Edito - AD/ VITAM/ ETC/ épisode 01 / JEUX DE CONSTRUCTION

AD/ VITAM/ ETC/ épisode 01 / JEUX DE CONSTRUCTION

22/10/2023

Couverture du livre sur Undertale

J’ai reçu récemment le livre de Corentin Benoit-Gonin sur Undertale (Third Éditions, 2023), et ce matin je vous le photographie chez moi, au café, sur mes genoux. J’ai littéralement dégusté ce travail de recherche sur le jeu de Toby Fox. À la fois amusé et amusant, qui comme le jeu nous touche et nous bouscule en tant que lecteur, dans la forme du produit qu’il propose, et dans le propos qu’il étire sur plus de 200 pages. Une joie de recevoir l’ouvrage et de le parcourir, même de m’en spoiler des parties en piochant dans les entrées thématiques, historiques – bref – en jouant avec l’objet et sa temporalité. J’écris ses lignes car je suis moi-même dans l’attente de la réception de mon propre projet personnel, ayant consacré plus de temps que de raison, un an, à la confection de mon premier livre sur le remake de Final Fantasy VII (chez le même éditeur).

Mes enfants dans le salon

Ce même jour, alors que mes enfants, construisent des architectures de kaplas dans le salon, des plans de mondes éphémères, structurés avec attention (me racontant que tel lieu accueil des animaux, et que tel autre est un toboggan), je me suis rendu compte à quel point Ad/ Vitam/ Etc/ était peut-être né, sans le vouloir, d’une lecture : le livre de Paul Cox : Jeu de Construction (B42 éditions, 2018). Ce recueil est un blog édité sous une forme reliée, écrit de manière frénétique lors du montage d’une exposition, et témoigne d’une étape courte de la vie de son auteur, de ses processus créatifs, richement illustré de ses croquis, photographies et autres productions graphiques, dans un récit journalier qui nous parvient par bribes, aux multiples connexions. Je ne sais si c’est la trame du tapis de mon salon allié aux circuits créés par ma fille qui m’a évoqué la couverture toute aussi déconstruite, mais tout m’est paru finalement très clair à l’esprit. Dans Ad/ Vitam/ Etc/, je vous propose un journal intime de mes pensées vagabondes, que j’accumule au milieu d’images pour former de jolies paquets – rien que ça – alors, je me revendique de Paul Cox – soyons fou.

Plus tard aujourd’hui, j’ai déposé devant vous un tas de livres, piochés dans mes différentes étagères, des livres collectés au fur et à mesure des années (parfois plus de 15), qui trainent là pour moi, pour nous, et nourrissent nos envies.

Je n’ai jamais été un grand lecteur, et pour cause, j’aime les livres avec des images. Je ne suis pas un littéraire au départ, depuis tout petit je ne lis pas, je feuillette. J’ai toujours adoré la relation texte/image avant tout, la plasticité des choses. Aussi je dois bien vous avouer qu’avant le jeu vidéo, je n’écrivais pas. C’est lui qui m’a poussé à devenir auteur, de vidéos, d’articles et maintenant d’un livre – un vrai livre. 

ad_vitam

Pour autant je suis bien incapable de vous parler avec sérieux d’articles, thèses ou essais de game studies. Si j’ai pourtant commencé à acheter quelques titres comme Espace et temps des jeux vidéo (Questions théoriques, 2012) au milieu des années 2010. J’ai moi même revendu mes exemplaires il y a peu, car n’en ayant plus l’utilité de les posséder. Alors oui, j’ai besoin de livres pour discuter du jeu vidéo, c’est même essentiel – mais pas de ceux-là. Peu ou pas de livres qui discutent du jeu vidéo en tant que tel, où en tout cas surtout qui le théorise. Ça peut paraitre un peu idiot, venant de quelqu’un qui désormais en conçoit, et qui le théorise à son tour, mais paradoxalement si les ouvrages consacrés à un titre peuvent me passionner, les game studies n’arrivent pas à me nourrir, et cela malgré bien des tentatives.  

The Avalanche (Owen)

Été 2020, c’est au détour d’un compte Vinted que j’ai découvert finalement les livres qui allaient me guider dans mes recherches. Patricia Marmignon est une chercheuse associée au CNRS, et devinez quoi, fut un temps où elle vendait ses livres sur cette même application. Et moi, je suis tombé sur elle totalement par hasard. Au milieu de ses robes et escarpins, elle vendait également des ouvrages de la fine fleur de la recherche française sur la spatialité japonaise. Alors, J’ai passé le pas, commencé par lui acheter (puis à d’autres) des livres, découvrant Augustin Berque (la sommité) et un ouvrage sur la nouvelle vague d’architectes des années 2000 (exceptionnel), finissant même par la questionner directement sur des auteurices – notamment l’ouvrage sur les banlieues japonaises de Cécile Asanuma-Brice (livre qui est devenu une bible pour moi). De cette rencontre improbable, celle de trouver une chercheuse sur une appli de troc en ligne, je me suis mis à l’utiliser de la sorte, non comme un site marchand, mais comme un moyen d’accéder à toute sortes de livres sur le Japon, particulièrement sur son espace, son urbanisme, sa société, son histoire. C’est d’ailleurs de cette étincelle qu’est né mon goût pour l’architecture. Car bien qu’étant un ancien designer graphique, je n’ai aucune formation dans ce domaine bien précis. Avec le recul, le livre que je m’apprête à recevoir, que j’ai moi-même conçu, est épris du Japon, de sa réalité, que j’ai vu de mes yeux vu, mais aussi de ce que j’en fantasme, à travers ses productions culturelles. Et c’est certain qu’il n’aurait pas été le même sans cette rencontre improbable (et celle de mon ami Pierre Brissiaud). C’est même le déclic le plus important de ma courte carrière d’auteur sur le jeu vidéo : je désire parler des jeux japonais en les connectant à leur société, à leur histoire. J’ai achevé la toute première pierre de cette idée en 2021, en consacrant une vidéo à Death Stranding. J’y disséquais cette notion de kekkai 結界 (corridors, seuils, et sas d’entrée –  ces transitions propre au pays) dans un tropisme purement japonais, qui permettait de réinterpréter la nature des espaces prétendument islandais que nous parcourons dans le jeu de Hideo Kojima (et c’est évidemment un livre sur la beauté du seuil au Japon qui m’a permis cela). 

Waiting To Be Found (Masashi Hamauzu pour Final Fantasy VII Remake)

Si on m’avait dit alors adolescent que ce serait ma passion pour les livres qui me permettrait un jour de discuter du jeu vidéo autrement, de trouver un angle d’accroche qui me passionne, et qui a donné naissance à mon premier livre de ma main, jamais je n’aurais cru cela – moi qui était si réfractaire à cette posture, ignorant alors que les livres d’images seraient finalement toujours de la partie. Pourtant aujourd’hui, je peux même dire qu’en dehors de l’expérience du jeu (dont je souhaite discuter), c’est l’ensemble des savoirs accumulés sur la culture japonaise qui me pousse à toujours vouloir poursuivre cet élan. Rattrapé par les images d’un pays que je ne comprendrais jamais totalement (en tout cas pas autant que Kipp0), vivant par procuration cette culture insulaire, et mes jeux vidéo.


Ce matin, j’ai terminé un bon livre sur Undertale, j’ai contemplé mes enfants jouer, j’ai fait une belle pile pour vous parler des livres que j’aime – pas compliqué finalement – je crois que c’est ça Ad/ Vitam/ Etc/, des actes, des jeux, des souvenirs, des envies,

Mon salon <3

& jusqu’à la prochaine fois.

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