dernières années. Mais sa réussite, le studio la doit aussi à son service de distribution de jeux disponible depuis 2008 sur PC, nommé Good Old Games (GOG), qui rentre en opposition directe avec le plus grand acteur du marché du jeu vidéo dématérialisé, le géant américain “Steam”. On peut même se laisser à penser que c’est ce studio qui, suite à l’exploitation de la licence The Witcher, aurait lancé le top départ de la mise en place en 2016 de la Polish Games Association grâce au succès du 3ᵉ épisode en 2015. Cette initiative n’a pas seulement été soutenue par CD Projekt, un certain nombre de studios ont participé à sa fondation, dont le studio Techland, connu entre autres pour la série des Dying Light, dont le premier volet est sorti la même année, mais aussi et surtout, un studio qui va tout particulièrement nous intéresser ici et qui a lui aussi sorti un jeu avant que cette initiative ne soit mise en place, 11 bits studio.

Une Histoire de Contexte
Fondé en partie par d’anciens employés de CD Projekt en 2010, le studio polonais basé à Varsovie fera ses premiers faits d’armes sur Anomaly: Warzone Earth, un jeu de stratégie tower defense assez anecdotique sorti en 2011 sur PC, Xbox Live Arcade (souvenir souvenir) et iOS. Mais le premier jeu auquel nous allons réellement nous intéresser et qui va bâtir la solide réputation du studio est This War of Mine sorti en 2014. Un jeu oh combien important pour le studio, puisqu’en plus d’avoir des retours critiques dithyrambiques, celui-ci va définir l’identité du studio, tout d’abord par son game design, mais aussi et surtout par ses thématiques et la façon dont le jeu les aborde.
Le jeu nous plonge dans l’histoire du siège d’une ville fictive nommée Pogoren, qui semble être située en Europe de l’Est (en se basant sur les différents noms des lieux et des habitants). Ce siège oppose deux camps, les rebelles retranchés dans la ville, et l’armée nationale, qui tente par tous les moyens possibles de reprendre la ville des mains des rebelles. Le joueur y incarne les civils retranchés dans la ville et tentant de survivre tant bien que mal au conflit dont ils sont victimes. Et si nous évoquons le contexte dans lequel le jeu prend place, c’est tout simplement en raison des similitudes entre le conflit fictif que nous raconte This War of Mine et le siège de Sarajevo, très largement inspiré des conditions de vie difficiles et des atrocités de guerre que les civils bosniens ont enduré durant le siège de Sarajevo, le plus long siège d’une capitale depuis la Seconde Guerre mondiale (1992-1996). Comme évoqué plus tôt, ce qui nous intéresse avec ce jeuu, c’est la cohérence entre son gamedesign et l’histoire qu’il tente de nous raconter. L’histoire de réfugiés de guerre, condamnés à survivre parfois aux dépens des autres et forçant les joueurs à se confronter à des choix moraux difficiles, mais aussi parfois à la cruauté de ce monde sans pitié. Tout cela se ressent lorsque l’on pose ses mains sur le jeu. Son gameplay lent rend chaque affrontement pénible, parfois imprécis et difficile. L’infiltration, avec la gestion du bruit, rend les escapades en dehors des murs de notre abri stressantes, usantes, demandant constamment de rester sur le qui-vive, sous peine de perdre de précieuses ressources ou l’un de vos survivants.

Vous l’aurez compris, nous sommes bien loin de la dissonance ludonarrative omniprésente dans le monde du jeu vidéo, qui essaye constamment de faire passer nos héros de jeu vidéo pour des bons Samaritains, alors que l’on passe le plus clair de notre temps… à tirer sur tout ce qui bouge (coucou Uncharted). Et cette volonté de parler de sujets importants et qui tiennent à cœur au studio se ressent jusque dans leur initiative hors média, puisqu’en 2015, 11 bits studio annonce que l’intégralité des bénéfices du DLC War Child Charity sera reversée à l’association War Child qui porte assistance aux enfants présents dans des zones de conflits. En 2018, les ventes du DLC ont permis de récolter 500 000 $. En 2022, dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le studio annonce reverser l’intégralité des bénéfices engrangés par This War of Mine sur la première semaine du conflit à la Croix-Rouge ukrainienne. Ce n’est donc pas qu’un choix de gamedesign ou de narration, le studio semble s’engager à vouloir aborder des sujets qui lui tiennent à cœur, bien loin de l’idée de capitaliser sur la misère.
Dans un tout autre domaine, pourtant tout aussi important, Frostpunk évoque l’hypothèse de l’apparition de catastrophes climatiques en 1886, telles que Jacek Dukaj l’évoque dans sa nouvelle “Ice” (2007) avec l’éruption présumée de volcans créant un hiver sans fin. Cela fait tout de suite penser au volcan Tambora situé en Indonésie et cité dans le jeu et qui est bel et bien entré en éruption durant 10 jours en 1815. Considérée comme l’une des éruptions les plus violentes de tous les temps, créant des pluies de cendres volcaniques et des tsunamis, détruisant toute vie dans la péninsule de Sanggar et causant la mort d’environ 117 000 personnes dans les îles alentour. Les fines particules projetées lors de l’éruption provoqueront un hiver volcanique pendant 3 longues années. Les conséquences seront telles que l’année 1816 sera surnommée “l’année sans été” avec des températures extrêmement basses, des chutes de neige en plein été et une quasi-absence d’ensoleillement durant cette période. Comme dans la nouvelle de Jacek Dukaj, le jeu nous installe une narration très poussée au sein de son jeu, imposant des choix difficiles aux joueurs avec de vraies répercussions sur sa partie.

On comprend donc que le studio semble décidé à traiter de sujets sensibles, difficiles et actuels (comme la guerre, l’écologie…), qui font écho à des réalités qui ont bel et bien existé. Et dans The Alters, petit dernier du studio sorti le 13 juin de cette année, on ne déroge pas à la règle.
“Jan, mon frère Jan, ne vois-tu rien venir ?”
The Alters raconte l’histoire de Jan Dolski, originaire d’une petite ville de mineurs et employé de chez “Ally Corp”. Celui-ci est envoyé en mission de minage dans l’espace afin de récupérer un précieux matériau nommé rapidium, essentiel à la survie de l’humanité, tiraillé entre un conflit social et une famine grandissante. Malheureusement, tout ne va pas se passer comme prévu, puisque notre protagoniste va se retrouver seul rescapé de ce voyage, et va alors devoir utiliser une technologie lui permettant de faire appel à des versions alternatives de lui-même (les fameux “alters” qui donnent leur nom au jeu) afin de mener à bien sa mission. Loin de moi l’idée de vous divulgâcher le scénario du jeu, nous allons ici nous intéresser à tout autre chose, car au terme de la trentaine d’heures qu’il m’a fallu pour traverser une première fois le jeu, une réflexion m’est venue à l’esprit. Et si 11 bits studio voulait cette fois-ci, à travers son nouveau jeu, nous raconter non pas l’histoire de Jan luttant pour sa survie au côté de ses “alters”, mais l’histoire méconnue de son pays qu’est la Pologne, au travers de son protagoniste, ou plutôt ses protagonistes, Jan Dolski.

Même si ce n’est jamais dit explicitement et ça malgré les nombreuses informations qui nous seront divulguées tout au long du jeu sur nos protagonistes, l’une de mes hypothèses est que Jan Dolski serait originaire de Pologne (merci Sherlock) et qu’il servirait de “monsieur tout le monde polonais” afin de mettre en avant la culture et l’histoire de son pays au travers du jeu et de son histoire.
Je m’explique.
Jan est l’équivalent de John ou Jean dans la majorité des langues germaniques et slaves, tirant ses racines de l’hébreu “Yohanân” signifiant “Dieu fait grâce”. C’est un prénom à connotation religieuse et historique qui existerait depuis le début du 17ᵉ siècle. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est la popularité grandissante du prénom en Pologne, puisqu’il n’a cessé de gagner en popularité depuis le début des années 2000, étant en 2024 le troisième prénom le plus donné (comme en 2023), avec plus de 5 000 nouveaux-nés portant ce prénom d’après le site officiel du gouvernement polonais. Pour ce qui est de son nom, Dolski, c’est un nom d’origine polonaise dérivé du mot “dol” qui signifie “un trou” ou “fosse” dans la langue de Chopin. Le suffixe “-ski” est quant à lui très répandu dans les noms de famille polonais. Mais d’après l’Institut de la langue polonaise de l’Académie des sciences de Pologne, à peu près 400 personnes portent ce nom, se plaçant parmi les noms de famille les moins courants en Pologne.
Mon hypothèse quant au fait que Jan Dolski serait un nom utilisé afin d’identifier notre héros de jeu vidéo comme un exemple type du parfait Polonais ne tiendrait donc pas la route ? Avez-vous déjà entendu parler de “John Doe” ?
C’est en 1996 que le célèbre écrivain indépendant Paul Dickson explique dans son livre “What’s In A Name?” que l’usage de “John Doe” remonte au règne d’Édouard III (roi d’Angleterre au XIVᵉ siècle) et à l’“Act of Ejectment”, une procédure juridique permettant à l’époque de régler les litiges fonciers en Angleterre. Les propriétaires terriens utilisaient le nom “John Doe” comme nom fictif pour se présenter à la justice et prouver ainsi leur droit sur une terre face à des squatteurs ou locataires abusifs (les accusés étant appelés Richard Roe). Cette ruse s’appuyait sur des noms d’animaux courants au XIVᵉ siècle (doe = biche, roe = chevreuil), “John” étant le prénom le plus répandu. Désormais “John Doe”, comme “John Smith” au Royaume-Uni, ou encore son équivalent polonais le plus courant “Jan Kowalski”, sont utilisés le plus souvent afin de désigner des personnes anonymes, disparues ou que l’on peine à identifier. Il semble évident que Jan Dolski et John Doe se ressemblent aussi bien dans leur structure phonétique que dans leur fonction (nom générique désignant une personne anonyme), un prénom courant suivi d’un nom court et facilement mémorisable. Il se pourrait que le studio ait voulu éviter un nom trop cliché comme Kowalski, très souvent utilisé dans des productions américaines afin de désigner un personnage polonais, comme par exemple dans la trilogie des “Animaux fantastiques” avec le moldu polonais en la personne de… Jan Kowalski, le seul et l’unique…
Cette idée que Jan Dolski serait un anonyme “monsieur tout le monde polonais” est renforcée par l’utilisation de fonctions afin de nommer les différents alters de Jan (Jan scientifique, Jan médecin…). C’est d’autant plus intéressant une fois que l’on remarque que “John Doe” était utilisé pour nommer des personnes souhaitant s’approprier des terres, quand Jan Dolski est un Terrien parti au confins de l’espace afin de miner et… S’approprier des terres extra-planétaires. L’un des seuls outils que nous possédons pour en apprendre plus sur notre protagoniste est “l’arbre de vie”, qui nous permet d’explorer la vie passée de Jan, par différents événements importants qui ont pu le marquer, mais aussi celles de ses alters, puisque c’est au travers de ces événements que certaines versions de Jan vont bifurquer afin de tracer leur propre ligne de vie.

Jan est originaire d’une petite ville de mineurs comme il en existait des dizaines au 20ᵉ siècle en Pologne (plus d’une centaine de milliers de mineurs étaient en activité). Car oui, l’histoire de la Pologne est intimement liée aux mines, puisqu’au Moyen Âge déjà, elle était réputée pour ses mines de sel dit “d’or blanc”, tandis qu’aujourd’hui elle reste le deuxième plus gros producteur de charbon de l’Union européenne. On peut citer les mines de Wieliczka situées près de Cracovie, inscrites depuis 1978 au patrimoine mondial de l’UNESCO, avec pas moins de 300 km de galeries, ce qui en fait un lieu touristique incontournable plus de 20 ans après la fin de son exploitation en 1996.

On apprend aussi que son père était un alcoolique notoire et violent avec sa famille. Là aussi, l’histoire de Jan est intimement liée à l’histoire de son pays, puisque la Pologne est l’un des plus gros consommateurs d’alcool encore aujourd’hui, avec 12,5 L d’alcool pur par habitant chaque année, la plaçant 13ᵉ plus grosse consommatrice au monde devant la France. Cette situation serait un véritable problème sociétal puisqu’on recense en 2023 plus de 4 millions de personnes qui vivent dans un foyer composé d’au moins un membre alcoolique. Un schéma qui se répète de génération en génération, comme nous l’explique la psychologue polonaise spécialiste en addiction Joanna Flis :“Le caractère héréditaire de cette addiction constitue l’une des nombreuses conséquences de l’alcoolisme.” C’est d’ailleurs l’une des causes qui ont sûrement amené Jan et certains de ses alters à avoir un penchant pour la boisson après la mort de leur mère, recréant ainsi au sein de leur foyer une situation similaire à celle de leur enfance.
Au fur et à mesure de notre avancée dans les différents actes qui composent le jeu, nous allons être amenés à débloquer certains alters ayant chacun une ligne de vie bien à eux ainsi que des compétences liées à celles-ci permettant de se faciliter la vie. L’alter qui va tout particulièrement nous intéresser est Jan “Docteur”, mais ce n’est pas son doctorat en médecine qui va retenir notre attention, mais ses talents de cuisinier. Chaque Jan possède une série de quêtes secondaires nous offrant la possibilité d’en découvrir plus sur son histoire et sa personnalité afin d’en faire un allié sur lequel nous pourrons compter en cas de coup dur. Celles du docteur consistent à l’aider à concocter des plats typiques de leur enfance afin d’améliorer le moral des troupes, des plats remplis d’histoire, qui encore une fois, permettent au studio d’en dévoiler un peu plus sur la culture polonaise. Méconnue et pourtant extrêmement riche, la cuisine polonaise est depuis quelques années devenu une cuisine incontournable de la scène européenne (drôle de coïncidence quand on sait désormais que le marché du jeu vidéo polonais suit aussi le même schéma) avec une cuisine issue d’ingrédients simples mais remplis d’histoire, profondément ancrés dans ses origines paysannes. Les aliments cultivés devaient être peu coûteux, résistants aux longs hivers de Pologne, mais aussi faciles à cultiver et très nutritifs, comme la pomme de terre et le chou, extrêmement populaires en Pologne. C’est de cet héritage que sont nés de nombreux plats aujourd’hui considérés comme typiques, et 11 bits studio a décidé de nous en faire découvrir quelques-uns via son cuisinier attitré.
Le premier plat que nous serons amené à déguster est un incontournable, puisqu’il est considéré comme le plat national traditionnellement servi le lendemain de Noël. Même s’il n’existe pas de recette unique au Bigos en raison de son ancienneté, on peut tout de même s’accorder sur une base commune à base de choux fermentés (hérité de la pratique paysanne qui consiste à conserver les aliments pour l’hiver), de purée de tomates, de morceaux de saucisses et de porc fumé très appréciés en Pologne et peu coûteux, ainsi que de pommes de terre en accompagnement. Il était aussi traditionnellement servi dans un pain de seigle servant de récipient. C’est un plat rempli d’histoire, que l’on trouve encore à la carte de nombreux restaurants polonais, et terriblement délicieux.
Le second plat est, quant à lui, encore plus populaire, même si la plupart des gens ne connaissent pas son origine polonaise : c’est le pierogi. Souvent dénigrés en raviolis polonais, les pierogi (pieróg au singulier), d’abord introduits par des influences venues de Russie et d’Ukraine, sont dès le Moyen Âge adaptés à la cuisine polonaise afin d’en faire un plat adapté à son héritage culinaire. Très souvent cuisiné lors de fêtes au même titre que le bigos, il est la plupart du temps composé de choux, de pommes de terre et de fromage blanc, même si de nombreuses variantes existent, notamment celles à la viande et aux champignons. Encore une fois, sa pâte sans œufs et ses aliments simples comme la pomme de terre ou le chou en font un plat peu coûteux et accessible.

Comme cité précédemment, ces plats interviennent le plus souvent afin de célébrer des événements marquants, et c’est la même chose dans The Alters. L’introduction de nouveaux plats sera l’occasion pour tous les alters de se retrouver lors d’un moment convivial afin de donner lieu à des scénettes sympathiques, mais permettant surtout de faire remonter le moral des troupes dans les moments les plus critiques, autour du partage et de l’amour de la patate. Pomme de terre qui, de façon officielle, est désormais présentée comme un atout majeur pour l’exploration de l’espace, puisque depuis 2016, la NASA expérimente autour de l’idée de pouvoir cultiver des pommes de terre en milieu martien, non sans rappeler “Seul sur Mars” publié en 2011 par Andy Weir (ou le film de Ridley Scott en 2015) où un astronaute abandonné sur Mars survit grâce à la culture de pomme de terre, une sacrée “coïncidence”.
L’utilisation de plats à base de pomme de terre ne serait donc pas anodine, puisque raccord avec l’environnement dans lequel se déroule le jeu (une planète inconnue) ainsi que les contraintes liées au voyage dans l’espace. Cette possible coïncidence est d’ailleurs encore plus incroyable quand on sait que 12 petits jours séparent la sortie de The Alters du lancement de la mission spatiale internationale Axiom-4 avec à son bord Sławosz Uznański-Wiśniewski, le deuxième astronaute polonais à voyager dans l’espace et le premier à atteindre l’ISS (station spatiale internationale) avec dans ses bagages, je vous le donne en mille, des Pierogi lyophilisés.

Columbus et présentent des pierogi farcis au chou et aux champignons. Station spatiale internationale, 6 juillet 2025.
Było bardzo dobre, c’était très bon !
20 ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour que la Pologne, sous l’influence des différents acteurs du milieu et de son gouvernement, devienne un porte-étendard du jeu vidéo européen. Baignée d’influences diverses, aussi bien dans sa culture que dans son art vidéoludique, elle se place aujourd’hui à la pointe de l’industrie et ne cesse de se diversifier au fil de ses productions. Même si CD Projekt reste aujourd’hui le premier studio auquel tout le monde pense lorsque l’on évoque le jeu vidéo polonais, 11 bits studio a su tirer son épingle du jeu en proposant des expériences suffisamment différentes et novatrices pour attirer la curiosité de la presse et des joueurs du monde entier. Avec This War of Mine, Frostpunk 1 & 2 ainsi que The Alters, le studio a démontré toute la maturité dont ses équipes font preuve depuis bientôt 16 ans, traitant de sujets divers et difficiles avec une sincérité et une justesse rarement vues dans le milieu. Misant sur des propositions qui brillent par leur système de jeu mais avant tout par leur écriture, son indépendance lui permet d’imposer sa ligne éditoriale et de laisser une grande liberté créative à ses équipes, ce qui aboutit à des titres engagés politiquement, écologiquement, mais toujours pertinents.
Depuis 2014, le studio est désormais éditeur et continue d’étoffer son catalogue avec une certaine maestria, nous offrant des titres comme Children of Morta, The Invincible, la série des Moonlighter (avec un second épisode censé sortir cette année) ou encore Indika, des titres atypiques et très bien accueillis sur la scène internationale, renforçant l’idée que 11 bits studio est bien décidé à lui aussi à mettre un pied dans la cour des grands, sans pour autant renoncer à ce qui fait le charme des productions de l’Europe de l’Est. Des jeux remplies de bizarreries en tout genre (coucou Indika) et parfois rugueux, s’éloignant toujours plus des productions américaines aussi bien dans leurs ambitions que dans leur réalisation, contrairement à CD Projekt qui semble bien décidé à entretenir leur occidentalisation. C’est avec son dernier jeu que le studio nous conte une histoire plus intimiste et personnelle au travers de son héros Jan, une lettre d’amour à son pays et à sa culture que le jeu met à l’honneur, offrant aux joueurs une expérience immersive, jonglant constamment entre ses différents systèmes de jeu et sa narration omniprésente, dispersant ici et là les graines de ce qui en fait à mon sens un jeu unique en son genre, que je ne saurais que trop vous recommander. C’est un jeu qui questionne, émeut et tente de montrer aux yeux du monde entier qu’il est possible de faire en 2025 du jeu vidéo engagé, créatif, intéressant, avec un héros complexe et des systèmes de jeu variés, sans jamais oublier son objectif premier, divertir.
Sources
https://www.polygon.com/2014/9/3/6098005/this-war-of-mine-actually-feels-like-being-in-a-war
https://www.gov.pl/web/cyfryzacja/najpopularniejsze-imiona-nadawane-dzieciom-w-2024-roku
https://nazwiska.ijppan.pl/haslo/show/name/DOLSKI
https://www.gov.pl/web/cyfryzacja/najpopularniejsze-imiona-nadawane-dzieciom-w-2024-roku
https://nazwiska.ijppan.pl/haslo/show/name/DOLSKI
https://www.sciencesetavenir.fr/espace/la-nasa-veut-cultiver-des-patates-martiennes_14280
https://harrypotter.fandom.com/wiki/Jan_Kowalski
https://en.wikipedia.org/wiki/Paul_Dickson_(writer)
https://www.politologue.com/prenoms-pologne/top-annee/2019
https://polskienazwiska.pl/n/DOLSKI
https://nazwiska.ijppan.pl/haslo/show/name/DOLSKI
https://szukaj-nazwiska.pl/Dolski
https://www.geneanet.org/prenom/Jan
https://www.nomorigine.com/origine-du-nom-de-famille/dolski
https://www.pocketgamer.biz/polish-researchanddevelopment-fund/?
https://wbj.pl/poland-becomes-worlds-fourth-largest-exporter-of-games/post/124997
https://www.egdf.eu/wp-content/uploads/2020/09/PPE_PL_The-Game-Industry-of-Poland-report-2020v4.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/11_bit_studios
https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Sarajevo
https://fr.wikipedia.org/wiki/Frostpunk
https://www.destinationpologne.fr/fr/les-plats-traditionnels-polonais
https://www.courrierinternational.com/article/culture-le-jeu-video-nouvelle-specialite-polonaise
https://gic.gd/polish-game-industry
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_vid%C3%A9o_aux_%C3%89tats-Unis
