Caravan SandWitch

Emi et Adrien, créatrice et créateur de Caravan SandWitch

Ce 12 septembre 2024 sort Caravan SandWitch, premier projet du studio français Plane Toast. Dans un soucis d’accessibilité, nous vous proposons cette retranscription écrite de l’interview menée par Bénédicte et Inksushi avec Emi et Adrien qui sont à l’origine de cet intriguant et passionnant projet.

Bénédicte : Racontez-nous un petit peu comment a commencé cette aventure.

Adrien : Ça tombe bien parce qu’on a notre petite histoire qu’on raconte à chaque fois. En fait, avec Emi, on s’est connu au lycée. Dans un petit lycée de Provence.

C’est de là d’où on est à peu près originaire. En tout cas, là où nos parents ont décidé de s’installer. On a commencé notre petit duo lorsque nous nous sommes rendus compte que j’aimais bien coder. Emi codait aussi et s’intéressait beaucoup à l’aspect artistique des choses. On s’est donc dit que c’était parfait pour faire des projets ensemble. On a commencé à faire des petits travaux, des petits game jams.

On a passé des étés entiers ensemble juste à développer des trucs. On n’était pas forcément les lycéens qui passaient le plus de temps dehors à faire la fête. Mais bon, ça nous convenait très bien à l’époque.

Emi : On aurait peut-être dû faire plus la fête haha. 

À un moment, on s’est dit qu’on tenait une très bonne idée. On a décidé de faire un jeu vidéo en un été. À la fin du lycée, on s’est dit que ce serait pas mal de se lancer là-dedans. On a eu l’idée quand on se baladait dans le Verdon.

On a vu les paysages de Provence et on s’est dit que ce serait bien de faire quelque chose à partir de cela. Un truc simple, un truc qu’on pouvait faire en deux mois. On a créé un petit quelque chose où on se balade avec une caravane au cœur des super paysages de Provence. Cela devait être simple. On était persuadé d’y arriver en deux mois et que tout irait bien. Huit ans plus tard. Le jeu n’est pas encore sorti. C’est parti de là.

Inksushi :  C’était un gros projet qui vous a complètement dépassé ?

Adrien : Disons qu’il a beaucoup évolué. La première version ne ressemble pas du tout à ce qu’on est en train de faire aujourd’hui. C’est un peu parti dans tous les sens. On s’était donné un été pour faire ce jeu.

À l’époque, on était sur le moteur Unity. On avait des inspirations différentes. On avait pas mal divergé de notre idée originale. On s’est retrouvé à faire un top-down shooter avec des véhicules qui ont des mitraillettes sur le toit. On est très loin de la proposition actuelle.

Je pense qu’on a quand même passé deux ou trois ans à bidouiller sur ce projet. On s’est retrouvé à commencer nos études supérieures. On venait de finir le lycée. Emi et moi, on a eu la bonne idée d’aller en prépa et de ne plus avoir beaucoup trop de temps pour faire d’autres choses. À partir de ce moment-là, ça a été très compliqué d’avancer sur le projet. Nous étions un peu démotivés.

Je pense que, de moins en moins, on s’est retrouvé dans la proposition qu’on était en train de faire. C’est venu plus tard. D’abord, j’ai fini mes études et j’ai travaillé sur un jeu qui s’appelle Pumpkin Jack.

J’ai pris un peu d’expérience. Quand j’ai fini ce projet, j’ai contacté Emi en mode « Emi, on a ce super projet qu’on a un peu laissé dans les cartons. Ça ne nous plaît plus. Peut-être qu’il faut le reprendre à la racine. »

Emi : Il fallait me convaincre parce que je n’en pouvais plus de ce projet. Mais ça tombait bien parce qu’à ce moment-là, j’en avais marre de mes études.

J’ai quitté mon école. On a fait une année de césure pour faire ce prototype qui nous trottait dans la tête. On s’est dit qu’on allait repartir de zéro.

On a refait un prototype sur Unreal. On a mis trois mois pour y arriver. Un premier prototype qui nous a servi de base pour nous prouver à nous-mêmes qu’on arrivait à faire le truc.

Ensuite, on a fait une vertical slice en quatre mois. 

Adrien : C’est à ce moment-là qu’on s’est dit que le cœur du jeu, l’essence que nous devions retrouver, ce n’est pas tant les pistolets sur les toits, mais c’est ce côté balade chill dans le désert avec son van. On a vraiment essayé de réorienter toute l’expérience de jeu autour de cette idée.

Bénédicte : Est-ce que pour les gens qui nous écoutent, vous pouvez développer ce que c’est que la différence entre un proto et un vertical slice ? Parce que ceux qui nous écoutent ne sont pas forcément au courant. 

Emi : Le prototype, parfois, peut servir à signer avec un éditeur. Mais nous, le truc, c’est qu’on voulait d’abord nous prouver un peu à nous-mêmes qu’on arrivait à le faire. On voulait vérifier que le gameplay fonctionne, ne serait-ce qu’un petit peu. C’était une sorte de prototype de 20 à 30 minutes maximum.

Ça consistait juste à se balader et à parler à un PNJ. On pouvait utiliser notre van et s’essayer à un petit puzzle, et c’était tout. La vertical slice, c’est un peu plus abouti. C’est-à-dire que c’est censé représenter le jeu final.

Une tranche verticale, c’est un moment court, mais avec des graphismes aboutis, avec un gameplay abouti, avec quelque chose qui pourrait représenter le jeu final. C’est censé être beaucoup plus polish qu’un simple prototype. 

Adrien : Théoriquement, c’est comme imaginer que le jeu est un gros gâteau. C’est pour ça que ça s’appelle vertical slice. Tu vas couper ta part de gâteau et tu vas te dire que cette portion du jeu, donc cette heure de jeu bien défini, ça va être cette part du gâteau fini. Sauf qu’en fait, tu n’as pas encore fait le reste, et du coup, tu ne fais que la part du gâteau qui tient toute seule, qui n’a rien pour la tenir sur les côtés.

Emi : Il faut se projeter. Il faut que le gâteau ne soit pas un gâteau rond, mais un Quatre-quarts. On rajoute un petit nappage et du sucre dessus. Beaucoup de sucre, beaucoup de nappage pour faire croire que tout vas bien. 

Adrien : Sur la vertical slice, tu mets beaucoup d’effets pour faire professionnel, pour faire un jeu qui semble être un vrai jeu par rapport à un prototype.

Bénédicte : Est-ce que c’est ce qui va servir pour la démo, par exemple ?

Adrien : Si tu parles de la démo, de ce qui a pu être testé et mis sur Steam il n’y a pas longtemps, alors pas du tout. La Vertical Slice, elle a trois ans maintenant. C’est la préhistoire par rapport au projet.

C’était un moment où on affinait encore l’idée du jeu. Il y a une partie des personnages qui étaient dans la vertical slice, qui ont survécu, qui sont encore là. Mais ce n’était pas le même style graphique, ce n’était pas la même histoire, ce n’était pas exactement le même gameplay.

La carte est complètement différente. Aujourd’hui, ça ressemble au jeu dans une autre dimension, si on compare avec ce qu’on avait. C’était une base qui nous a permis de faire de la com sur Twitter, pour essayer de montrer qu’on était capable d’intéresser du public, et donc de trouver un éditeur en disant « Regardez, il y a des gens qui s’intéressent à notre jeu, vous devriez peut-être nous éditer.» C’était un peu le pari. 

Emi : C’était le plan, et ça a marché. Le but, c’était vraiment d’arriver à faire comprendre à quelqu’un que deux gosses de 22-23 ans pouvaient faire un jeu complet.

Ink : Pour revenir un peu sur la vertical slice et la démo, je pense que ta vertical slice, c’est que tu mets vraiment tous tes noyaux de jeu pour montrer l’expérience que tu voudrais faire vivre aux joueurs, alors que sur la démo, tu es plus un peu sur du teasing. C’est un peu faire toucher du bout des doigts le jeu pour donner envie d’aller plus loin.

Emi : Ça a vraiment été abordé de manière complètement différente. La démo qui était présente sur Steam il y a quelques semaines encore est représentative du produit final. On en a pris qu’une portion pour que les gens puissent se rendre compte du gameplay final et de l’histoire finale, mais sans en dévoiler trop.

Contrairement à la vertical slice, là, il y a tout le gâteau pour tenir la tranche. Et en plus de ça, on met des paillettes au début, au milieu et à la fin, pour que la tranche de gâteau donne vraiment envie de tout manger.

Adrien : Du coup, on a été approché par Dear Villagers, qui est un éditeur localisé à Montpellier. Le contrat, on ne va pas en parler en détail, mais, globalement, ils nous ont donné les moyens, enfin le financement, pour pouvoir avoir une équipe assez importante et atteindre nos ambitions ainsi que  leurs ambitions. Parce qu’ils ont aussi eu des attentes par rapport au projet qui était peut-être un peu plus important que celles que nous on avait à la base, mais je pense que ça a matché. Ça nous a poussé à aller un petit peu plus loin. Et du coup, là, notre studio Plane Toast, qu’on avait fondé pour l’occasion, a pris rapidement en taille.

Donc, c’est un peu l’Indie Dream, comme on dit, qui commençait. Après, il faut garder en tête que ce rêve ça devient aussi beaucoup de gestion et de travail quand on se retrouve avec 14 personnes différentes à collaborer sur le projet. Ce sont des intensités différentes selon les moments. En tout, c’est un développement d’à peu près deux ans et demi, un peu plus, sur lequel on a rencontré des gens incroyables.

Tout le monde a donné de sa personne et ça a rendu le jeu assez cool dont nous sommes assez fiers aujourd’hui. La démo a clairement dépassé nos attentes en termes de succès commercial, dans le sens où beaucoup de gens en ont parlé. C’est pour ça qu’on en discute avec vous aujourd’hui.

Ink : Je pense qu’une bonne partie de l’équipe de Point & Think s’est jetée sur la démo et je pense à rager le moment où tu as cette fameuse barrière qui tombe, que tu t’élances dans le désert et que tu as ce fameux fondu noir qui te dit « Merci, c’était sympa. Rendez-vous plus tard.

Adrien : Ça, c’est génial parce qu’on a travaillé avec le directeur artistique à peu près une ou deux semaines avant la sortie de la démo. On a fait ce qu’on appelle une IRL. Des fois, on se retrouve avec toute l’équipe en vrai.

On se disait « Comment on finit la démo ? » Et là, Charles nous dit « Vas-y. Là, on les fait partir dans le désert et on met la musique, la caméra s’éloigne, et là, c’est grand noir, tout le monde est trop déçu. On joue avec leurs attentes » et du coup, j’ai vite fait prototyper ça. Et quand on a vu les playtesters, enfin les gens sur Twitch qui étaient trop dégoûtés, on se disait « Ah yes, on a réussi ça. Mission accomplie. » 

Ink : Vous parlez de votre équipe de 14 personnes au plus gros. Vous, vous occupez quel rôle dans cette équipe ?

Emi : Oui, c’est vrai qu’on a pas trop parlé de ça. Ça a un petit peu évolué. C’est sûr que c’est compliqué quand on passe d’un jeu qu’on a commencé à deux et arrivé à 14. Les responsabilités évoluent pas mal. 

Actuellement, mon titre, c’est directrice créative. Mais en gros, avec Adrien, on porte déjà tout ce qui est la gestion de la boîte et la gestion de l’équipe.

Je touche donc beaucoup à la 3D, à du game design, à du level design, à de la narration aussi. À la base, je fais surtout de la 3D. Mais en fait, maintenant, je touche à tout.

Adrien : Oui, c’est la multicasquette ultime de l’équipe. Elle est là pour remplir tous les besoins; quand on n’a pas quelqu’un pour faire.

Moi, du coup, je suis directeur technique. Parce que quand on fait un jeu vidéo, on oublie rapidement que c’est un programme informatique. Et c’est extrêmement complexe. Mon travail, c’est déjà de développer une bonne partie de la codebase.

Et ensuite, on a eu deux autres développeurs qui nous ont accompagnés. Je m’occupais de diriger cette équipe. Et derrière, je gère  aussi la communication avec tous les designers qui vont venir, par exemple, développer des quêtes dans le projet.

C’est pour ça qu’on a développé tout un système qui leur permet de faire les quêtes qu’ils souhaitent faire. C’est beaucoup de communication pour définir ce qu’ils veulent et leur donner les outils dont ils ont besoin. Sinon, mes spécialités, mes petits kinks, c’est la UI. Toutes les interfaces en jeu que vous verrez, ça a été développé par mes soins. C’est aussi le gameplay et le programming. Par exemple, les 3C.

Les 3C, c’est Character, Controller, Camera. C’est les personnages qu’on peut jouer. C’est le van et Sauges. C’est s’assurer que ça soit agréable à contrôler. Tout le monde aura son petit avis sur la conduite du van. Désolé, on ne pourra pas satisfaire tout le monde.

Sinon, mon dernier truc, c’est de travailler sur ce qu’on appelle les editor tools. C’est des outils, ou en fait on travaille dans un gros logiciel qui est le moteur de jeu. Et derrière, les gens qui travaillent sur le jeu ont besoin de sous-logiciels, on va dire, qui les aident à développer des choses qui sont très spécifiques à notre jeu. Par exemple, les quêtes. Si on veut faire des quêtes dans notre jeu, c’est beaucoup plus facile si les designers peuvent avoir un éditeur où ils peuvent écrire les dialogues, avoir un éditeur où ils peuvent gérer la façon dont sont agencées les quêtes, dont les événements vont se coordonner, etc.

Du coup, on a besoin d’outils spécifiques pour ça, et ça, c’est aussi ma partie.

Ink : Tu parlais de la conduite du van. Qu’est-ce qui est compliqué à coder dans la conduite du van ?Parce que je pense que pour pas mal de gens, ça paraît assez simple. Mais dans des jeux comme ça, un peu multi-gameplay, les gens sont souvent un peu déçus. Qu’est-ce qui fait que coder ton gameplay van est plus compliqué que de coder un gameplay personnage, par exemple ?

Emi : C’est terrible, parce que t’auras toujours quelqu’un qui va te dire que ça tourne trop vite, que c’est n’importe quoi, ou je ne sais pas quoi. Qu’est-ce que t’en sais, en fait ?

Adrien : En fait, la réponse est assez simple, dans le sens où un personnage, que ce soit à la première ou à la troisième personne, c’est une capsule qui glisse sur le terrain.

La physique est très simple à faire. Cependant, cela reste très compliqué de faire un personnage agréable à contrôler, parce que derrière, on a toute la surcouche d’animations. Il faut que tout se coordonne parfaitement. Mais là, quand on va sur un véhicule, on complexifie énormément la tâche. 

Emi : C’est aussi dû au fait que la représentation d’un personnage est normée. Les gens sont très habitués à bouger d’une certaine façon, mais les véhicules, c’est n’importe quoi.

Adrien : C’est ça. En termes de game design, on sait comment doit bouger un personnage, mais en termes de véhicules, il y a une offre tellement diversifiée qui existe que trouver son bon véhicule pour son jeu, c’est difficile, et c’est encore plus difficile de ravir les attentes de tout le monde. 

Un véhicule, en termes de code, déjà, c’est extrêmement complexe, parce que tu dois faire une espèce de simulation physique. Donc, tu as quatre roues qui ont des suspensions. Sur les suspensions, ça bouge plus ou moins. T’as la gestion de la puissance du moteur, la vitesse, etc. 

En fait, on s’en fout de tous ces paramètres, de la réalité physique du véhicule. Ce qui compte, c’est que le feeling final soit intéressant. Il faut réussir à atteindre ça pour obtenir quelque chose qui semble cohérent quand tu le joues, et surtout pas frustrant. Parce que, par exemple, on a des gens qui vont me dire que le van freine trop rapidement, alors peut-être qu’il faut un peu l’améliorer, mais si on laissait le van continuer sa course pendant dix mètres à chaque fois qu’on veut s’arrêter, les gens seraient très frustrés, beaucoup plus qu’aujourd’hui. 

Emi : Je pense que le truc qui a justement demandé le plus de réflexion, c’est les edge cases comme ça, qui sont des trucs infernales à gérer. Le véhicule qui, soudainement, quand il roule sur des cailloux un peu bizarres, va passer au travers. Vu que c’est une simulation, qui est quand même plus poussée qu’un personnage, c’est très très compliqué à déboguer et à bien faire pour avoir un bon game feel. 

Pour une infinité de raisons, je pourrais discuter sur le fait qu’un véhicule c’est compliqué, mais qu’est-ce qu’il se passe si le véhicule se retourne ? Qu’est-ce qu’il se passe si le véhicule se met à rouler sur un mur qui prend une pente suffisante pour qu’il puisse se mettre en arrière ? Enfin, il y a une quinzaine de questions.

Ink : Je pense que surtout dans votre jeu, vu que tu as un gros noyau d’exploration, tu n’as pas de ce côté où on restreint le joueur à rouler sur une route et tu dois un peu anticiper tout ce qui est inanticipable dû au terrain accidenté et compagnie. 

Adrien : Oui, on peut rouler absolument partout. D’ailleurs, je pense que j’ai passé beaucoup de temps à faire que le van ne se bloque pas. Mais si tu te bloques en jouant à notre jeu, généralement, c’est que tu l’as un peu cherché. C’est que tu t’es mis entre deux cailloux un peu bizarres. Il n’y a pas de moment où tu te bloques sans que tu le comprennes. Ça, c’est le genre de choses classiques qui nous arrivaient pendant très très longtemps. Aujourd’hui, on est sur quelque chose d’assez contrôlable.

Emi : Il y a un truc que les gens ne réalisent pas, c’est aussi à quel point le gameplay est lié à l’environnement.

Il faut développer le van et toute la physique, toute la simulation. En gros, il faut aussi arriver à faire en sorte que ce soit agréable à contrôler dans le monde du jeu.

On ne se rend pas compte de tout l’effort qui est fait pour donner l’information au joueur qu’il peut circuler r en van à tel endroit et pas à un autre endroit. Le but étant que tu ne te mettes pas à prendre des pentes n’importe comment et que tu te retrouves frustré. Le van, finalement, c’est un système qui est dépendant, qui inclut une partie du level art et du level design qui est fait à l’extérieur.

C’est-à-dire que vous ne verrez pas dans le jeu des pentes de terrain qui sont à 50 degrés. Parce que ça, on l’a interdit. Pour tout le level design on a fait super gaffe à ce qu’il n’y ait pas des pentes qu’on a l’impression de pouvoir monter et qu’on ne va finalement pas réussir à monter.

Il y a plein d’aspect comme ça qui font que le van, c’est plus que juste le truc que tu bouges.

Bénédicte : Du coup, tu parlais de l’univers. Alors si on peut revenir sur l’univers du jeu, on a l’impression que ça prend place dans un décor post-apocalyptique. Mais il se dégage quand même un côté des images, de la démo, un côté optimiste et bienveillant. Comment avez-vous fait le choix justement de cet univers, de ce décor, de ce contexte ?

Adrien : Il y a tellement de jeux, tellement d’univers qui existent, qui sont justement un peu difficiles, un peu violents, très dystopiques, qu’on pense qu’on a aussi un rôle, quand on fait une production comme ça, qui va être jouée potentiellement par pas mal de gens. On influence l’inconscient fantaisiste qui est dans la tête des gens. Et du coup, c’est important de donner une image qu’on estime positive, afin de contrebalancer un petit peu et de montrer que le monde peut être sympa, que les gens ne veulent pas tous s’entretuer. On voulait vraiment avoir des personnages bienveillants. Même s’il y a des antagonistes dans Caravan SandWitch, on ne les voit pas forcément, il y a ce qu’on appelle le Consortium, qui est cette espèce de méga-corporation un peu clichée, qui contrôle tout l’espace, et qui a beaucoup d’argent.

Finalement, les gens qui sont là, sur cette planète, essayent de faire du mieux qu’ils peuvent, de s’entraider. Et c’est plutôt ces valeurs-là qu’on voulait raconter, parce que des valeurs plus violentes et gores, c’est vraiment pas difficile à trouver. On voulait vraiment offrir une diversité culturelle.

Emi : On voulait aussi faire un truc où l’on voit les gens qui s’entraident. Je pense que l’essentiel de pourquoi est-ce qu’on a fait ça, c’est justement par opposition un peu au cyberpunk, qui est très très présent dans le jeu vidéo de ces dernières années. Même encore aujourd’hui, on le voit dans beaucoup de trailers qu’on voit passer en ce moment, il y a beaucoup de sci-fi shooters. L’idée c’est de proposer d’autres mythes pour imaginer des futurs plus optimistes pour l’humanité.

Même si, au final, les objectifs, les valeurs transmises à travers cet univers sont un peu similaires aux mondes cyberpunk qu’on peut voir, c’est-à-dire que le capitalisme c’est pas bien. C’est quelque chose qui est montré à travers tout le jeu, que globalement les capitalistes ont attaqué toute la nature, tous les humains, et ont tout exploité jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus rien exploiter. L’idée ici, c’est de montrer quand même, en gros, qu’il y a des propositions pour un avenir meilleur.

C’est quelque chose qui nous est venu aussi beaucoup de notre fréquentation de milieux alternatifs et de ZAD, en fait, qui nous montrent qu’on peut faire beaucoup avec juste le fait de créer des communautés et de s’entraider. Le but, c’est de conscientiser un peu ce côté post-apocalyptique. Mais aller au-delà de juste « mince, le capitalisme nous mène à notre perte”. Le but c’est de montrer qu’on peut créer d’autres choses en parallèle ou après le capitalisme.

En fait, ça fait partie de ce qu’il y a là, un petit village, des gens qui s’entraident, sans oublier toutes les problématiques qu’il y a avec. C’est-à-dire que le petit village, actuellement, est encore dépendant de pas mal de grandes villes spatiales. Donc, on essaie de mettre un petit peu de tout ça.

Bénédicte : On parle beaucoup de solarpunk, de hop-punk, etc. Je crois que dans votre cas, il y a un terme qui a émergé notamment sur les réseaux sociaux, c’est le terme de provence-punk.

Emi : Je ne sais pas ce qu’on peut en dire haha. 

Adrien : Il faut faire attention au terme provence-punk, parce qu’il y a des choses dans la Provence qui sont intéressantes aussi. 

Emi : Ouais, en fait, j’ai une drôle de relation avec ce terme. C’est-à-dire qu’effectivement, je trouve que c’est assez rigolo. Mais pour être quelqu’un qui a vécu toute son adolescence en Provence, je dois dire que je ne suis pas particulièrement fan de la Provence, finalement. Retournement de situation haha, ce n’est pas forcément le cas de tout le monde. 

En fait, déjà, pour moi, la Provence, c’est aussi une sorte de version idéalisée de la vie. C’est-à-dire que, admettons, les gens, par exemple, quand ils vont vouloir, peut-être, acheter une maison provençale, ils vont s’imaginer des trucs avec des toits en tuiles rouges, un petit jardin, une cigale, etc. Ils s’imaginent cette espèce de vie idéale méditerranéenne. 

Adrien : C’est une espèce d’appropriation culturelle des vrais provençaux. 

Emi : Oui, peut-être pas jusque-là. Disons qu’on se fait une image de la Provence qui n’est pas vraiment celle qu’elle est. En fait, ce mode de vie-là est destructeur, parce que, déjà, c’est essentiellement un mode de vie bourgeois, il faut le dire.

Le truc aussi, c’est que la Provence existe uniquement parce que c’est le résultat de centaines, voire milliers d’années d’exploitation de la nature. En gros, la Provence, celle qui existe aujourd’hui, elle n’existerait pas si on n’avait pas coupé, par exemple, tous les chênes.

Aujourd’hui, quand on se balade en Provence, on est dans des maquis, on est avec des petits arbres piquants.

Le fantasme de la Provence

Inksushi : En gros, je pense que tout le monde a passé quelques vacances dans le sud de la France et on a tous cette image des grands pinèdes, des grands résineux, des choses comme ça. De ce côté un peu désertique, comme vous le représentez dans le jeu. Ce paysage ne serait pas tel qu’il est s’il n’y avait pas eu l’intervention humaine dans les siècles qui viennent de passer. 

Emi : Complètement, et même à l’époque des Romains et tout ce qu’on veut.

Il y a eu, dès le début, le fait de couper des arbres, et ces arbres-là, ils mettent des années à repousser. Les pinèdes, même, c’est là parce que si ça pousse, c’est parce que ça résiste bien au feu, le feu qui est souvent causé par les humains. À la base, on était vraiment sur d’énormes forêts de chênes. J’abuse peut-être un peu sur la taille du truc, mais c’était complètement différent.

Adrien : La pluviométrie est très impactée par ce qu’on fait à la nature. 

Emi : Il faut imaginer que la Provence est fondamentalement artificielle. Dans notre jeu, on est sur une planète qui est complètement artificielle. C’est-à-dire que c’est désertique, et en même temps, les trucs naturels sont apportés. Il y a des chèvres, mais pourquoi il y  aurait des chèvres sur une planète comme ça ? 

On se rend compte au bout d’un moment que la nature telle qu’elle était sur la planète à la base ne ressemble pas du tout à notre nature provençale. Et qu’il y a eu une partie de la nature originelle qui a été dévastée. Et qu’avant, à priori sur cette planète-là, il y avait beaucoup de marées, de zones humides. Je ne vous spoile pas pour la suite.

Mais c’est aussi le cas de la Provence. C’est aussi le cas de ce qu’on fait à Montpellier, par exemple. À Montpellier, il y avait énormément de marées et on a bétonné un maximum. On a l’idée de parler de ça. Voilà pourquoi Provence Punk, je ne sais pas si je m’approprie ce terme justement. Un petit peu, parce que c’est rigolo, parce que ça fait parler du jeu. Mais, en même temps, je trouve ce terme très ambigu.

Inksushi : On pourrait dire que ce terme n’est pas approprié à l’image que vous voudriez renvoyer de la Provence.

Adrien : Personnellement, le Provence Punk, ça ne me dérange pas. J’aime beaucoup la Provence. Je suis né en Provence, contrairement à Emi. J’ai une affection particulière pour cette région, même si je vois aussi tous les problèmes qu’il y a avec.

Mais là où je suis content quand même, qu’on soit inspiré de la Provence et qu’on représente ça dans notre jeu, c’est que si on a décidé de représenter la Provence, ce n’est pas anodin, parce que ce n’est pas le plus commun dans les jeux vidéo de voir la Provence. 

Je crois que A Plague Tale 2 le fait vraiment bien, avec des paysages méditerranéens. Mais finalement, quand on a commencé à faire Caravan SandWitch, à la base, avant de dire Provence, on s’est dit qu’on allait faire un jeu dans le désert.

Et on s’est retrouvé à faire des cailloux rouges, du sable rouge, des cactus, quelque chose de très Utah, très américain, parce que c’est un peu la représentation culturelle classique qu’on a d’un désert. Et après, on s’est dit, mais en fait, pourquoi est-ce qu’on va chercher si loin, alors qu’on vit dans un endroit magnifique, qui est notre environnement à nous, et du coup, on sera bien plus à même de le représenter finalement, que d’aller représenter quelque chose sur une idée culturelle qu’on pense connaître. 

Un jour, je suis allé faire un peu d’escalade, et j’ai dit à Emi, mais pourquoi les cailloux ne sont pas blancs dans Caravan SandWitch ? Et c’est à partir de là qu’on est parti sur du calcaire. En fait, tout de suite, tout nous parle plus, tout fait beaucoup plus de sens, parce qu’on connaît l’histoire géologique de l’endroit.

On connaît le calcaire, on connaît bien ses roches, on connaît bien le thym, le romarin, toutes les choses de la Provence. Et du coup, les représenter, même pour les artistes, c’était beaucoup plus fluide. On savait comment les choses devaient être, même si on allait chercher des références. On sait où on doit placer tel buisson, on sait où on peut mettre des pins à tel endroit dans le level design, parce que ça fait sens, ça fait écho avec notre vécu. Du coup, on raconte quelque chose de beaucoup plus proche de nous. Et je pense que c’est aussi ça, c’est un peu cette authenticité qui est intéressante. Et après, forcément, la Provence, commercialement, c’est quelque chose qui se vend bien. Les gens aiment la Provence, c’est une image mondiale.

Emi : Ce n’est pas quelque chose qu’on s’est dit quand on a commencé à créer le jeu. On s’en rend compte aujourd’hui, mais finalement, quand on a fait cette démarche de mettre quelque chose de plus provençal, c’était surtout pour parler de choses qu’on connaît, parce qu’on s’était beaucoup éloigné de tout cela. On faisait quelque chose qui était un peu un mix d’autres jeux qu’on aimait bien. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose, mais c’était beaucoup moins personnel. Finalement, on a fait le bon choix de faire un jeu plus personnel, qui nous motivait plus, qui parlait de choses qu’on connaissait. Donc on n’avait pas besoin de chercher de la légitimité ou de se poser trop de questions. Finalement, on a fait les choses qu’on connaissait. On a un petit village, on a des maisons avec des tuiles rouges. Les gens ne sont pas racistes et ne votent pas à 90% RN, mais ça, ce sont des choses qu’on retrouve dans les villages de Provence, mais pas forcément dans les jeux vidéo.

Bénédicte : Et alors du coup, à part ce qui vous entoure, est-ce qu’il y a eu d’autres influences, d’autres sources d’inspiration dans Caravan SandWitch ?

Inksushi : Par exemple, ces personnages grenouilles humanoïdes. Je ne pense pas qu’il y ait des grenouilles de 1,80 mètre au milieu de Montpellier.

Bénédicte : Ou alors juste dans les choix graphiques, etc.

Emi : Il y a beaucoup de choses à dire sur les choix graphiques. Pour les grenouilles, sachez que ça a failli être des hommes-poissons qui nagent dans le sable. Mais ça, c’était il y a très longtemps. Ça a évolué en grenouilles, parce que les grenouilles, c’est quand même cool. 

Adrien : Je pense que le propos des grenouilles, c’était vraiment quelque chose à la base même si elles n’étaient pas dans la vertical slice. Emi avait dit depuis longtemps qu’elle aimerait tellement qu’il y ait un peuple de grenouilles. Des fois, elle a un peu des idées comme ça qui lui trottent dans la tête. Et on s’est dit qu’on allait tenter, que c’était intéressant. 

Ça a assez bien marché, parce que ça permettait de raconter tout le passé de la planète. Encore une fois, ce sont des choses qui vont se découvrir dans le jeu. Mais toute l’histoire de cette planète, avant que l’humanité arrive, est marquée par ces hommes-grenouilles qui vivaient leur vie pépère, qui avaient une grande civilisation. Dans quel état sont-elles aujourd’hui ? Quel est l’impact de tout ça sur leur vie ?

Emi : Le capitalisme détruit des vies, c’est le message final.

Il y a un élément de la Provence qui est important pour les grenouilles, ce sont les crapauds accoucheurs. Il faut que vous alliez sur internet et que vous cherchiez le son des crapauds accoucheurs. Je ne vais pas vous le refaire en live, parce que ça va être très gênant.

Adrien : Si vous habitez en Provence, vous l’avez déjà entendu sans savoir que c’était ça. 

Emi : C’est sûr, parce qu’on ne peut pas se rendre compte que ce sont des crapauds. C’est plutôt cool, c’est un élément provençal assez important. Ce qui est intéressant, c’est que je crois que ce sont les mâles qui portent les œufs sur leur dos. C’est pour ça qu’on les appelle les crapauds accoucheurs. Cet élément de Provence est intéressant. Je ne m’étendrai pas plus sur la sociologie des grenouilles, parce que je n’y connais rien.

Bénédicte : Et du coup, dans les choix graphiques, tu disais qu’il y avait beaucoup de choses à dire.

Emi : Ah oui ! Charles parlerait bien mieux que moi de l’inspirationgraphique.

Le truc le plus connu, je dirais, c’est Firewatch, en termes de graphisme. Ce jeu a été une source d’inspiration depuis le début. Après, Charles avait son univers graphique bien à lui. Il l’a développé à travers Road 96.

Charles Boury, directeur artistique de Road 96. Il est parti de là, il s’est beaucoup inspiré du cinéma des Studios Ghibli, d’autres jeux comme Sable, qui est inspiré de Moebius.

Adrien : Le jeu a été beaucoup comparé à Jusant, même si ce n’était pas spécialement de l’inspiration, c’est juste que c’est arrivé en même temps que nous.

Mais on a tenté des choses un peu nouvelles aussi, sur Caravan SandWitch, en termes de composition graphique, et je pense que ça a été remarqué. On nous dit que c’est assez frais visuellement. On a tenté des techniques de rendu visuel un peu novatrices. On pense que le stylisé, c’est quelque chose qui survitnt mieux au temps, qui est plus personnel, et on peut raconter quelque chose de beaucoup plus intéressant avec.

Et après, effectivement, les inspirations visuelles sont extrêmement nombreuses. On aura du mal à s’étendre dessus, parce que ce n’est pas notre domaine, il faudrait que Charles soit là.

Emi : Après, dans les couleurs et tout, c’est quelque chose qui est complètement inspiré de la Provence. C’était quelque chose qui était déjà dans la vertical slice, mais la Provence, les tableaux de Cézanne et les trucs comme ça restent très classiques..

On a fait des randos en Provence en équipe, à la pré-production, pour s’imprégner de l’affaire. Et il faut savoir que même Charles a quitté Paris pour aller plus dans le sud, pendant cette production, peut-être aucun rapport. Mais du coup, c’est quand même aussi beaucoup inspiré de la réalité, et en même temps, adapté à cet univers stylisé et graphique de Charles.

Je ne pourrais pas donner par exemple une œuvre ou un truc qui nous a plus inspiré qu’une autre, parce que le développement graphique a commencé avant Charles, par moi. Et ce, avec des influences très différentes des siennes. J’ai tout délégué à Charles en termes de direction artistique après.

Mais il partait déjà avec une base, et des techniques graphiques qu’on avait développées, auxquelles il a su s’adapter. Le développement graphique de ce jeu, de ce projet, est en partie dû aux contraintes de production qu’on avait. Et donc en gros, je ne peux pas vous donner une réponse de plus de cinq lignes.

Bénédicte : Non, il n’y a pas de problème. Au contraire, c’est super intéressant. C’est super intéressant à écouter, et avoir aussi toute cette émulation d’influence.

Emi : Je peux vous en parler. Par exemple, la végétation est quelque chose qui a très peu bougé, en termes de style, depuis le début. Par exemple, les buissons, les arbres, c’est quelque chose que j’ai fait pour la vertical slice. Je crois que le tronc des arbres, lui, n’a pas bougé du tout. Les feuilles ont été refaites. Ensuite, il y a eu beaucoup de techniques déployées autour des arbres.

C’est quelque chose auquel Charles a su s’adapter. Ensuite, il y a eu l’influence de Shanice, qui a bossé sur le level art et sur les props 3D. En gros, c’est cette influence de toutes ces personnes qui fait vraiment le rendu final

Adrien : Ce qu’on voulait raconter, je pense, visuellement, c’était ce côté sud, soleil, Provence, vacances d’été. On avait vraiment ces inspirations-là, avec des couleurs très chatoyantes, ce ciel bleu qui pète. On avait l’ambition d’avoir un univers très coloré.

Emi : Je vais me faire taper sur les doigts si j’explique mal la direction artistique. Il y a aussi un truc important. On s’inspire des Ghibli, non seulement dans le style graphique, mais aussi sans oublier la dimension politique et sociale des Ghibli. Les films de Miyazaki parlent beaucoup de fascisme et de guerre. C’est quelque chose qu’il ne faut pas oublier. L’idée, c’est qu’on s’est beaucoup inspiré de ça, notamment pour tout ce qui est structures, machines et ferraille, tout ce qui est lié à l’exploitation des corporations.

Effectivement, l’idée, c’est qu’on s’est posé beaucoup la questions sur la représentation de la technologie dans le jeu et l’opposition technologie-nature. C’était une des lignes directrices de la direction artistique. On s’est beaucoup inspiré de ce qu’on a pu voir dans nos petits villages, mais aussi des trucs qu’on a pu voir dans nos ZAD.. Pour tout ce qui est lié à la technologie, on s’est énormément inspiré des machines dans les Ghibli. Vous voyez les gros trucs mécaniques qui volent, les choses comme ça. Sans forcément reprendre les mêmes codes visuels. C’est-à-dire que c’est très rond dans les Ghibli. Nous, c’est plus carré.

Bénédicte : On a l’impression aussi, c’est même plus qu’une impression, en jouant à la démo ou en regardant les vidéos, les textes, etc, notamment sur la page Steam et autres, qu’il y a un vrai propos aussi autour de l’orientation écologique du jeu. Est-ce que ça a été une volonté aussi de votre part de parler de ces sujets-là ?

Inksushi : Il y a aussi, en fond, cette énorme tornade qui, de ce que nous voyons pendant la démo, nous fait forcément écho à une approche très écologique de l’environnement et de l’impact que les changements engendrés par la corporation peuvent avoir sur l’écosystème.

Emi : Honnêtement, il y a quelque chose d’intéressant à dire sur cette tornade. Mais, pour le dire, je pense que nous sommes un peu déçus parce qu’on n’a pas réussi à porter un propos plus pertinent et plus précis sur l’écologie. Les problèmes de la production, globalement, ont fait que c’était un peu compliqué de porter tout à la fois et de s’en sortir et d’arriver à avoir un propos clair.

Dès le Jour 0, quand on a eu cette espèce de vision sur cette colline, on s’est dit que ce serait vachement bien de faire un jeu où on se balade en caravane dans un désert provençal. C’était notre intention. Quand on crée, on porte toujours quelque chose en soi. J’avais 17-18 ans quand on a eu l’idée du jeu et je pense que notre projet porte toujours cela en lui.

Je voulais à tout prix pouvoir expulser de moi tout ce que j’avais en termes d’éco-anxiété, tout ce que j’avais en termes de rage contre ce monde qui est en train de se détruire. Cette société qui est en train d’ignorer sciemment ce qui était une évidence à l’époque pour moi. Déjà, nous savions que nous allions droit dans le mur en termes écologiques, avec le réchauffement climatique, en plus de la destruction de nos écosystèmes. On va peut-être parler plus de cet aspect dans Caravan SandWitch que du réchauffement climatique parce qu’en fait, vu que c’est de la science-fiction et que ça ne se passe pas vraiment dans notre univers, ce n’est pas forcément évident de parler exactement de la problématique des émissions de CO2.

Mais ce qu’il y a à retenir dans cet univers aussi, c’est qu’il y a ces problématiques de changement climatique. C’est-à-dire que la planète a été complètement changée par l’exploitation humaine. C’est un peu ce qu’on appelle la terraformation en termes sciy-fi. Je trouve que c’est très étrange comme principe. Je l’ai vu dans certains jeux qui montrent ce concept comme quelque chose de très positif. Par exemple, on a eu le jeu Terra Nil récemment. Le principe c’est de se dire qu’on va imposer une nature artificielle sur un territoire qui ne nous appartient pas.

Je trouve que l’idée de se dire que les humains vont arriver sur une planète et la terraformer pour que ça réponde à leurs propres besoins est assez dramatique. Et quand je dis que ça a fait l’inverse d’une terraformation, c’est que, dans l’histoire de Caravan SandWitch, l’exploitation a juste fait en sorte que la planète soit habitable par des humains, mais pas assez pour que ce soit vivable. En gros, on peut respirer, tout va bien, mais en fait, toute la planète est maintenant désertique après avoir creusé dedans comme du gruyère et exploité tout ce qui pouvait s’y trouver.

Là, je pense qu’on parle d’écologie. J’espère qu’on a réussi à prendre suffisamment de précautions pour essayer d’éviter de tomber dans certains travers de la science-fiction, qui a une approche souvent un peu colonialiste.

Après, pour ce qui est de la grande tempête, effectivement, c’était censé être quelque chose de très différent au fur et à mesure des moments de la production.

Adrien : C’est quelque chose qui est là depuis la première idée du projet avec la sorcière des sables. D’où le SandWitch du titre. Ce n’est pas des sandwiches qu’on va aller vendre avec notre food truck. On aurait dû l’expliquer dès le début. Peut-être qu’on aurait dû présenter le jeu au début de la discussion, mais on va se dire que les personnes qui lisent cet entretien ont déjà joué à la démo.

La tempête, au début, avait un aspect très mystique. Finalement, ça a pris un tournant beaucoup plus concret. Là, la tempête, s’en trop s’étendre dans les détails, c’est un peu le résultat de ce qu’on appelle l’accident.

C’est quelque chose qui s’est produit il y a un certain temps sur cette planète. Une machine qui se trouve au centre de cette tempête s’est emballée. Il y a un côté très Tchernobyl.

Plus localement, on a un projet que les Provençaux connaîtront qui s’appelle ITER, qui est globalement une collaboration internationale pour produire de la fusion nucléaire, donc une forme d’énergie quasi limitée.

Peut-être qu’ITER est très sécurisé, je ne sais pas, mais si quelque chose comme ça venait à dérailler complètement, comme on a pu le voir avec Tchernobyl, on se retrouverait avec une espèce d’anomalie sur la planète, un endroit où il ne faut pas vraiment aller, où l’humain n’est plus le bienvenu.

C’est un peu tout le propos de cet endroit. Il y a cette tempête, les gens apprennent à vivre avec. Ils ne s’en approchent pas trop. Ça a un impact énorme sur la vie, sur la façon dont on doit s’organiser, sur le fait que, du coup, travailler pour les mégacorporations qui étaient là, ce n’est plus aussi simple maintenant qu’il y a ça en plein milieu

Emi : C’est là encore le résultat d’avoir passé toute notre adolescence à côté d’une espèce de méga-complexe gigantesque industriel avec plein de gens qui y travaillent. Mes parents ont travaillé sur ITER. En gros, c’est quelque chose qui, je pense, a eu quand même un impact sur moi et sur nous. Honnêtement, j’ai jamais eu peur que ITER explose et nous engouffre. Mais là, on l’imagine. Ce qui est moins intéressant, je pense, c’est d’imaginer l’explosion. Et ce qui est plus intéressant, je pense, c’est la façon dont on a pensé cette histoire.

On se rend compte dans le jeu final à quel point tout est tourné autour de cette machine. C’est-à-dire qu’on va découvrir plein de ruines. Ce sont des ruines de plein d’usines, de transformateurs, d’héliports, de spatioports, des choses comme ça. Ce sont des ruines qui ont toutes vocation à fonctionner avec cette énorme machine. Là encore il y a un parallèle avec la violence.

Par exemple, je viens d’un petit village qui, justement, a eu sa population augmentée de manière significative avec ce projet. Parce qu’en fait, la zone de l’ITER est perdue au milieu de nulle part. Mais les gens viennent parce qu’ils trouvent du travail à côté.

Donc il y a une forme d’étrangeté dans ce village. Il y a plein de gens qui sont catapultés ici, ce qui fait qu’ils doivent cohabiter avec des petits vieux qui sont là depuis plusieurs générations et ne sont quasiment jamais partis de cet endroit.

Adrien : Il y a eu des villages qui sont sortis de terre un peu partout en Provence et autour, pour loger les gens qui venaient. Il y a notamment toute une infrastructure qui est développée. C’est-à-dire qu’il y a des chemins qui sont faits entre les ports et ITER pour que des convois de 40 mètres de long puissent passer.

En fait, il y a plein de choses qui sont organisées autour. Et sur Sigalous, autour de cette machine, toute la ville a été pensée pour ça. Donc on a un peu repris tout ce côté-là. Cette espèce d’infrastructure-village qui se crée autour de cette grosse machine, au sein de laquelle tout le monde vit pour ça. C’est quelque chose qui parlait de nous.

Emi : Ça a beaucoup influencé le design du jeu, finalement.

Adrien : Il n’y a pas beaucoup de jeux qui parlent d’ITER.

On en parle un petit peu. D’ailleurs, je pense même qu’il y a un petit easter egg. Si on regarde au loin, dans une des directions, à l’horizon, il y a la silhouette d’ITER.

Emi : Ce qui n’est pas particulièrement très intéressant visuellement, parce que c’est vraiment un gros carré. C’est un gros carré avec des grues. Mais voilà, ça aide à entretenir le feeling de boire ta bière en train de zoner dans une zone industrielle provençale un peu dégueulasse. 

Bénédicte : Du coup, l’un des sujets qu’on n’a pas abordé encore, ça reste dans la création du jeu, bien entendu, c’est tout ce qui est bande-son. J’ai lu que vous aviez collaboré avec Antynomy sur la bande originale. Pourquoi ce choix ? Comment êtes-vous  entré en contact ? Comment s’est passée la production de la bande-son ?

Adrien : C’est une très bonne question. Du coup, Antynomy, c’est une Française qui vit en Belgique, qui n’avait jamais travaillé sur des jeux vidéo. Nous avons été mis en contact par une personne qui était lead narrative designer sur le projet.

Tout s’est passé par un échange de mails à la base. Je pense que c’est Antynomy qui cherchait du travail, qui contactait des gens. Et du coup, on s’est dit, pourquoi pas ?

On a vu un petit peu son portfolio, ce qu’elle faisait. C’était dur à la base de se projeter, parce qu’elle n’avait pas de composition implantée dans un jeu vidéo, même si elle avait travaillé sur pas mal de documentaires. On a pris contact très rapidement et ça s’est super bien passé.

En fait, on a un peu fait un pari, parce qu’on a demandé à quelqu’un qui n’a pas forcément cette expérience de produire de la musique pour un milieu aussi spécifique. Le jeu vidéo, c’est quand même assez spécial. On a beaucoup de musiques qui bouclent. Aussi, on fait un peu ce qu’on appelle de la musique verticale, c’est-à-dire qu’à la place d’avoir, par exemple, une musique pour la zone A et une musique pour la zone B, on va plutôt avoir des couches de musiques différentes, avec des couches d’instruments qui vont venir s’ajouter ou s’enlever, selon ce qui se passe dans l’histoire, selon l’endroit ou nous trouvons.

C’est une façon de faire la musique différemment, mais Antynomy a été là pour relever le défi. Elle avait ce côté qui nous intéressait particulièrement. C’était sa voix. Elle chante très bien, et elle chante en français. On voulait un petit peu jouer là-dessus, de la même façon qu’on parle de la Provence, qui est un territoire qu’on connaît, pourquoi aller chanter en anglais quand on peut parler avec des mots qui nous sont plus proches et plus familiers ?

En plus, ça fait la French touch quand ça part à l’étranger. Mais c’était très important pour nous. On avait en plus pas mal d’inspirations. Personnellement, j’écoute beaucoup de musique. Je dirais, de la pop de l’été, moderne, française, genre Clara Micheli, Junior, ce genre d’artistes assez incroyables. C’est grâce à ça qu’est né le morceau de titre du jeu, Pensée dérobée, qui est sur tous les trailers jusqu’ici et qui a incroyablement bien marché.

On a énormément de personnes qui nous ont demandé qui est l’artiste et où trouver le titre. Ça a été beaucoup de travail avec des tas de personnes pour faire du mastering, etc. Il y a d’autres chansons, d’autres titres chantés, quand même. Mais c’est le morceau principal, avec des paroles très belles et qui racontent, en réalité, un peu l’histoire du jeu.

Donc il faut la connaître pour faire le lien avec les paroles. Mais ouais, c’était très important pour nous d’avoir quelque chose de ce genre. En fait, on a tout fait dans ce jeu. On a jamais envisagé d’acheter un titre quelque part. On voulait que cette musique représente parfaitement le jeu, que ça fasse une symbiose parfaite avec les visuels, avec l’histoire qu’on raconte. Antynomy a été  très forte pour ça.

Inksushi : C’est une collaboration réussie parce que, clairement, comme tu dis, la musique qu’il y a dans le trailer nous plonge directement dans le mood que vous voulez renvoyer avec votre jeu. Et même le plaisir de l’exploration dans cette zone mi-désertique avec des ruines, etc., sous cette bande-son très tranquille, rend ultra agréable l’expérience. Et ça marche vraiment très bien.

Adrien : On n’a pas souvent l’occasion de nous exprimer directement comme ça avec des médias. On parle donc beaucoup des intentions cachées, de nos visions politiques. Ce n’est pas ce qu’on voit le plus dans le jeu, parce qu’en réalité, c’est un jeu très chill. C’est un jeu d’exploration, comme tu le dis. Et la plupart du temps, ce qu’on a créé, c’est cette ambiance d’être dans le désert, d’avoir son temps, d’avoir les cigales autour.

C’était quand même une partie du travail assez monumentale. Je pense que ce qu’on offre aux bibliothèques Steam des gens, c’est cette expérience de repos et de détente. Il n’y a pas d’action dans Caravan SandWitch. Il y en a dans le scénario, mais on ne va pas mourir, on ne va pas combattre.

On a voulu raconter que c’est possible de faire un jeu intéressant sans avoir besoin de la violence. La bande-son, le visuel contribuent clairement à ça. C’était vraiment notre pilier de gameplay, ce qu’on voulait raconter. Et c’est une mission réussie, je pense, parce que déjà dans la démo, ça a marché

Inksushi : Je pense que vous avez réussi à rendre le combat un peu plus macro, ou dans le sens où ce n’est pas notre héros contre des ennemis, mais plus une quête contre un ennemi beaucoup plus grand, quasiment impalpable, qui sont cette corporation, ce côté apocalyptique, et que c’est un peu le combat de ce petit village, de survie dans ce milieu qui n’est totalement pas adapté.

Adrien : Tu as tout compris. De toute façon, histoire de revenir sur le sujet de l’écologie, je pense que les gens vont voir beaucoup de choses dans le jeu. Ils vont voir et interpréter beaucoup de choses dans ce qu’on propose. Même si on n’a pas rendu les choses extrêmement claires, les intentions vont être visibles.

Et comme tu le dis, si les gens ressentent ce combat, déjà, c’est génial. Tout n’est pas expliqué clairement, mais  ils vont quand même sentir que l’eau est polluée, qu’il s’est passé des choses néfastes. Je pense qu’on ne s’y attend pas encore, mais la communauté va beaucoup s’approprier l’œuvre qu’on a faite.

Emi : La communauté a déjà commencé à s’approprier l’œuvre. Ils se sont appropriés une petite partie de la carte. Mais c’est clair que personne ne va faire le rapprochement avec ITER.

Bénédicte : Maintenant, toutes les personnes qui ont entendu cette interview vont faire le rapprochement.

Emi : Les gens qui ont vécu dans des petits villages à côté pourront se sentir représentés. Ce que je voulais dire, c’est que, en tout cas, déjà, sur la composition, sur la musique et sur le son, je tiens à préciser que tout ça ne serait pas possible sans l’aide de Clotilde Schultz.  La musique c’est très cool dans un jeu, mais, en fait, sans le sound design le résultat ne serait pas aussi impressionnant. 

Adrien : Elle a donné vie au monde de façon spectaculaire. C’est ça. Les gens se sentent en Provence quand ils ferment les yeux.

Emi : Les cigales c’est la surface, mais il y a le vent, il y a le bruit de l’eau qui coule. D’ailleurs, il faut que je dise le son de l’eau qui coule. Parce que certains designers font des sons et ils ne font pas du bruit. Je précise car cette distinction est importante. Elle a vraiment donné une profondeur incroyable au jeu. Vraiment, les bruits de la nature, mais aussi le bruit des machines.

On pourrait aussi en parler, mais le son de la solitude quand tu est’es au milieu d’ une ruine, que tu es seul et que tu explores. C’est complètement différent. Pareil pour les craquements du métal et du béton qui s’installent; . Le sable dans le désert ou le sable sur le béton.

Adrien : Jouez avec un casque quand vous jouerez à Caravan SandWitch. Il y a eu beaucoup de travail qui a été fait sur l’univers sonore. Je pense que c’est remarqué quand même par les gens.

En général, on dit un bon sound design, on ne le remarque pas, mais, à l’inverse, un mauvais travail du son se remarque immédiatement.

Inksushi : Je me suis fait la réflexion de cette cohérence entre l’ambiance graphique et l’ambiance sonore, etc. Avant l’interview, je regardais la vidéo de The Great Review sur votre démo. Et le truc le plus parlant, c’est sur les spots, sur les points de vue où en fait, vraiment, il s’arrête dessus et il profite de l’ambiance. Et contrairement à d’autres jeux où tu en as et tu t’arrêtes dessus et tu te dis « Oh non, merde, c’était une interaction qui ne sert à rien, je passe à autre chose. » Quand vraiment, tu as besoin de te poser et de profiter de ce qui t’est proposé, c’est que le travail est réussi.

Adrien : Il y a quelque chose qu’on voulait raconter dans la façon dont on veut que les gens jouent à Caravan SandWitch. Il faut jouer à son propre rythme. Le gameplay est tourné autour de ça. Il y a par exemple le fait que, théoriquement, tu peux quitter la partie à tout moment et revenir et ne pas avoir à te poser la question de comment sont gérées tes sauvegardes. On voulait vraiment que les gens puissent poser la manette et revenir plus tard.

Ces moments de contemplation, ce sont vraiment ces moments où on invite les gens à poser la manette, peut-être à faire une petite pause, à réfléchir un petit peu à ce qui vient de se passer et à profiter. En vrai, je ne savais pas comment ça allait marcher. Finalement, en voyant le jeu en stream, on s’est rendu compte que les gens sont vraiment friands de cela.

Après, on s’est beaucoup inspirés du coup de Stray parce qu’il y a ce côté où la caméra va lentement reculer pour trouver une composition artistique sympa. Il y a un peu ce plaisir d’attendre quelle va être l’image finale qui va permettre la meilleure capture d’écran.

On a plein de gens qui nous ont envoyé des screenshots quand ils sont restés à un point de contemplation assez longtemps pour saisir ce moment parfait. Peut-être que ça va un petit peu trop lentement, mais globalement, c’est cool de voir que l’ambiance globale du gameplay est vraiment comprise par les gens qui y jouent.

Emi : Ça permet aux streamers de discuter. Ce qui est intéressant, c’est que pendant que les gens font ce petit moment de contemplation, les streamers ont le temps de lire le chat et de répondre.

Bénédicte : Est-ce que vous avez un message à faire passer ?

Emi : Il y a quelque chose qu’on voit pas mal en ce moment. Avec la situation politique actuelle et l’état des forums Steam, il est bon de rappeler que si vous jouez à Caravan SandWitch, il y a une certaine quantité de personnes non-binaires, queers, trans et un casting très divers de 25 personnages qui est représenté dans ce jeu. Donc, voilà, vous êtes préparés.

S’il vous plaît, arrêtez de nous envoyer des messages réfractaires, genre sur l’écriture inclusive et d’autres sujets du genre. On ne les lira pas, ça ira directement à la poubelle. C’est quelque chose que je tiens à dire.

Et que, s’il vous plaît, si vous faites des jeux, faites plus d’inclusivité. Mettez-nous tous les types de personnages. Moi déjà, il suffit qu’il y ait un personnage trans pour que je joue à votre jeu. C’est facile, c’est de l’argent facile quand même. Mais aussi, s’il vous plaît, traitez bien vos sujets, embauchez des personnes LGBT et avec des backgrounds divers. Traitez bien vos employés. Quant aux salariés ?  Syndiquez-vous, adhérez à des syndicats.

Adrien : Je vois Béné qui approuve à fond.

Bénédicte : Oui, oui, oui !

Emi : S’il y a des gens qui écoutent cette émission et qui n’étaient pas encore convaincus. En tout cas, j’espère que c’est le cas désormais. N’hésitez pas. En tout cas, si certains ont besoin de gens pour faire leur jeu vidéo, on a travaillé avec de super personnes qui ont fait partie de notre équipe qui sont en partie en recherche d’emploi. N’hésitez pas à nous envoyer un message pour découvrir l’équipe et même aller sur planetoast.com pour voir l’équipe au complet et jouer à Caravan SandWitch si vous voulez. Je vous fais des grands bisous.

Bénédicte : Eh bien, je pense que sur ce beau message de fin, nous allons nous quitter. Merci à vous d’avoir été là ce soir, aujourd’hui, dans la journée, selon quand est-ce que vous écoutez ce podcast. Merci à Adrien et Emi d’avoir répondu à toutes nos questions.

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